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http://Actuguinee.org / Les faunes et flores de Siguiri, Mandiana et Kouroussa, localités situées dans la région administrative de Kankan, courbent sous le poids de lutilisation des produits chimiques par des sociétés étrangères ou nationales (Siramamba Mining, Gaoual Telemelé, Pionner, Manden Gold, Méga Mining, HONGXNG MINING, etc.) et même des particuliers qui, dans lexploitation des ressources minières, dégradent l’environnement et la biodiversité.
Constat d’utilisation des produits chimiques
De Kouroussa à Siguiri, en passant par Mandiana, les minerais sont exploités du jour au lendemain.
Dans ces localités, l’exploitation artisanale de l’or est beaucoup pratiquée, tant par les nationaux que par les étrangers. Sauf que cette pratique est souvent caractérisée par l’utilisation des produits chimiques. Malgré la décision en date du 1er juin 2024 des autorités nationales, relative à la suspension de l’exploitation artisanale, les exploitants poursuivent leurs travaux par endroits. C’est le cas dans la commune urbaine de Kouroussa à Bonomafara et Sokododan où les exploitants étrangers continuent leur pratique sans être inquiétés.
Sur les différents sites visités, des burkinabés travaillent avec des techniques propres à eux. Difficile de les apercevoir, car ils travaillent loin des regards, au milieu des arbres. Mais après découverte, c’est l’état de lenvironnement qui interpelle à première vue. Sans omettre la coloration des points d’eaux visiblement pollués. D’ailleurs, à Bonomafara, les produits chimiques destinés à la recherche et le traitement de lor sont cuits et préparés à ciel ouvert dégageant ainsi des odeurs piquantes. Leur utilisation nest pas sans conséquences sur lenvironnement. (Voir images)
De même qu’à Sokododan où d’autres burkinabés utilisent aussi des produits chimiques. Selon certains exploitants qui ont préféré gardé l’anonymat, « ces produits seraient du mercure mélangé à d’autres », dont la nature ne nous a pas été révélée.
Interrogé, le Directeur préfectoral des mines de Kouroussa a reconnu ce phénomène avant de le déplorer, même si le service environnement peine à reconnaitre cette pratique. « Avant cela se faisait, mais de nos jours, avec les dispositifs mis en place, ça ne se fait pas. La plupart des burkinabés sont rentrés… on a arrêté certains et saisi leurs machines, puis mis à la disposition de la justice » a déclaré Monsieur keira.
Pourtant, dans la commune urbaine, tout comme dans certaines communes rurales et sous-préfectures dont Kigniero, Ballato, Ballan l’existence des burkinabés et l’utilisation du mercure dans l’extraction artisanale et le traitement de l’or ont toujours existé et se poursuivent.
A Kouroussa, Mandiana et Siguiri, les produits chimiques sont utilisés par de nombreux exploitants artisanaux et semi industriels sous le regard des autorités locales sans réactions. Il n’y a pas que les étrangers même les guinéens l’utilisent.
C’est pourquoi dans ces préfectures, le sujet est « tabou ». Cest connu presque de tous mais son interdiction tarde. « Quand on décide d’interdire, on reçoit un appel automatique de la hiérarchie…tout le monde est en train de gagner de l’argent dans cette pratique. Il y’a trop de « mains noires » derrières notamment certains responsables des notabilités, de la préfecture jusqu’au sommet de l’Administration », révélé un responsable administratif. Au plan Régional, l’inspecteur régional de lenvironnement basé à Kankan reste quasi muet sur le sujet. Malgré nos tentatives, il est resté injoignable.
A Mandiana, précisément à konkoe, localité relevant de la sous-préfecture de Dialakoro, les champs sont menacés, voir détruits et les points d’eaux pollués sous l’effet de l’exploitation semi industrielle dune société qui se fait appeler « HONGXING MINING ». Dans sa méthode d’exploitation et de traitement, elle utilise des produits chimiques de façon mécanique et surtout très « sauvage » avec des machines poclains. (voir images).
