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Dans un contexte marqué par un recul préoccupant de la démocratie et le retour en force des pouvoirs militaires sous la forme d’un souverainisme sans perspective viable comme cela été à la suite des pères de l’indépendance, le débat sur le rôle des forces de défense et de sécurité dans la pérennisation des acquis démocratiques ou la mise en place des institutions politiques viables et durables s’impose aujourd’hui, notamment à l’échelle continentale africaine !
Oui, plus 60 ans après la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) marqué par une gouvernance politique et économique lamentable, il est temps pour l’élite africaine de prendre toutes ses responsabilités pour poser ce débat qui pour moi dans le contexte actuel est plus que vital pour la viabilité de nos Etats. D’autant plus le clan militaro-civil au pouvoir a tendance à faire croire à l’opinion que ce sont seuls les civils qui sont responsables des maux dont souffrent la gouvernance sur le continent. Un argument que je trouve très contestable d’ailleurs ! Pour s’en convaincre, il suffit juste de jeter un regard lucide sur les profils des personnes qui ont dirigé les Etats sur continent depuis 1960 jusqu’à maintenant.
En effet, dans des pays comme la Guinée, le Mali, le Burkina, le Tchad ou encore le Nigéria il y a eu plus chefs d’Etats militaires que civils et bien d’autres ! Et, la plupart des régimes civils féroces qui ont marqué l’histoire avaient comme bouclier les forces de défense et de sécurité pour martyriser et opprimer leurs peuples. Généralement c’est quand la situation dégénère et devient incontrôlable que les boucliers se transforment en sauveurs ! Les exemples sont légions ! Mais l’histoire est têtue ! Et, comme les mauvaises habitudes ont la peau dure, les espoirs sont souvent de courtes durées avant de replonger dans les pratiques du passé.
Conformément à l’esprit la Charte africaine de la démocratie, des élections et la gouvernance adoptée le 30 janvier 2017 par l’Union Africaine, tout changement anticonstitutionnel qu’il soit par le biais d’un putsch ou un coup d’État contre un gouvernement démocratiquement élu ; soit qu’il soit par le biais d’une révision ou amendement des textes juridiques visant à empêcher une alternance démocratique entre autres constitue une violation de la Charte et des principes et valeurs démocratiques qu’elle protège. A ce titre, toutes les formes de coups d’Etats qu’elles soient civiles ou militaires sont condamnables au même pied d’égalité car elles constituent toutes une entorse à la démocratie.
Mais, dans le contexte actuel, certains essayent de nous faire croire que les coups d’État militaires sont plus justifiés que ceux perpétrés par les civils a cause du fait que ces derniers ont empêché l’alternance démocratique. Un argument également contestable dans le contexte africain à cause des expériences déjà vécues sous diverses régimes militaires arrivés au pouvoir par un putsch ! En effet, en temps normal, il est du devoir des forces de défense et de sécurité en tant que forces républicaines au service de la Nation d’intervenir sur le champ politique pour parer à un danger imminent qui menace la paix, la sécurité et l’unité de la Nation comme cela se passe dans toute société démocratique. Mais cette intervention des forces républicaines est temporaire et est encadrée par la loi et ne devrait jamais être permanente ou un motif de disqualifier les civils dans la gestion de l’Etat. Mais, la pratique est tout autre dans nos Etats africains. Pas besoin de s’étaler dessus car nous le vivons déjà au quotidien ! Il suffit de bien ouvrir les yeux pour le voir. Ils arrivent en treillis comme des sauveurs avant de troquer les treillis en civils pour s’éterniser au pouvoir en violation de toutes les lois et engagements pris devant le peuple !
Nul n’a besoin de rappeler que les plus grandes démocraties du Monde que sont les Etats Unis, la France, l’Allemagne entre autres, sont aussi des puissances militaires ! A ce titre, la question que l’on se pose est la suivante : pourquoi on n’entend jamais dire que l’armée a fait un coup d’État pour X ou Y raisons en dépit des contextes socio-politiques tendus parfois dans ces pays ? Pour ma part, la réponse est simple, c’est tout simplement parce que dans ces pays chacun connaît son rôle et sa mission dans la conduite des affaires de l’État. Et, les forces de défenses et de sécurité garantes de la sécurité nationale et des institutions de l’État sont républicaines et sont au service de la république et non au service d’un individu ou un groupe d’individus qui les manipulent à souhait.
Or, en Afrique, il est incontestable que les militaires sont au cœur de l’exercice du pouvoir politique depuis les régimes post indépendances ! En effet, les espoirs suscités par les indépendances n’ont été que de courte durée à quelques exceptions près. Car, par la suite, la conduite des nouveaux dirigeants a entraîné des retournements de situations graves et préoccupants emportant avec eux les rêves et la ferveur suscité par l’indépendance en se révélant non seulement incapables de créer des États viables mais aussi à assurer une répartition équitable des richesses. A ce niveau, il faut souligner l’existence d’une littérature abondante de toute une génération intellectuelle qui ont pris position pour dénoncer les déceptions créées par les nouveaux maîtres de l’Afrique chez leur peuple.
Certes, les motivations derrières les agissements préoccupants de ces nouveaux maîtres de l’Afrique étaient variées, mais leur dénominateur commun reste le fait qu’ils ont brisé le rêve que la liberté avait suscité par l’instauration des régimes autoritaires basée sur la force, l’arbitraire et la paupérisation du peuple. L’échec des nouveaux dirigeants à répondre aux exigences les plus élémentaires de leurs peuples ouvrira malheureusement le boulevard du pouvoir à leurs boucliers d’hier que sont les forces de défense et de sécurité. Ce qui par la suite plongea l’Afrique dans une gouvernance marquée par des coups d’États militaires et le durcissement des régimes civils par l’instauration des régimes dictatoriaux pure et dure. Depuis que les militaires ont pris goût du pouvoir dans un contexte où privilèges de l’État riment avec fortunes et richesses personnelles, ils ne pensent plus à s’en défaire. Ce qui explique que beaucoup d’entre eux finiront par troquer le treillis afin de pouvoir garder les privilèges de l’État comme ce fut le cas au Tchad et au Gabon récemment.
Après les épisodes des années « 80 » marqués par l’émergence d’une nouvelle élite intellectuelle éprise de paix et de liberté appelant à un changement de paradigme dans la gouvernance, aujourd’hui, nous assistons à un retour en force des militaires sur la scène politique comme ce fut le cas lors des régimes post indépendance ! A ce titre, poser le débat sur le rôle et la responsabilité des forces de défense et de sécurité pour la création des institutions politiques solides est plus que fondamental dans le contexte africain actuel.
Alseny SALL, militant des droits humains