Permis moto obligatoire : une réforme qui roule… sur un terrain juridique glissant

il y a 2 heures 11
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Le gouvernement guinéen, à travers le ministère des Transports, a annoncé lundi que le permis de conduire pour motos deviendra obligatoire sur toute l’étendue du territoire national à partir du 29 novembre 2025. Présentée comme un pilier de la nouvelle stratégie nationale de sécurisation routière, la mesure suscite déjà de vives controverses.

Selon le ministère, cette décision vise à réduire le nombre d’accidents impliquant des motos, professionnaliser le secteur des taxis-motos et renforcer la protection des usagers. L’obtention du permis, catégories A et A1, sera organisée et supervisée par la Direction nationale des transports terrestres (DNTT).

Cette direction sera chargée d’agréer et de contrôler les auto-écoles, d’organiser les examens théoriques et pratiques, ainsi que d’autoriser la délivrance des permis biométriques. Les candidats devront s’inscrire dans une auto-école agréée, suivre une formation complète et passer leurs examens devant un examinateur habilité. La production des permis se fera ensuite au Centre de production du système informatisé des permis biométriques (CEPERTAM).

Pour l’obtention du document, plusieurs pièces seront exigées, notamment une carte nationale d’identité biométrique ou un passeport biométrique valide, ainsi qu’un certificat de résidence datant de moins de trois mois.

Mais au-delà de l’aspect sécuritaire, la décision soulève un débat juridique. Plusieurs spécialistes du droit s’interrogent sur la validité d’un tel acte réglementaire pris par le ministre des Transports, estimant qu’il pourrait outrepasser ses prérogatives.

Un débat juridique alimenté par l’histoire du droit

Un juriste interrogé rappelle les enseignements de l’arrêt Labonne rendu par le Conseil d’État français le 8 août 1919, souvent cité en matière de pouvoir de police administrative. Il rappelle que le décret du 10 mars 1899 imposait déjà aux conducteurs automobiles de détenir un permis. « Le même décret autorisait les préfets à délivrer et à retirer ce certificat », explique-t-il.

Le litige opposant M. Labonne à l’administration portait précisément sur la compétence du pouvoir exécutif en matière de police générale. « Selon lui, sans habilitation législative, le président de la République n’est pas compétent pour imposer au conducteur l’obtention d’autorisation de conduire. Le Conseil d’État a affirmé que le président de la République dispose du pouvoir de police générale, même en l’absence d’habilitation législative », rappelle le juriste.

Ce dernier ajoute que l’arrêt établit clairement qu’« aucune habilitation législative n’est nécessaire pour que le chef de l’État puisse prendre des mesures qui s’appliquent sur l’ensemble du territoire national ».

Il souligne toutefois que l’évolution du droit français a apporté des nuances : « Plus tard, la Constitution française a reconnu ce pouvoir de police générale au chef de l’État, mais par décret pris en Conseil des ministres. Alors que c’est seulement le Premier ministre qui est titulaire du pouvoir de police générale au niveau national », précise-t-il.

S’agissant de la Guinée, dont la Constitution s’inspire partiellement du modèle français tout en intégrant ses propres spécificités institutionnelles, la répartition des compétences demeure encadrée. Pour le juriste, cela limite la capacité réglementaire du ministre des Transports dans ce domaine. « De là, on peut comprendre que sans habilitation législative ni de pouvoir spécial, le ministre ne peut imposer au conducteur l’obtention de permis de conduire », estime-t-il.

À mesure que l’échéance du 29 novembre 2025 approche, le débat s’intensifie. Entre impératif de sécurité routière et incertitudes juridiques, la mise en œuvre du permis obligatoire pour motos promet de rester au cœur des discussions dans les prochaines semaines.

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