Les mêmes pratiques sont constatées dans plusieurs localités de Siguiri où des sociétés « fictives ou irrégulières » et des particuliers ont longtemps utilisé des méthodes nécessitant l’utilisation des produits chimiques dont le mercure et le cyanure, parfois à ciel ouvert, notamment dans le concassage, la recherche (poclains) et le traitement.
Dans cette préfecture, sur environ 141 sociétés répertoriées sur le terrain, seulement 4 ont le permis dexploitation. Les autres nont que des permis de recherches et dessai gros volume. Malheureusement, elles continuaient à exploiter de lor avec à la clé, lutilisation des machines poclains et produits chimiques qui ont favorisé la dégradation de la faune et de la flore de plusieurs localités, dont Fidako, Fodela, Messemako et Fifa dans la sous-préfecture de Didi …
Les populations accusent
A Kouroussa, certaines localités impactées par la société Kouroussa Gold Mining dénoncent les conséquences liées à l’utilisation des produits chimiques et déchets engendrant ainsi, selon les habitants, la mort de leurs bétails. C’est le cas à Banankô, Menendji et Dinkini. Dans ces secteurs et districts, les citoyens crient au scandale et accusent la KGM d’être à l’origine de la mort de nombre d’animaux suite à une supposée consommation des eaux et autres aliments pollués par les produits chimiques utilisés par ladite société. « L’année dernière (2023 ndlr), nous avons assisté étrangement à la mort d’une quinzaine de bœufs ici …après vérification, on a compris que nos troupeaux avaient consommé des aliments et eaux souillées par les produits chimiques de la société…vous savez, nos bœufs se promènent jusque dans les champs d’action de la société », a expliqué le chef de district de Menendji, une localité située à 5 km de Kouroussa centre, relevant désormais de la commune urbaine.
« Moi, à la même année, jai perdu l’une de mes vaches qui m’aidait dans mes travaux champêtres. D’ailleurs, ici, dans un premier temps, ce sont 4 de nos bufs qui sont morts, puis 14 autres, quelques jours plus tard…et c’était dû à une intoxication alimentaire, générée par les produits chimiques utilisés par la société. Nous avons passé des années ici, mais jamais entendu, ni vu la mort massive des bufs comme lannée dernière. C’est quand la société s’est installée que cela s’est produit », a renchéri un habitant de Banankô, une autre localité impactée par le projet KGM, située à environ 3 km de Kouroussa centre.
Selon Mamadi Camara, cultivateur, malgré les dénonciations et plaintes, les cas de morts de bétails se poursuivent. « Jusqu’à présent, nos vaches meurent dans les mêmes conditions. Nous découvrons souvent des corps d’animaux en brousse ainsi qu’en ville après consommation de ces produits chimiques », nous a-t-il confié.
Quant au Directeur préfectoral de l’environnement, il nous a mis en rapport avec Sekouba Keira, chef section faunes et forets à la Direction préfectorale de l’environnement de Kouroussa. Selon ce conservateur de la nature, « ces bœufs sont morts suite à une consommation de plastiques ». Argument que les victimes et impactés réfutent d’ailleurs.
Face à la multiplication des cas de morts d’animaux, une mission conjointe des services de l’Elevage, d’agriculture, de l’environnement et de la santé publique s’est rendue sur les lieux. « Cette fois-ci, le constat a révélé que ces bœufs sont morts par suite de produits chimiques » a rapporté une source sûre.
Récemment, une équipe du ministère de l’environnement (service pollution Ndlr) était venue faire à son tour, les prélèvements au niveau du bassin de résidu afin de les examiner aux laboratoires à Conakry pour déterminer la teneur du cyanure. Au moment où nous menons cette enquête, les résultats ne sont pas rendus publics.
Dans la préfecture de Mandiana, face aux conséquences liées à lexploitation semi industrielle de lor, les sages des 13 sous-préfectures se sont réunis chez le doyen de la commune urbaine pour dénoncer cette situation et interpeller les autorités à tous les niveaux.
