PLACEZ VOS PRODUITS ICI
CONTACTEZ [email protected]

Le gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée a récemment évoqué lors d’un entretien sur le plateau de télévision de VOX Africa, la possibilité d’émettre de nouveaux billets de 50 000 GNF et 100 000 GNF. Selon lui, cette décision serait motivée par l’évolution démographique et économique du pays. Selon lui, entre 2015 et 2025, la population serait passée de 8 à 16 millions d’habitants, ce qui correspond à un doublement en dix ans. Durant la même période, le Produit Intérieur Brut aurait progressé de 8 milliards à 40.000 milliards de dollars US. Sur cette base, l’autorité monétaire estime qu’il serait nécessaire d’adapter la structure des coupures utilisées dans les transactions quotidiennes.
Toutefois, il est légitime de s’interroger sur la pertinence de cet argument. Une augmentation démographique, même rapide, ne suffit pas toujours à justifier l’introduction de billets de très forte valeur. L’analyse de ce choix doit donc dépasser la simple logique numérique pour s’inscrire dans une réflexion plus large sur ses implications économiques et sociales.
Les grosses coupures : une solution réellement indispensable ?
L’observation internationale montre que la croissance démographique ne conduit pas mécaniquement à la création de grandes coupures. Plusieurs pays à forte croissance, qu’il s’agisse d’États africains, asiatiques ou occidentaux, n’ont pas choisi cette voie. À titre d’exemple, la France et les États-Unis ont connu une évolution démographique notable entre 2015 et 2025. La France s’est accrue de 66,4 à 68,6 millions d’habitants, tandis que les États-Unis sont passés de 320,9 à 347,3 millions d’habitants sur la même période, soit une augmentation de plus de vingt-six millions de personnes. Malgré cela, ni la France ni les États-Unis n’ont estimé nécessaire d’introduire de nouvelles coupures de grande valeur.
Au contraire, plusieurs banques centrales ont pris la décision inverse, à l’image de la Banque Centrale Européenne qui a cessé, en 2019, d’imprimer les billets de 500 euros. Cette mesure répondait à la volonté de réduire les risques liés aux transactions opaques, aux activités criminelles et au blanchiment d’argent, souvent facilités par les grosses coupures. La tendance mondiale va donc vers la réduction, et non l’augmentation, des billets de grande valeur.
Le modèle du Zimbabwe : un avertissement historique
L’exemple du Zimbabwe est un cas d’école, souvent cité pour montrer que l’augmentation des coupures ne résout jamais un problème économique : elle le révèle et l’aggrave. Ce pays a connu, dans les années 2000, une hyperinflation sans précédent. Pour tenter de maintenir la fluidité des échanges, les autorités ont progressivement augmenté la valeur faciale des billets, passant de petites coupures à des montants de plus en plus élevés : 10 000 Z$, 100 000 Z$, puis des millions, des milliards, des billions Cette spirale a conduit, en 2008, à l’émission d’un billet de cent mille milliards de dollars zimbabwéens. Une telle coupure ne permettait même plus l’achat de produits de base tant la monnaie s’était effondrée. Émettre des grosses coupures était devenu : un signe de perte de valeur extrême de la monnaie, une fuite en avant monétaire, la preuve d’une économie en décomposition.
Le cas Guinéen : des risques économiques importants
À première vue, l’idée d’un billet de 100 000 GNF peut sembler séduisante. Sa valeur élevée faciliterait le transport de sommes importantes avec un volume réduit. Le billet de 100 000 GNF peut sembler pratique :
Cette commodité apparente masque cependant des risques majeurs.
L’introduction de telles coupures pourrait notamment encourager la corruption et les détournements de fonds, car il deviendrait plus facile de déplacer d’importantes quantités d’argent sans attirer l’attention. Dans un contexte déjà fragile, cette évolution pourrait affaiblir davantage la transparence financière. De plus, l’annonce même de ces coupures peut être interprétée par la population comme un signe de dévalorisation du franc guinéen. Une telle perception nourrit la méfiance et incite les citoyens et opérateurs économiques se tourner vers les devises étrangères : dollars, euros ou CFA pour protéger leur épargne. Cette ruée vers les monnaies fortes pourrait accélérer la dépréciation du GNF et stimuler le marché noir des devises.
Une autre conséquence concerne les transactions quotidiennes. Les grosses coupures sont difficiles à utiliser pour les petits achats. Les commerçants, souvent dépourvus de monnaie, pourraient refuser ces billets « Monnaie MOUNA (pas de monnaie) », entraînant un recours fréquent aux arrondissements. Or dans le cas Guinéen, les arrondissements se font presque toujours à la hausse, ce qui crée une pression inflationniste généralisée. Une situation similaire avait été observée au début des années 2010, avant que la réintroduction des petites coupures de 100 et 500 GNF en grande quantité ne contribue à stabiliser les prix.
Quelles alternatives pour la Guinée ? Vers une modernisation des paiements
Plutôt que d’introduire des billets de très forte valeur, la Guinée pourrait s’inspirer des évolutions observées dans les pays développés. Depuis 2015, ces pays ont massivement adopté les paiements numériques : transactions sans contact, paiements par carte, virements bancaires et portefeuilles électroniques. Cette transition réduit considérablement la circulation des espèces et améliore la traçabilité des opérations financières, ce qui limite les risques de corruption et de fraude.
La véritable priorité devrait être la stabilité monétaire. L’émission de billets de 50 000 GNF ou de 100 000 GNF ne constitue pas une réponse adaptée aux défis économiques actuels de la Guinée. Cette mesure risquerait de fragiliser davantage la monnaie nationale, d’amplifier la corruption et d’accélérer la perte de confiance des citoyens.
La solution Guinéenne ne réside pas dans l’introduction de grosses coupures, mais dans la modernisation des moyens de paiement et de l’infrastructure financière. Il apparaît indispensable d’encourager progressivement les paiements électroniques en rendant ces outils accessibles et fiables pour l’ensemble de la population. Cela implique notamment la mise en place d’un système de mobile money public, capable de fonctionner en complément ou en encadrement des services privés existants, afin d’assurer une meilleure sécurité et une plus grande inclusion financière. Parallèlement, l’État à travers ses partenaires du secteur bancaire, devrait faciliter l’usage des paiements digitaux dans les marchés, les commerces et les transports urbains, notamment à travers l’installation de bornes et de terminaux de paiement adaptés, et en sensibilisant les petits commerçants et les chauffeurs de taxi à leur utilisation. Enfin, la promotion du paiement par carte, le déploiement d’équipements électroniques dans tout le pays et la digitalisation progressive des services publics constitueraient des étapes essentielles pour instaurer une économie plus transparente, plus moderne et moins dépendante du cash.
KEITA Mamadou Bobo
Spécialiste des questions de réforme
Résident à Lyon, France
L’article Faut-il émettre des billets de 50 000 GNF et 100 000 GNF ? Une idée décision à haut risque (Par Mamadou Bobo Keita) est apparu en premier sur Mediaguinee.com.
.png)
il y a 2 heures
24











![[Revue de presse] Camapgne présidentielle démarre avec des disparitions, Bah Oury à Mamou et Labé…à la Une des journaux](https://mediaguinee.com/wp-content/uploads/2021/02/Revue-1.jpg)







English (US) ·