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En Guinée, l’art de gouverner semble s’être réduit à une série de petites actions déguisées en prouesses. Les annonces de quelques kilomètres de routes bitumées, de forages creusés, d’écoles construites, de latrines inaugurées ou de ponts achevés sont célébrées avec grandiloquence. Pourtant, cette fanfaronnade statistique dissimule une triste réalité : celle d’une gouvernance déconnectée des véritables aspirations populaires et incapable de répondre aux défis colossaux auxquels notre pays fait face.
Dans un pays comme la Guinée, où l’immensité des tâches pour sortir de la précarité est évidente, il est déconcertant de constater que l’on se satisfait de si peu. Construire une route, une école, une maternité, un hôpital ou un pont est, en soi, une nécessité basique du pouvoir, pas un exploit. Cela fait partie du rôle fondamental de tout gouvernement responsable. Pourtant, nos dirigeants semblent avoir perdu de vue cette évidence. Leurs actions, bien que nécessaires, sont érigées en monuments de leur gouvernance, comme si elles suffisaient à masquer les profondes failles du système.
Les dirigeants guinéens aiment se prévaloir de bilans faits de chiffres qu’ils avancent comme autant de trophées. « Nous avons construit X kilomètres de routes », « Nous avons inauguré Y écoles », entend-on fréquemment. Mais une question demeure : en quoi cela devrait-il être applaudi ? Aucun journaliste ne fait l’inventaire de ses articles à la fin de chaque année, tout comme aucun médecin ne compte les malades guéris ou aucun juge ne recense les condamnations prononcées. Ces actions font partie de leurs métiers, tout comme la construction d’infrastructures fait partie des fonctions inhérentes à l’exercice du pouvoir.
Le véritable défi de la gouvernance moderne va bien au-delà de ces comptabilités simplistes. La construction de routes, d’écoles ou de maternités ne suffit pas à redresser un pays plongé dans des décennies d’injustice, de corruption et de misère économique. La Guinée ne souffre pas seulement d’un manque d’infrastructures physiques, mais d’un déficit criant de justice, d’équité et de bonne gouvernance. La gouvernance du XXIe siècle ne se mesure pas uniquement en ponts bâtis, mais en efforts constants pour instaurer la justice, pour faire de la démocratie une réalité tangible, et pour rendre la gouvernance transparente et accessible à tous.
C’est là que le bât blesse. Nos dirigeants semblent se complaire dans une illusion de progrès, tandis que la corruption s’enracine plus profondément. Enivrés par les privilèges du pouvoir, ils perdent de vue la souffrance criante de leur peuple. Ils festoient alors que la majorité peine à joindre les deux bouts et se vantent de leurs petites réalisations là où il faudrait pleurer face à l’ampleur des défis.
À chaque coin de rue, dans chaque institution, les stigmates d’une corruption systémique sont visibles. Le mensonge et la duplicité sont devenus des normes, tandis que l’injustice se généralise. Face à ce tableau sombre, la société guinéenne se résigne de plus en plus. Ceux qui tentent encore de s’opposer, de dénoncer ces dérives, se retrouvent marginalisés, réduits au silence.
Aujourd’hui, l’argent public, qui devrait être investi dans des projets structurants pour l’avenir de notre pays, est dilapidé dans des concerts grandiloquents et des mouvements de soutien inutiles. Ironiquement, ces manifestations sont souvent dirigées par les mêmes individus qui, hier encore, soutenaient sans réserve le régime d’Alpha Condé, renversé par ce pouvoir militaire. Comment ne pas s’interroger sur la moralité de ces personnes et de leurs actions ? Au lieu de gaspiller ces fonds dans des activités superficielles, ne serait-il pas plus judicieux d’utiliser cet argent pour construire des écoles maternelles inexistantes, des centres de santé, ou encore pour améliorer les conditions de vie de nos concitoyens ? La vraie priorité est ailleurs, et elle ne réside pas dans les flonflons des célébrations éphémères.
Trois ans de transition et un bilan de 2000 kilomètres de routes ne doivent pas nous faire oublier les véritables enjeux auxquels la Guinée est confrontée. L’histoire nous jugera non pas sur la longueur de nos routes, mais sur notre capacité à réformer en profondeur, à instaurer la justice et à combattre la corruption.
Nous devons refuser de nous contenter des apparences et exiger de nos dirigeants qu’ils assument pleinement leur responsabilité envers le peuple. Chaque Guinéen a un rôle à jouer dans ce processus de transformation. C’est en nous unissant, en exigeant la transparence et en œuvrant pour un changement réel que nous pourrons construire un avenir où justice et prospérité ne seront pas de simples slogans, mais des réalités tangibles.
Le véritable patriotisme n’est pas seulement une question de fierté nationale, mais de volonté collective de bâtir un pays meilleur pour nous-mêmes et pour les générations futures. La Guinée mérite plus que des célébrations éphémères et des chiffres gonflés ; elle mérite une gouvernance honnête et une vision claire pour son avenir.
Il est temps de lever le voile sur les illusions et de nous engager pleinement dans la voie de la réforme véritable. La destinée de notre pays est entre nos mains, et il est de notre devoir sacré de la façonner avec détermination, courage et un profond sens du bien commun. Que notre ambition pour la Guinée dépasse les kilomètres de bitume et se traduise par un véritable progrès, fondé sur la justice, la transparence et l’intégrité.
Ousmane Boh KABA
L’article Trois ans de transition : 2000 kilomètres de routes et toujours l’illusion du progrès ? [Ousmane Boh Kaba] est apparu en premier sur Mediaguinee.com.