Les industriels récusent
Si les habitants y croient fermement que les produits chimiques utilisés dans l’exploitation de l’or est la principale cause de la mort de leurs bétails, les responsables de ces sociétés peinent, quant à eux, à l’admettre. C’est le cas à la société Kouroussa Gold Mining. Interrogé à propos de ces accusations, M. Bangaly Condé, responsable des affaires publiques, faisant actuellement office de chargé de communication de ladite société, insiste qu’aucune plainte pour l’heure concernant la mort des bétails ne leur est parvenue avant de nous ramener vers la Direction préfectorale de la santé et les responsables concernés à la KGM qui rassurent que toutes les mesures sont prises par leur compagnie pour prévenir une fuite des produits. « D’ailleurs, nous n’utilisons pas de cyanure, plutôt le mercure. Et notre bassin de résidu est bien sécurisé », a expliqué Monsieur Bah Sekou au bout du téléphone.
Nos efforts d’obtention d’une autorisation de la société à se rendre sur les sites ont été sans suite. « Celui qui est exactement chargé de vous expliquer tout le processus est sur le point de départ…contentes-toi des témoignages et les données du labo et la Direction préfectorale de la santé. Ce qui reste claire, il n’y a pas de victimes », a martelé M. Bangaly Condé, responsable de communication de la société KGM.
Pourtant, il y a eu bel et bien plaintes des communautés victimes et impactées qui avaient d’ailleurs demandé à la société de barricader les périmètres du site afin d’empêcher l’accès aux animaux. Après la découverte des cas de mort des troupeaux, les habitants, y compris les responsables de ces localités, affirment avoir remontés les informations auprès des responsables de la société concernée et les autorités locales.
La réaction de la KGM n’a pas tardé. En commun accord avec les services des mines et de l’environnement ainsi que de l’élevage et d’agriculture, l’identification a été faite avant l’indemnisation des victimes.
A konkoe, la société HONGXING MINING, évoluant sur les lieux, na pas de base vie. Aucun interlocuteur sur place, et la presse est considérée « persona non grata ».
Les autorités administratives de la préfecture ainsi que le service préfectoral des mines refusent catégoriquement de se prononcer sur ces questions. Pendant ce temps, la communauté locale continue de souffrir.
Rapport EMAPE
Selon le Rapport du Plan d’action National pour l’extraction minière artisanale de l’or et à petite échelle (EMAPE) du Ministère guinéen de l’environnement à travers la Direction nationale de l’environnement, il a été observé que la majorité des sites existants en Guinée utilise du mercure. En effet, des 35 sites visités, 17 utilisent du mercure hors permis minier et 4 l’utilisent sous permis minier. Cela fait une proportion de 60% des sites qui utilisent du mercure sur l’ensemble du territoire national.
De façon détaillée, les sites visités utilisant du mercure sont les suivants:
Région de Kankan : 15 dont Oudouladamafèkodjarani, Kamarendougou, Falambanka, Sala centre ; Bissamana centre, Baranama, Ntakalamawassaya et Fouakan
Région de Faranah : 3 sites, à savoir : Banora, Marela et Beindou.
Région de kindia : deux sites (Foulaya et Gonko).
Région de Nzérékoré : 1 site (Zebgela centre)
Selon ce même rapport de lEMAPE, réalisé en 2017 et 2018, à Kouroussa, sur 41 sites, lEMAPE a estimé que 5,317hg de mercures ont été utilisés.
Cette estimation est le résultat des conclusions des entretiens avec les artisans miniers et ce ratio est égal à un 1.3, c’est-à-dire que pour effectuer l’amalgame de 1g dor, il faut 1.3 grammes de mercure par la méthode d’amalgation du concentré. Des descentes sur le terrain, il a été possible d’obtenir les quantités de mercure utilisées dans l’EMAPE, lesquelles quantités sont consignées dans le tableau en lien.
Que disent les textes sur l’utilisation des produits chimiques dans les mines aurifères ?
