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Le 4 août 2025, le gouvernement guinéen a révoqué le permis minier de Guinea Alumina Corporation (GAC), filiale du groupe émirien Emirates Global Aluminium, basé à Abou Dhabi.
Cette décision, annoncée par décret présidentiel, a simultanément créé une nouvelle société publique, Nimba Mining Company, chargée de reprendre les activités et les actifs de GAC.
Présentée comme une mesure audacieuse en faveur de la souveraineté et du contrôle national du secteur minier, cette initiative suscite toutefois malaise et inquiétude parmi les employés, les investisseurs et les observateurs, qui y voient davantage d’opacité et d’improvisation que de stratégie claire d’industrialisation.
Les conséquences sont déjà importantes. GAC employait directement plus de 3 200 travailleurs, exportait environ 12 millions de tonnes de bauxite par an, et versait près de 600 milliards de GNF chaque année au Trésor guinéen, selon RFI.
Ses sous-traitants et fournisseurs, qui assuraient des milliers d’emplois indirects, constituaient un écosystème fragile mais essentiel à Boké et au-delà. L’annonce d’août a bouleversé cet équilibre.
« L’État n’a apporté aucun soutien ni aucune assurance aux employés licenciés, malgré ses déclarations. Nous avons des bouches à nourrir, des factures à payer et des prêts bancaires à rembourser », déplore un ancien employé de GAC basé à Boké.
Le Premier ministre Amadou Oury Bah a affirmé que l’État avait agi dans l’intérêt des Guinéens, promettant la protection des emplois au sein de la nouvelle entité.
« Nous ne sacrifierons pas nos compatriotes, au contraire, nous défendrons leurs droits et garantirons des emplois sécurisés », déclarait-il en août.
Près de deux mois après le décret présidentiel, la structure de l’entreprise reste floue. Au-delà du texte du décret, peu d’informations ont filtré sur la capacité opérationnelle, les ressources techniques ou l’équipe dirigeante de Nimba Mining.
Des organisations de la société civile et des analystes du secteur minier s’inquiètent de ce manque de transparence. Amadou Bah, directeur exécutif de l’ONG Actions Mines, pointe les nombreuses zones d’ombre entourant Nimba.
« On ne sait même pas quel est son véritable agenda. Va-t-elle intégrer l’exploitation et les services externalisés par GAC ? Et quid de la construction d’une raffinerie, qui était l’une des raisons du retrait du permis de GAC ? Pour l’instant, tout cela reste flou. »
Selon lui, l’enjeu ne réside pas seulement dans la question de la propriété, mais aussi dans la capacité de l’État à maintenir le rythme de production et le niveau d’emploi de GAC.
Les experts du secteur partagent ce scepticisme. L’économiste Oumar Totiya Barry souligne la difficulté pratique de mettre en place un nouvel opérateur minier en un temps aussi court.
« Ça demande à la fois de l’expertise, ça demande des ressources financières, ça demande de la logistique, ça demande aussi un savoir-faire qu’elle ne dispose pas. Donc, elle aura besoin quand même de quelque temps pour se déployer, acquérir toutes ces compétences et ces moyens et pouvoir produire de la bauxite et la vendre. »
Entre-temps, des rapports inquiétants ont émergé selon lesquels Nimba Mining Company aurait incité d’anciens employés de GAC à travailler sans rémunération, tout en demandant aux fournisseurs et sous-traitants de fournir gratuitement des services, voire du capital de roulement, pour relancer les opérations. Si ces informations se confirment, elles traduisent un manque de solidité financière et risquent d’accentuer la méfiance locale. Certaines sources indiquent que le ministère des Mines pousse pour une reprise des activités dès ce mois-ci, signe de la précipitation du gouvernement ; mais aussi source de doutes quant à la compatibilité de cette urgence avec une gestion rigoureuse et le respect des normes de sécurité.
La reprise des actifs de GAC met en lumière une question centrale : les institutions publiques guinéennes peuvent-elles réellement gérer des opérations minières de grande envergure tout en maintenant la production et la protection des emplois ? Pour l’heure, la réponse du gouvernement semble relever de l’improvisation, sans réelle considération pour les perturbations subies par les travailleurs et les sous-traitants.
Pour les 3 200 anciens employés de GAC désormais dans l’incertitude, la promesse d’« emplois sécurisés » demeure pour l’instant… une promesse.
Cette tribune n’engage pas Mosaiqueguinee.com !