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Thierno Ibrahima Baldé est journaliste photoreporter et président de l’Association des Journalistes Photoreporters de Guinée (AJPRG). Il est né en 1949 à Marga, paisible village situé dans le district de Koyin, au cœur de la préfecture de Tougué.
Admis brillamment à l’examen d’entrée en 7ᵉ année, Thierno Ibrahima Baldé, faute de moyens, fut contraint d’abandonner les études pour se lancer dans une série d’aventures qui le mèneront un peu partout à la recherche du bonheur.
Dans cette interview accordée à la rubrique « Que sont-ils devenus ? » du site d’information Guineenews, découvrez, dans cette première partie, le parcours semé d’embûches de Thierno Ibrahima Baldé, où chaque étape est marquée par de nouvelles découvertes et des défis à surmonter. À travers ces lignes, transparaît la capacité d’un homme à faire face à différents métiers, à s’adapter à des environnements variés, tout en gardant les yeux fixés sur sa passion : la photographie.
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Guineenews : Sans aucun risque de se tromper, vous faites partie des pionniers de cet art visuel en Guinée. Pouvez-vous nous dire comment vous avez embrassé ce métier de photographe et nous raconter votre parcours ?
Thierno Ibrahima Baldé : Je suis très heureux de me retrouver dans ce studio, et merci pour l’invitation. Je suis natif de Koyin, et plus précisément du village de Marga, en plein cœur de la préfecture de Tougué. J’ai fréquenté l’école primaire de Koyin de 1956 à 1964. Je parcourais des kilomètres à pied pour rejoindre l’école. À la fin de mes études primaires, j’ai réussi brillamment mon examen d’entrée en 7ᵉ année. Malheureusement, par manque de moyens financiers, je n’ai pas pu poursuivre mes études. Il faut dire la vérité : mes parents n’avaient pas du tout les moyens de prendre en charge la suite de mes études. Je suis né dans une famille très modeste, profondément ancrée dans les valeurs traditionnelles peules. Soucieux de mon avenir, j’ai décidé de quitter à pied mon village natal, Marga, pour rejoindre mon oncle à Pita, dans le village de Ley Niélé, où il servait comme enseignant.
Guineenews : De votre village natal Marga, vous avez rejoint votre oncle à Pita à pied. C’est le début de votre aventure. Parlez-nous de cette première étape.
Thierno Ibrahima Baldé : Bien sûr ! À mon arrivée à Pita, deux jours plus tard, je suis allé au centre-ville pour une commission. C’est là que j’ai rencontré M. Barry Bobo, qui était le directeur adjoint du chantier de construction de la centrale hydroélectrique de Kinkon à Pita. Il m’a proposé un emploi consistant à accompagner les ouvriers chinois sur les marchés pour acheter leurs provisions. Les Chinois ne comprenant ni le français ni la langue locale, j’ai été recruté pour servir de guide. J’ai travaillé pendant quelque temps sur ce projet de Kinkon, puis j’ai décidé de rejoindre mon oncle Thierno Issa Baldé, qui était gendarme et habitait dans la cité PM2 à Conakry. N’ayant pas de moyen de transport, j’ai voyagé au-dessus de la carrosserie d’un camion transportant des bœufs. Le voyage a duré deux jours, et j’ai été totalement pris en charge par les occupants du camion. Arrivé à Conakry, un autre oncle, également gendarme, nommé Thierno Illiassou Diallo, m’a conduit chez son ami Richard Bogard, un photographe d’origine dahoméenne (béninoise). C’est lui qui a été mon premier maître dans l’apprentissage du métier de photographe.
Guineenews : Racontez-nous vos débuts avec votre premier maître, Richard Bogard.
Thierno Ibrahima Baldé : Richard Bogard fut mon premier maître. J’ai été admis comme apprenti le 5 septembre 1966. Je suis resté avec lui et j’ai commencé à apprendre à manipuler les appareils. À l’époque, on travaillait principalement en studio et on attendait que les clients viennent pour se faire photographier. Je suis resté avec lui pendant cinq à six mois. C’est à cette période que j’ai rencontré maître Sidiki, un autre photographe renommé de l’époque, qui travaillait à Beyla. Maître Sidiki faisait partie de la promotion des photographes formés à l’École nationale de la photographie de Guinée.
Guineenews : Parlez-nous de cette école nationale de photographie. Où était-elle située ?