L’article 143 du Code minier guinéen de 2011 priorise la Protection de l’environnement et de la santé.
Ainsi, afin d’assurer une exploitation rationnelle des ressources minières en harmonie avec la protection de l’environnement et à la préservation de la santé, les titulaires d’autorisations, de titres miniers et de carrières veillent à:
– La prévention ou la minimisation de tout effet négatif du à leurs activités sur la santé et l’environnement, notamment : lutilisation des produits chimiques nocifs et dangereux ;
les émissions de bruits nuisibles à la santé de lhomme ;
les odeurs incommodantes nuisibles à la santé de lhomme ;
la pollution des eaux, de lair et du sol, la dégradation des écosystèmes et de la diversité biologique ;
– la prévention et/ou au traitement de tout déversement et/ou rejet de façon à neutraliser ou à minimiser leur effet dans la nature ;
– la promotion ou le maintien du cadre de vie et de la bonne santé générale des populations ;
– La Prévention et la gestion du VIH/SIDA au plan local ;
– une Gestion efficace des déchets en minimisant leur production, en assurant leur totale innocuité, ainsi qu’à la disposition des déchets non recyclés d’une façon adéquate pour l’environnement après information et agrément des Administrations. (Source : Guinéa)
Décret D/97/287/PRG/SGG réglementant la gestion et le contrôle des substances chimiques nocives et dangereuses en République de Guinée.
Ce décret réglemente la production, l’importation, la commercialisation, le transit et la circulation des substances chimiques nocives et dangereuses, conformément aux principes et règles énoncés par l’article 76 de l’Ordonnance nº 45/PRG/87 portant Code de l’environnement.
Après avoir défini les substances chimiques, les substances chimiques nocives et dangereuses, les substances chimiques interdites, les substances chimiques strictement réglementées et celles réglementées, le décret les classe en 4 classes en raison des dangers qu’elles présentent.
Un arrêté du Ministre chargé de l’environnement définira la procédure d’obtention et la validité de l’autorisation, nécessaire pour les substances chimiques strictement réglementées, ainsi que les mesures de sécurité chimique. Est aussi, instituée une taxe dite « taxe sur les substances chimiques et/ou produits dangereux », dont les produits de recouvrement sont versés au Fonds de sauvegarde de l’environnement.
Source: Journal officiel de la République de Guinée, nº 1 et 2, 10-25 janvier 1998, p. 1571 et 1572.
Pourquoi il est difficile d’interdire l’utilisation des produits chimiques dans l’exploitation artisanale et semi industrielle ?
Nous avons tenté de comprendre mais les réponses reçues des cadres de la préfecture que nous avons interrogés et d’autres sources anonymes sont tout simplement : « ici, c’est difficile, car chacun gagne sa part dedans. Les ressortissants burkinabés sont là depuis des années. Ils ont des parrains en ville, voir au sommet de l’Etat », a affirmé un responsable de la préfecture de Kouroussa. « Chaque fois qu’on se soulève ou quelqu’un part contre eux, ils appellent leurs parrains ou ils négocient. Ces derniers temps, il leur est formellement interdit de communiquer. Tout passe par ceux qu’ils appellent parrains qui leur protègent… chacun gagne sa part à chaque exploitation », nous a expliqué un ancien travailleur de la Mairie.
De nos jours, force est de reconnaitre qu’au-delà de son caractère agro pastoral, la région Administrative de Kankan constitue incontestablement l’un des scandales géologiques de la Guinée.
Des sociétés et particuliers y exploitent des ressources minières dont les principales sont l’or et le diamant.
Mais il s’avère que ces travaux d’exploitation et parfois d’exploration bien qu’étant bénéfiques entrainent des conséquences sur l’environnement et la santé. Une situation qui est due en grande partie aux différentes méthodes utilisées avec à la clé, l’utilisation des produits chimiques tant au niveau artisanal, semi industriel qu’industriel. Une situation qui mérite une attention particulière des autorités à tous les niveaux et les structures de défense de la faune et de la flore.
Mohamed Slem Camara
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