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Ça devait être un beau souvenir, cette soirée de la victoire du Syli national, un moment de fraternisation entre des frères unis autour d’une passion commune et d’un même blason. Ça devait être des heures glorieuses de la Guinée. Mais cet instant de joie collective rare s’est transformé en drames, du fait de graves accidents déplorés. Cette fête restera, pour l’éternité, dans les mémoires comme l’une de la défaite citoyenne.
Six morts à Conakry en marge des célébrations de la victoire de la Guinée contre la Gambie. Six personnes ont perdu la vie, sans compter des dizaines d’autres blessées dans des accidents de la route. Deux véhicules roulant à vive allure sont entrés en collision, faisant six morts, lors de ces manifestations de joie le vendredi 19 janvier dernier.
Ce soir là, des jeunes en surnombre sur des motos, jouant au rodéo ou juchés sur le capot de véhicules, ont occupé les artères de Conakry. Les supporteurs sont descendus dans les rues dès la fin du match disputé à Yamoussoukro, contre la Gambie. Un succès qui permet à la Guinée de se rapprocher grandement des 8e de finales de la Coupe d’Afrique des nations, qui se déroule actuellement en Côte d’Ivoire.
Depuis le match qui a opposé le Syli National aux Aigles du Mali, en quart de finales lors des phases finales de la Coupe d’Afrique des Nations en Tunisie en 2004, les Guinéens pensaient que plus jamais de telles scènes n’allaient se reproduire. Mais hélas ! Il semble que rien n’a changé depuis lors. En fait, les choses ont empiré. Voilà qui soulève des questions familières sur la sécurité et le maintien de l’ordre après les matchs de football du Sily National
Victoire ou défaite, il y a des débordements dramatiques
C’est un temps que les moins de vingt ans ne connaissent pas et qu’ils vivent à leur tour, en ce mois de janvier 2024. Si les joies sont similaires, si les générations s’unissent autour d’un même plaisir, les débordements, aussi, sont de la partie. Les phases finales de la CAN de ces dernières années furent celles de la rédemption. Après des années d’hibernation des années 80, le Syli National obtint successivement entre 1994 et 2021, une place dans le gotha des grandes nations africaines. Bon retour parmi les grands ! Mais hélas ! A chaque victoire, les supporters surexcités s’amassent sur les places publiques et dans les rues, pour célébrer les héros en compétition. Malheureusement, la célébration qui devait être une fête populaire, devient l’enfer pour les Guinéens. « Ces moments devaient se transformer en fête pour Conakry, pour le Onze national, pour nos supporters et nos partenaires. Que non ! Ils sont à chaque fois gâchés par des manifestants surexcités qui n’ont rien à voir avec le football », déplore un ancien fervent supporter de Hafia Football Club. Car, oui, les festivités nous conduisent toujours à la morgue. Or, tout devait être grandiose pour les différentes performances de l’équipe nationale.
Au coup de sifflet final cette soirée-là, Les chauffards, les motocyclistes cascadeurs, les jeunes, les enfants, les supporters surexcités et autres badauds entrent en scène. Rapides et organisés, les perturbateurs sèment la panique, et certains supporters, grisés, se laissent entraîner par le mouvement. Les forces de l’ordre souvent dépassées assistent avec impuissance la scène. Et voilà le triste bilan : des morts, des accidentés, des blessés, des voitures et des édifices publics vandalisés, des commerces saccagés et plusieurs personnes en état de choc.
Les manifestants, longtemps contenus dans les quartiers, se saisissent de l’événement pour exprimer leur colère et débordent le système de sécurité. Déjà à quelques minutes du coup de sifflet final, des débordements avaient éclaté au niveau de Bellevue carrefour où est dressé l’effigie du Syli National, comme un avant-goût des dérives.
Et les scènes de joie qu’a connue la Guinée, vendredi 19 janvier au soir, après la victoire du Syli ont été gâchées par de graves accidents en marge des célébrations. Comme il est déjà souligné ci-dessus: deux véhicules roulants à vive allure sont entrés en collision faisant trois morts. Le drame s’est noué en quelques secondes.
Ailleurs dans le pays, la liesse s’est emparée des rues de Kaloum, Matam ou encore Dixinn, dans un esprit bon enfant où seule la célébration de la victoire vers les 8 e de finales de l’équipe de Kaba Diawara comptait. Partout en Guinée, la fête s’est prolongée une bonne partie de la nuit.
Ce n’est un secret pour personne que le football peut susciter une tempête d’émotions incroyables. Alors pourquoi les autorités sont-elles toujours incapables ou réticentes à prendre les mesures appropriées pour mettre fin à cette situation.
Pourquoi ces débordements à répétition ?
Supporters « insupportables« … Indignation générale… Au cœur de la spirale inquiétante, les services de sécurité sont incapables de sévir. Nous voilà alors en face d’un nouvel épisode d’une série noire dont les populations de Conakry se seraient bien passées en ce début de la Coupe d’Afrique des Nations : le retour des débordements après les victoires de l’équipe nationale.
Bref, à peine la CAN commence, avec la performance du Onze national, les images de débordements s’accumulent à Conakry. L’indignation, vendredi soir, a été unanime, au silence radio du côté du ministère de la Sécurité et de la Protection Civile où il n’a pas été réclamé une réponse « ferme » à la direction des investigations et de la police routière.
Comment expliquer cette recrudescence de débordements ? « Il y a une vraie tendance à la hausse des incidents, ça c’est sûr, mais avec des phénomènes différents. Le comportement des manifestants violences, les envahissements des rues, les jets de projectiles sur les véhicules, n’ont pas tous les mêmes causes« , analyse Abderrahmane T, sociologue. « La conjoncture est préoccupante, et on peine à l’expliquer. Est-ce purement conjoncturel ? De l’excitation positive et parfois négative de retrouver la rue après la victoire, qui fait que ça déborde ?« , s’interroge ce spécialiste du supportérisme.
Une source proche des autorités pointe le doigt accusateur aux auteurs des manifestations sociopolitiques couvées depuis l’arrivée du CNRD au pouvoir. « Longtemps étouffés dans l’œuf, les mouvements de certains militants des partis politiques, des syndicalistes, les déçus et autres frustrés de la République se sont saisis de l’occasion pour envahir les rues» Pour le sociologue donc, c’est la frustration longtemps contenue qui déborde dès qu’il y a un évènement. Sevrés de marches, des journées villes mortes, de grèves et autres manifestations syndicales, des citoyens se disant déçus du régime ont sauté sur l’occasion ce vendredi soir pour prendre la rue.