Procès du 28 septembre : un face à face musclé entre le colonel Tiegboro Camara et le journaliste Mouctar Bah

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Le procès du massacre du 28 septembre 2009 se poursuit ce mercredi, 17 avril 2024, devant le tribunal criminel de Dixinn (délocalisé à la cour d’appel de Conakry). Et, c’est le colonel Moussa Tiegboro Camara qui vient d’être appelé à la barre pour son face à face avec Mouctar Bah, journaliste et correspondant RFI en Guinée. Cette confrontation entre ces deux hommes (l’un accusé, l’autre partie civile) a été sollicitée par le parquet pour être éclairé sur « un point de contradiction ». Un point de contradiction qui a été relevé dans les déclarations de Mouctar lors de sa déposition en octobre dernier devant le tribunal. Ce point est lié à la présence du colonel Tiegboro Camara au stade du 28 septembre et des propos hostiles qu’il aurait tenu à l’endroit des manifestants, a constaté Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Lors de sa déposition le 9 octobre 2023 devant cette juridiction de première instance, le journaliste Mouctar Bah avait déclaré que c’est après un ordre donné par le colonel Moussa Tiegboro Camara que la « pagaille » a commencé au stade du 28 septembre lors du meeting des forces vives le 28 septembre 2009.

« C’est quand Tiegboro a dit : chargez, que la pagaille a commencé. La situation a dégénéré », avait-il déclaré à la barre.

Et aujourd’hui encore, dans sa confrontation avec le colonel Tiegboro Camara, ce journaliste et correspondant de RFI a réitéré son propos.

Mouctar Bah, journaliste

« Quand nous sommes arrivés, il y avait un calme. Il (colonel Tiegboro) était arrivé avec ses hommes… Après, il y a eu une marée humaine qui est venue du côté de Belle vue et d’autres sont venus du côté de PharmaGuinée. Tiegboro, avec les jeunes qui étaient autour de lui, il y a eu des amabilités. Ils ont échangé, la tension est montée, il (colonel Tiegboro) a dit : chargez ! C’est en ce moment que les gaz lacrymogènes et les matraques ont commencé. Moi j’ai été pris de dos par des policiers de la CMIS et des policiers qui étaient au commissariat du stade. Ils ont retiré mon matériel et l’ont cassé sur le goudron, puis ils m’ont embarqué dans le véhicule de la CMIS qui était garé au niveau de plaque car, sens Dixinn Université », a expliqué Mouctar Bah en jurant sur le Coran.

Cependant, les propos de ce journaliste ont visiblement choqué le colonel Moussa Tiegboro Camara. En tout cas, cet officier de la gendarmerie s’est hâté de dénoncer une « contre-vérités » et de « l’affabulation pure et simple » contre sa personne.

Mouctar Bah, journaliste

« Que Dieu nous protège dans ce monde. Ce monsieur (Mouctar Bah) qui reste à la face du monde et devant Dieu et dit la main sur le Coran ne connaît pas le danger du Coran. Que Dieu accepte sa prière. Ce qu’il dit, c’est de la contre-vérité pure et simple. Parce que tout simplement : je vais dire chargez par rapport à quoi ? Un officier, un cadre qui est venu dans un milieu de ce genre où la tension est vraiment montée à un moment donné et que les gens l’accueillent avec des applaudissements, ce cadre-là, est-ce qu’il peut dire aux gens : chargez ! Et chargez signifie quoi ? Les images sont passées ici, personne n’a entendu ; les audios ont passé ici, personne n’a entendu. Mieux, toute la presse y était dont lui (Mouctar Bah) et personne n’a exhibé depuis 14 ans ce propos-là. Et dans son reportage le soir ou le lendemain à RFI, je n’ai pas entendu. Donc, c’est de l’affabulation pure et simple », a martelé le colonel Moussa Tiegboro Camara.

A cette indignation pleine de négations, le journaliste Mouctar Bah a opposé de l’insistance.

« Je vous le jure, j’étais à côté de lui (colonel Tiegboro) et je l’ai entendu dire : chargez ! Je le confirme », a-t-il insisté.

Visiblement désemparé par les propos accusateurs de ce qu’il considère comme son « ami », le colonel Moussa Tiegboro Camara a exprimé sa déception. Il a aussi révélé au tribunal que Mouctar Bah lui avait confié au début de ce procès qu’il allait faire une sortie contre dans ce dossier.

« Je suis complètement meurtri de déception. Ce monsieur (Mouctar Bah) et moi, depuis 14 ans on est ensemble, il vient souvent à mon bureau, on se frotte dans les grandes rencontres, (…) l’autrefois il est venu ici au début de ce procès, on s’est croisé ici en tant qu’ami, il m’a dit : je vais sortir contre toi. Le procès avait déjà fait sept mois. Je lui ai dit : tu vas dire quoi, pourtant tu me disais qu’il n’y a rien dans ce dossier ? On se frottait, on faisait tout, il ne m’a jamais rien dit. Bon, c’était certainement une amitié hypocrite. Mais ce qui est important, c’est que ce qu’il dit est infondé. Chargez ne veut rien dire, d’ailleurs je ne l’ai pas dit, et mon service n’était pas doté de gaz lacrymogènes et on n’avait pas de matraque », a déclaré le colonel Tiegboro Camara.

Et Mouctar Bah de répliquer : « je maintiens à ce que j’ai dit ».

« Moi j’ai honte d’être intellectuel dans ce pays. Parce qu’à ce niveau de vie, correspondant de RFI… Il faut arrêter, tu veux faire plaisir aux gens. Tu es journaliste non, apporte des preuves », s’énerve le colonel Moussa Tiegboro Camara.

Il a fallu l’intervention du tribunal pour arrêter les deux « amis-ennemis » dans leur chamaillerie. « Ça a tout l’air d’être des menaces. C’est une question qui vous a été posée et vous avez eu tout le temps pour défendre. Donc, ne vous adressez pas à lui, ne l’attaquez pas », a dit le juge Ibrahima Sory 2 Tounkara pour recadrer le colonel Moussa Tiegboro Camara.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

Tel : 622 97 27 2

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