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Non, pourtant la Guinée a besoin de cette élection pour retrouver l’ordre constitutionnel dans un contexte de grands enjeux, tant économiques que politiques. Au moment où le minerai de fer de Simandou commence son exploitation avec tout ce que cela représente en termes de revenus, caractérisé par le programme Simandou 2040 tant promu par le gouvernement en place un programme censé apporter développement et prospérité, cette échéance électorale revêt une importance capitale.
Dans ce contexte, cette campagne devrait être plus dynamique, plus instructive, afin de nous permettre de mieux choisir ceux que nous considérons à même de présider aux destinées de notre pays. Or, cette campagne, je me trompe peut-être, mon observation est moins lucide certainement, mes lunettes sont obscurcies, je présume, est fade, laide et sourde. Jamais nous n’avons eu une campagne aussi morose que celle-ci durant ces dernières années.
Peut-être cette fadeur est-elle la marque que les Guinéens connaissent déjà leur futur président ? Des attitudes diffuses qui laissent entendre que chacun sait déjà qui sera leur président avant cette élection, quels que soient les résultats qui en découleront ?
Ce silence assourdissant dans les rues, cette absence de ferveur, cette résignation palpable – tout cela interroge. Où sont passés les débats passionnés qui animaient jadis les places publiques ? Où sont les meetings enflammés qui mobilisaient les foules et galvanisaient les espoirs ? Où est cette énergie démocratique qui, malgré toutes ses imperfections, donnait au moins l’impression que le choix du peuple comptait ?
La campagne se déroule comme un rituel vidé de son sens, une formalité administrative à accomplir avant que les choses ne reprennent leur cours naturel. Les candidats parlent, certes, mais leurs voix ne portent pas. Les programmes existent sur le papier, sans doute, mais personne ne semble vraiment y croire. Les affiches tapissent les murs, mais les regards glissent dessus sans s’y arrêter.
Et pourtant, l’enjeu est colossal. Simandou n’est pas qu’un nom, c’est une promesse, un potentiel, peut-être même un mirage. Ces milliards de tonnes de minerai de fer qui dorment dans les entrailles de notre terre représentent une opportunité historique pour la Guinée. Le programme Simandou 2040 dessine un avenir radieux : infrastructures modernes, emplois par milliers, revenus substantiels pour l’État, développement régional, transformation structurelle de l’économie.
Mais qui décidera de la manière dont cette manne sera gérée ? Qui veillera à ce que les revenus profitent réellement aux populations et non à une poignée de privilégiés ? Qui s’assurera que l’environnement soit protégé, que les communautés locales soient respectées, que la transparence soit de mise ?
Ces questions fondamentales devraient être au cœur de cette campagne. Elles devraient susciter des débats vigoureux, des propositions concrètes, des visions divergentes qui permettraient aux citoyens de faire un choix éclairé. Au lieu de cela, le silence. Un silence lourd, pesant, inquiétant.
Peut-être sommes-nous devenus cyniques. Peut-être avons-nous été échaudés par trop de promesses non tenues, trop de transitions avortées, trop de scrutins contestés. Peut-être la lassitude dont je parlais plus haut s’est-elle généralisée, transformant l’enthousiasme démocratique en une indifférence résignée.
Ou peut-être, et c’est là le plus inquiétant, le sentiment diffus que tout est déjà joué s’est-il installé dans les esprits. Que les jeux sont faits, que les cartes sont distribuées, que le résultat est connu d’avance. Dans ce cas, pourquoi se mobiliser ? Pourquoi débattre ? Pourquoi s’engager ?
Cette posture, si elle se confirmait, serait dramatique pour notre démocratie. Car une élection n’est pas qu’un exercice comptable où l’on additionne des voix. C’est un moment de délibération collective, un espace de confrontation d’idées, un rituel qui renouvelle le pacte entre gouvernants et gouvernés. Sans cette dimension participative, sans cette ferveur citoyenne, l’élection devient une coquille vide, une façade démocratique qui masque mal l’absence de véritable choix.
Et pourtant, il faut résister à cette tentation de l’indifférence. Il faut refuser cette fadeur, cette morosité, cette surdité collective. Parce que l’avenir de la Guinée se joue maintenant, et que cet avenir mérite mieux qu’une élection par défaut, mieux qu’un simulacre démocratique, mieux qu’une résignation générale.
Les enjeux sont trop importants. L’ordre constitutionnel à restaurer, les ressources naturelles à gérer, le développement économique à impulser, la justice sociale à établir, la réconciliation nationale à construire – tout cela exige des dirigeants à la hauteur, des citoyens vigilants, et une démocratie vivante.
Peut-être mes lunettes sont-elles effectivement obscurcies. Peut-être y a-t-il, quelque part dans le pays, une effervescence que je ne perçois pas, des débats que je n’entends pas, une mobilisation qui m’échappe. Je l’espère sincèrement.
Mais si mon observation est juste, si cette campagne est bel et bien aussi morose que je le perçois, alors il est temps de se réveiller. Il est temps de réclamer des comptes, d’exiger des débats de fond, de refuser la fatalité.
Car une élection sans enjeux réels est une élection perdue d’avance ; perdue non pour tel ou tel candidat, mais pour la démocratie elle-même, pour le peuple guinéen, pour l’avenir du pays.
Et cet avenir, nous le méritons vivant, débattu, choisi, pas imposé dans le silence et l’indifférence.
M. Lonseny KEITA
Politiste, juriste
Doctorant en Science politique
Contact : 622 995 849/mail : [email protected]
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il y a 7 heures
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