Présidentielle : un Président candidat peut-il toujours signer des décrets ? (Par Aboubacar Sakho)

il y a 3 heures 14
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La question revient à chaque période électorale et suscite souvent des débats passionnés : un chef de l’État en fin de mandat, qui se présente pour sa propre succession, doit-il continuer à signer des décrets ? Est-ce légal, légitime et compatible avec l’équité électorale ? La réponse la plus claire, en droit comme en pratique, est oui. Mais au-delà de la simple légalité, il existe une réalité plus profonde : ne pas signer de décrets pendant plusieurs mois créerait un vide dangereux pour le fonctionnement de l’État, et les conséquences se feraient sentir dans tous les secteurs. C’est pourquoi les Constitutions du monde entier prévoient la continuité du pouvoir exécutif, même durant les campagnes.

Un pays ne peut pas se permettre de fonctionner au ralenti parce que son Président est candidat. Les services publics doivent continuer à tourner, les autorités doivent pouvoir prendre des décisions urgentes, et l’administration doit rester sous la direction d’un pouvoir exécutif pleinement opérationnel. Un État qui s’arrête parce que son chef est en campagne s’exposerait rapidement à des retards administratifs, à des blocages institutionnels et à des dérives difficiles à rattraper. Le droit permet donc au président en exercice de poursuivre sa mission jusqu’au dernier jour de son mandat.

Cette règle n’est pas un privilège accordé au président, mais une garantie de stabilité pour le pays. Les décrets sont souvent la base juridique qui permet de nommer un responsable, de lancer un projet, de débloquer une situation, de répondre à une urgence ou de mettre en œuvre une réforme déjà votée. Sans décrets, aucune de ces actions ne serait possible. Les administrations centrales resteraient figées, les gouvernements ne pourraient plus agir, et certaines dépenses essentielles seraient même illégales faute d’autorisation. Autrement dit, le pays entier serait mis en pause.

Pour comprendre l’importance de cette continuité, il suffit d’imaginer les inconvénients si un Président candidat décidait, par précaution ou par crainte des critiques, de ne plus signer de décrets. Dans les ministères, des dizaines de décisions resteraient en attente. Les nominations nécessaires pour remplacer un directeur parti à la retraite, un préfet muté ou un responsable décédé deviendraient impossibles. Les administrations se retrouveraient dirigées par des intérimaires sans légitimité juridique, incapables d’engager des actions importantes ou de prendre des décisions structurantes. Cette paralysie créerait une instabilité interne, une perte d’autorité et un flottement dangereux dans le fonctionnement des services publics.

Les conséquences financières seraient également lourdes. De nombreux projets, notamment ceux liés aux infrastructures, à l’énergie, à l’éducation ou à la santé, exigent des décrets pour débloquer des budgets ou autoriser le lancement d’un chantier. Un chantier arrêté pendant plusieurs mois coûte beaucoup plus cher à redémarrer. Des contrats peuvent devenir caducs. Des financements internationaux peuvent être perdus. Les partenaires techniques et financiers perdent confiance lorsqu’ils constatent qu’un pays n’arrive plus à prendre les décisions nécessaires à la bonne exécution de ses programmes.

Du côté des citoyens, l’impact serait tout aussi réel. Les populations attendent de l’État qu’il règle les problèmes, même en période électorale. Elles n’acceptent pas que la vie nationale soit suspendue parce qu’une campagne est en cours. Si les décrets cessent, la délivrance de certains droits peut être retardée : aide sociale, documents officiels, autorisation d’urbanisme, entre autres. Les collectivités locales, elles aussi, dépendent de décisions prises au sommet de l’État pour continuer à fonctionner. Un chef de l’État qui cesse de gouverner pour devenir seulement candidat mettrait en difficulté ses propres citoyens.

Il y a aussi un risque institutionnel. Un Président qui renonce à ses pouvoirs pendant une période électorale ouvre la porte à des luttes internes entre administrations, à des conflits de compétence et à des prises de décision anarchiques. L’autorité de l’État repose sur un principe fondamental : la continuité. Si cette continuité disparaît, même temporairement, l’équilibre des pouvoirs se fragilise. Dans certains pays, cela peut encourager l’ingérence d’acteurs extérieurs, le blocage volontaire de projets ou même l’instabilité politique.

Pour ces raisons, la plupart des Constitutions n’interdisent pas la signature de décrets en période électorale. En revanche, elles encadrent strictement l’utilisation des moyens publics à des fins de campagne. Ce sont deux choses très différentes. La neutralité de l’État dans la compétition électorale est indispensable, mais elle ne doit jamais empêcher l’État de fonctionner. Un Président candidat doit donc gouverner, mais avec prudence, transparence et sens de responsabilité.

Dans la pratique, beaucoup de chefs d’État adoptent une attitude mesurée. Ils évitent les décisions qui pourraient être perçues comme électoralistes, tout en continuant à signer les décrets nécessaires au bon fonctionnement du pays. Cette approche équilibrée protège à la fois la stabilité institutionnelle et l’équité du scrutin.

Au final, la question n’est pas tant de savoir si un Président candidat peut signer des décrets ( il en a le droit et même le devoir ) mais de comprendre ce qui se passerait s’il ne le faisait pas. L’État s’arrêterait. Les projets se bloqueraient. Les citoyens en subiraient les conséquences. Et la confiance dans les institutions s’effriterait. Gouverner ne s’interrompt pas pendant une campagne : c’est même dans ces moments sensibles que la continuité de l’État devient la plus précieuse.

Aboubacar SAKHO
Expert en communication

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