PNER : le gouvernement et ses partenaires mobilisés pour électrifier les zones rurales du pays d’ici 2040

il y a 3 heures 23
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Une table ronde consacrée au financement du Plan national d’électrification rurale (PNER) s’est tenue ce mercredi 26 novembre 2025 à Conakry. Organisée par le ministère de l’Énergie, à travers l’Agence guinéenne d’électrification rurale (AGER), avec l’appui du PNUD, cette rencontre a réuni membres du gouvernement, partenaires techniques et financiers, investisseurs privés, représentants de collectivités locales autour d’un objectif central : faire de l’accès à l’électricité en milieu rural un véritable levier de transformation économique et sociale.

Un paradoxe énergétique au cœur des débats

La Guinée dispose d’un potentiel énergétique exceptionnel : plus de 6 000 MW de potentiel hydroélectrique, un ensoleillement élevé toute l’année, des ressources minières et une biomasse encore peu exploitée. Pourtant, le pays affiche encore l’un des taux d’accès à l’électricité les plus faibles de la sous-région.

Selon les données rappelées lors de la rencontre, seuls un peu plus de la moitié des Guinéens ont accès à l’électricité, avec une situation nettement plus critique en milieu rural, où moins d’un habitant sur trois est raccordé.

Pour le directeur général de l’AGER, Moussa Condé, cette réalité constitue un véritable paradoxe : « Nous sommes riches en ressources, mais pauvres en accès. (…) 91 % de taux d’accès en milieu urbain contre à peine un quart en milieu rural, alors que plus de 60 % de notre population vit dans les campagnes. La majorité des Guinéens vit encore en marge de l’économie moderne. »

Il rappelle que l’électricité n’est pas « un service ordinaire », mais une infrastructure de souveraineté, un socle économique et un facteur d’égalité entre les territoires.

Un plan structuré pour l’accès universel à l’horizon 2040

Face à ce défi, le gouvernement s’est doté d’un Plan national d’électrification rurale, avec une ambition claire : l’accès universel à l’électricité en milieu rural à l’horizon 2040.

Le PNER prévoit l’électrification d’environ 15 000 localités rurales sur près de 26 000 identifiées, à travers une combinaison de solutions : extension du réseau national, mini-réseaux solaires, centrales hybrides, systèmes solaires décentralisés et petites hydrauliques.

Ce programme sera déployé par phases successives – urgence, moyen terme, puis phase finale – et s’appuiera sur un modèle de partenariat public-privé. Le territoire sera découpé en sept zones d’électrification rurale attribuées à des opérateurs privés à l’issue d’appels d’offres internationaux.

L’ampleur de l’investissement est considérable : plus de 3,6 milliards de dollars sont nécessaires pour les infrastructures, auxquels s’ajoutent des ressources dédiées au renforcement institutionnel, à la planification et au suivi-évaluation.

« Le budget de l’État, seul, ne peut pas porter cette charge, insiste Moussa Condé. Nous ne venons pas chercher de simples financements, mais construire un partenariat stratégique pour transformer un pays. Dans 15 ou 20 ans, les enfants qui naissent aujourd’hui jugeront ce que nous avons décidé ici. »

Namory Camara : « L’électrification rurale n’est pas une dépense, c’est un marché »

Dans son allocution d’ouverture de la table ronde, le ministre de l’Énergie, Namory Camara, a replacé le PNER dans le cadre plus large du pacte national de l’énergie, dit M300, qui projette une transformation profonde du secteur.

« Le pacte national de l’énergie décline des engagements opérationnels avec une ambition rare en Afrique : atteindre 100 % d’accès à l’électricité, 70 % d’énergies renouvelables et 35 % d’accès à une puissance propre à l’horizon 2030, en mobilisant près de 9 milliards de dollars d’investissements structurants », a rappelé le ministre.

Pour illustrer le potentiel d’impact des projets déjà en cours, il a cité plusieurs exemples concrets :

  • à Thianghel Bori (Lelouma), une centrale solaire appuyée par un système de stockage alimente désormais plus de 34 000 habitants, transformant la vie des écoles, centres de santé et activités commerciales ;
  • à Kalinko (Dinguiraye), une installation solaire permet à plus de 120 ménages et à plusieurs dizaines d’activités génératrices de revenus d’accéder à une énergie fiable ;
  • à Siguirini (Siguiri), une production solaire couplée à un important stockage dessert des centaines de ménages et d’activités économiques, démontrant que les mini-réseaux solaires « ne sont plus des projets pilotes, mais des solutions robustes et reproductibles ».

