L’espace économique francophone, un levier de développement pour la Guinée (Par A. Guirassy)

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Les 4 et 5 octobre 2024, notre pays la Guinée a marqué son retour dans le concert des pays francophones du monde, après plus de trois années de suspension de principe. Ce XIXᵉ sommet tenu à Villers-Cotterêts en France, a définitivement acté le retour tambour battant de la Guinée, ce comeback triomphant selon moults observateurs, résulterait d’une part, des dividendes tirés des turbulences géopolitiques de notre sous-région en lien avec l’héritage de la Françafrique et d’autre part, de la diplomatie de coulisses et de lobbying tout azimut, centrée sur le soft power du Chef de l’Etat, Général Mamadi DOUMBOUYA et de son tonitruant et dynamique ministre des Affaires étrangères, Docteur Morissanda KOUYATE.

Cette réintégration saluée par une masse critique de Guinéens, est une immense opportunité pour la Guinée de peser de tout son poids dans la balance des pays francophones et francophiles du monde. La particularité de cette institution, est qu’elle réunit en son sein, des pays dont les économies sont aux antipodes en termes de développement et des systèmes politiques aux extrêmes, notamment des pays développés (Canada, France, Belgique, Luxembourg etc… et des pays économiquement fragiles (RDC, Centrafrique, Guinée, Sénégal, …).

Par ce retour, la Guinée sous le magistère du CNRD poursuit son ouverture vers le monde, en se glissant astucieusement avec dextérité, subtilité et succès dans les organisations qui la bannissait jadis, après les évènements du 05 septembre 2021(parlement de la CEDEAO, Francophonie…).

En inventant le concept « Francophonie » le géographe français Onésime RECLUS n’aurait nullement imaginé que ce terme allait prendre des bifurcations géopolitiques disparates et assez marquées. Cette communauté de destins fondée à la base autour ‘’du fait français dans le monde’’ a pris de nos jours un virage politique et culturel conséquent.

Pour rappel, la francophonie est un ensemble géopolitique actuellement fort de 54 états membres à part entière, 7 membres associés et 27 membres observateurs. Bien qu’elle soit née de l’histoire et de la culture sur les cendres de l’Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT), elle ne pourrait dorénavant vivre et résister que si elle prend en compte d’autres dimensions à l’instar des autres organisations similaires (Commonwealth, Ligue arabe, Lusophonie).

Pour continuer à rayonner et d’assurer sa vitalité, le français doit devenir une langue utile d’un point de vue économique en réactivant et en dynamisant le réseau francophone des affaires sans pour autant sacrifier la culture au profit de l’économie, mais en les associant au travers d’un équilibre solide entre le culturel, l’économique et le politique.

De ce point de vue, la Francophonie doit être repensée et réinventée dans son cœur de métier, à l’assignant clairement une mission économique, basée sur la coopération et la solidarité, tout en soldant le compte de l’héritage lourd et condescendant de l’ancien système colonial.

Cela passe indubitablement par la constitution d’un espace d’échanges économiques intensifié sous tendu par des coopérations étroites et ce, grâce à l’impulsion politique et économique des états membres. C’est justement à ce titre que Xavier de VILLEPIN affirmait que « la Francophonie sera réellement ce que sera son économie ». Cet espace économique projeté devrait être une composante de l’économie mondiale tout en affichant ses caractéristiques particulières. Il aura également vocation à traverser les espaces régionaux et continentaux afin d’influer sur les négociations et des accords économiques et financiers à la hauteur de son poids démographique et économique.

Pour beaucoup d’observateurs, la Francophonie reste plus attachée à une culture qu’à une économie, avec 17% de la population mondiale, elle pèse pour 20% du commerce international de marchandises, 16% du PIB mondial et 14% des réserves de ressources minières et énergétiques de la planète. Par voie de conséquence, l’institution francophone doit pleinement occupée la place qui lui revient de droit dans le concert des nations.

A l’évidence, La dimension économique n’a jamais été occultée du projet francophone en dépit des apparences, en effet, la Francophonie a été aux avants postes du combat pour le développement solidaire, l’éducation et la santé et plus récemment la défense des biens publics mondiaux dont les francophones ont contribué à forger le concept.

La déclaration de Monaco en avril 1999, qui réunissait les ministres de l’Économie et des Finances des états francophones à l’échelle mondiale avait définitivement balisé le chemin pour la constitution d’un espace économique viable, ce sommet avait aussi posé les jalons d’un espace de coopération économique francophone.

Pour sa montée en puissance, cet espace doit mettre en œuvre :

  • Une coopération économique spécifique, centrée sur le développement d’un espace de coopération économique adapté ;
  • Elle doit s’enrichir de sa diversité, notamment sur le plan des niveaux de développement économique de ses membres qui appartiennent à différents ensembles régionaux de coopération, tout en promouvant son unité dans la complémentarité ;
  • La promotion d’un modèle de développement qui ne dissocie pas l’économique du social, tout en considérant le secteur privé, comme principal moteur du développement économique ;
  • L’instauration d’un cadre de coopération privilégiant l’économie et la solidarité réelle en vue d’aider ceux de ses membres en développement à se doter de moyens et à créer les conditions favorables à leur développement.

La Francophonie, forte de ses traditions et de ses valeurs partagées, forte aussi de sa représentativité à l’échelle mondiale, a un rôle important à jouer dans la promotion de la prospérité parmi ses membres.

La mondialisation nous le savons, représente un défi pour plusieurs membres de la Francophonie, dans la mesure où l’augmentation des échanges commerciaux et des investissements, favorisée par les nouvelles technologies ainsi que par la mise en œuvre de politiques de libéralisation, est apparue comme un moteur de la croissance. Cependant, tous les pays n’ont pas bénéficié équitablement des effets positifs de cette globalisation de l’activité économique et devant le risque de marginalisation de certains d’entre eux, il est important de veiller à en mieux maîtriser le processus et de chercher à en réduire les effets négatifs par une solidarité agissante et appuyée.

Cela passe par le renforcement de l’aide publique au développement, du transfert de technologies et des propositions visant l’allégement du fardeau de la dette des membres les plus vulnérables. La francophonie économique doit se donner alors comme priorité l’édification d’une francophonie humaniste qui assouplie les effets pervers de la mondialisation par le biais d’une coopération et d’échanges préférentiels entre pays francophones.

Avec environ 321 millions de locuteurs du français en 2022, et des projections de plus de 700 millions d’ici 2050. La communauté doit se consolider par le biais du développement des liens entre pays membres, afin d’établir une diplomatie et des marchés communs qui lui permette de devenir un véritable pôle d’influence, ce qui passe immanquablement par l’union des forces de chaque pays membre dans les domaines où il disposerait des avantages comparatifs évidents et ce, dans une approche de complémentarité et non de concurrence. Pour justement matérialiser les balbutiements de cet espace économique, la francophonie s’appuie sur des organismes tels que le Forum Francophone des Affaires (FFA), l’Institut de la Francophonie pour l’entreprenariat (IFE) et bien d’autres instruments.

De ce qui précède, la réintégration de la Guinée dans l’espace francophone, peut s’avérer utile à maints égards, pourvu que nos décideurs actionnent sur des bons leviers permettant d’accéder à de nouveaux marchés et des opportunités d’investissement dans le cadre d’une coopération économique renforcée, toutes choses qui amélioraient la qualité de vie de nos concitoyens.

Abdoulaye GUIRASSY, Economiste et Politologue

Président du Cercle de Réflexion et d’Analyse de la conjoncture Économique (CRACE)

Membre correspondant de l’Académie des Sciences de Guinée

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