Thierno Ibrahima Baldé : L’École nationale de la photographie a été créée en 1963, et elle se trouvait près du cinéma 8 Novembre, à l’endroit où se trouvaient les locaux du département de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle. Cette école avait formé plus d’une cinquantaine de photographes. Les meilleurs étaient affectés à la présidence, tandis que d’autres étaient répartis entre les différentes régions administratives de l’époque.
Guineenews : Durant votre formation, vous avez rencontré Maître Sidiki, qui sortait de l’École Nationale de Photographie. Quelle a été la suite de cette rencontre avec ce spécialiste ?
Thierno Ibrahima Baldé : C’est au studio de Maître Richard, à Sandervalia, que Maître Sidiki m’a proposé de venir travailler avec lui à Beyla. Je n’ai posé aucun problème et j’ai suivi mon destin. Avec cet autre maître, j’ai continué à apprendre à manipuler les appareils, à développer les films et à comprendre l’importance de la lumière dans la capture d’une image parfaite.
Cependant, à Beyla, les conditions climatiques ne me convenaient pas du tout, et j’ai décidé de me rendre à Kankan. Toujours dans le cadre de ma formation en photographie, j’ai poursuivi mon apprentissage sous la direction de Maître Mamadou Barry, un photographe prestigieux dans toute la région de Kankan.
En 1968, j’ai quitté Kankan pour Kissidougou. C’est là que j’ai retrouvé mon oncle, qui travaillait dans l’exploitation et le commerce du diamant. Cet oncle m’a directement orienté vers un garage pour apprendre la mécanique. J’avoue que la passion pour les moteurs et les machines ne m’animait pas du tout, face à celle que j’avais pour la photographie. Mon cœur n’était pas dans cette « salissante » graisse, mais bien derrière l’objectif d’un appareil photo.
Guineenews : À l’époque, votre vie d’aventurier était pleine de rebondissements. Votre détermination à suivre votre passion était indéniable. Que s’est-il passé après Kissidougou ?
Thierno Ibrahima Baldé : Après Kissidougou, je me suis rendu à Macenta en 1969, plus précisément à Bofossou. Là, en compagnie de quelques frères, je vendais du sucre et de la levure sur les marchés hebdomadaires. Grâce à un système de troc, je traversais même les frontières pour acheter et vendre du café au Liberia.
Guineenews : Le photographe devenu commerçant, avez-vous pratiqué la photographie à Macenta ?
Thierno Ibrahima Baldé : Non, à Macenta, je n’ai pas pratiqué la photographie. J’ai finalement quitté la région et opté pour une nouvelle étape, celle de franchir la frontière pour me retrouver en Sierra Leone. Ma première étape fut à Kènèma, où j’ai rencontré un frère travaillant dans une dibiterie. Il m’a initié à la préparation de brochettes, et j’ai commencé à en vendre.
Guineenews : Décidément, les « 12 métiers » commençaient à se bousculer chez vous !
Thierno Ibrahima Baldé : Oui, c’est vrai ! De Kènèma, je suis allé à Séfadou, où le contrôle des papiers était strict. Il fallait absolument être en règle ou être employé pour vivre tranquillement, sous peine d’emprisonnement. Je me suis engagé comme boulanger pour un temps, plaçant des pains un peu partout en ville après la production. Plus tard, j’ai rejoint Freetown, où je suis retourné à la photographie.
Guineenews : Racontez-nous comment vous avez repris la photographie à Freetown ?
Thierno Ibrahima Baldé : À Freetown, j’ai commencé à travailler comme photographe dans un studio situé sur Bombay Street, tenu par Gofray Opéra, un Yorouba de nationalité nigériane. Cette étape en Sierra Leone fut une période d’intense apprentissage et de croissance, tant sur le plan personnel que professionnel.
Guineenews : Combien de temps êtes-vous resté à Freetown ?
Thierno Ibrahima Baldé : Je ne suis pas resté longtemps à Freetown. Après quelques mois, j’ai décidé de retourner à Conakry. Avec toutes les expériences accumulées au cours de mes voyages, et avec un peu d’argent en poche, j’ai ouvert mon studio photo près de la mosquée sénégalaise. C’est à cet endroit que se trouvent actuellement les locaux d’une des agences de voyages de la place. Ce studio était devenu le lieu de prédilection pour tous ceux qui souhaitaient immortaliser des moments importants de leur vie. Plus tard, des ennuis sont venus à nouveau troubler ma vie à Conakry, et cette fois, il me fallait quitter le pays pour sauver ma vie… (À suivre)
Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guineenews