Pour Namory Camara, ces réalisations montrent que l’électrification rurale est aussi une opportunité d’affaires : « L’électrification rurale ne constitue pas une dépense, c’est un marché, un levier de croissance, un multiplicateur de valeur. Chaque localité électrifiée crée de nouvelles opportunités pour l’agro-industrie, le numérique, la santé, l’éducation. »

Le ministre a annoncé que la Guinée consacrera 20 % du financement public prévu dans le cadre du pacte M300 – soit une part significative des 9 milliards de dollars – au déploiement du PNER : « Ce geste souverain atteste de notre détermination à assumer pleinement notre part de responsabilité et à créer un levier propice à la mobilisation accrue des partenaires et du secteur privé. »

Un pilier de la vision Simandou 2040

Le ministre de l’Économie et des Finances, Mourana Soumah, a pour sa part souligné l’importance de l’énergie dans la stratégie de développement du pays, notamment à travers la vision « Simandou 2040 ».

« On n’a pas d’autre choix que d’assurer l’accès de nos concitoyens à l’électricité. Ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité, tant pour le bien-être des populations que pour l’installation des unités industrielles, des agropoles, des conserveries et de tout l’écosystème d’affaires », a-t-il indiqué.

Il a plaidé pour la libéralisation du marché de l’énergie et le recours accru aux producteurs indépendants (IPP), dans le cadre d’une loi sur les partenariats public-privé, afin d’attirer de nouveaux acteurs dans la production électrique.

Rappelant que la capacité installée nationale tourne autour de 1 400 MW, avec des pertes techniques et commerciales estimées à environ 35 %, Mourana Soumah a insisté sur l’urgence de corriger ces manquements pour améliorer la distribution et soutenir la montée en puissance des investissements : « La Guinée a adhéré à l’initiative M300. Nous mettrons tout en œuvre pour tirer le maximum de bénéfices de ce programme ambitieux et être au rendez-vous du bilan. »

L’énergie, moteur de la transformation numérique et du développement local

Au-delà des aspects strictement énergétiques, la table ronde a rappelé les liens étroits entre électricité, transformation numérique et développement territorial.

La ministre des Postes, Télécommunications et de l’Économie numérique, Rose Pola Pricemou, a souligné que la digitalisation du pays ne pourra se faire sans une base énergétique solide : « Si un téléphone n’est pas chargé, si un ordinateur ou un data center n’est pas alimenté, nous n’irons pas loin. L’énergie est un pilier essentiel de la transformation digitale. Les zones rurales ne doivent pas être en reste. »

Revenant sur le Transform Africa Summit (TAS) tenu récemment à Conakry, elle a insisté sur le rôle que peut jouer le secteur privé dans la réussite du PNER : « L’État seul ne pourra pas combler le fossé. Nous avons besoin d’un secteur privé actif, créatif, innovant, capable de proposer des solutions et de s’engager dans des partenariats publics-privés pour que, d’ici 2030, nous ayons fait un saut décisif. »

Le PNUD en soutien à un « chantier de lumière »

Partenaire clé du PNER, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) accompagne la formulation et la mise en œuvre du plan.

Son Représentant-résident adjoint, Alassane Ba, a rappelé l’impact concret de projets déjà réalisés, notamment à Thianghel Bori, Bolodou, Firadou ou encore dans d’autres localités rurales : « Désormais, des ateliers de soudure voient le jour, les boutiques conservent des boissons, les femmes peuvent conserver le poisson, les élèves étudient à la lumière. L’énergie est un transformateur du développement socio-économique et un accélérateur. »

Le PNUD appuie également le profilage des 375 communes du pays afin d’identifier leurs potentialités et leurs besoins prioritaires, l’énergie occupant une place centrale dans cette démarche.

« Les objectifs du PNER ne sont pas un rêve pour demain. Ils représentent une réalité que nous pouvons construire aujourd’hui si nous faisons le choix collectif d’agir, en mobilisant des financements innovants et des coalitions de partenariat », a insisté Alassane Ba, réaffirmant l’engagement du PNUD à fournir une assistance technique, des outils de planification et un appui à la mobilisation des financements climatiques.

Une table ronde présentée comme un tournant

Au terme des allocutions, la table ronde a été officiellement déclarée ouverte au nom du Premier ministre, empêché. Les travaux doivent permettre de préciser les besoins financiers, structurer des mécanismes de financement adaptés (financements publics, appuis concessionnels, partenariats public-privé, investissements privés), et poser les bases d’un cadre de suivi durable et transparent.

Pour les autorités guinéennes comme pour les partenaires, cette rencontre est appelée à faire date.

« Je vous invite à considérer cette table ronde comme une occasion historique, a lancé le ministre de l’Énergie. Celle de bâtir le futur énergétique d’un pays aux potentialités immenses et à l’ambition ferme. Faisons du Plan national d’électrification rurale le plus grand chantier de lumière de notre génération. »

Reste désormais à transformer les engagements annoncés en projets concrets, capables d’illuminer durablement les villages de Guinée et de réduire, enfin, la fracture énergétique entre villes et campagnes.

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