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À quelques semaines du référendum du 21 septembre 2025, la suspension de plusieurs partis d’opposition par le MATD suscite interrogations et inquiétudes. Dans cet entretien, le politologue Aly Souleymane Camara analyse les motivations possibles de cette décision, ses implications pour la transition et les risques pour la stabilité politique et sociale du pays.
Guinee360 : Comment analysez-vous la décision des autorités de suspendre certains partis politiques pendant cette période de transition ?
Souleymane Camara : En effet, la décision du MATD de suspendre les partis politiques de l’opposition, en l’occurrence l’UFDG, l’UFR et le PRP, intervient dans un contexte où le pays s’apprête à engager la campagne référendaire du « oui » ou du « non » prévue pour le 21 septembre 2025. Cette décision peut être analysée sous trois angles principaux.
Premièrement, est-ce une manière d’amener ces partis à rendre plus opérationnelles leurs structures politiques, notamment par la tenue de leurs congrès qui avaient été prévus puis reportés, car ils n’étaient pas conformes aux dispositions de la loi ?
Deuxièmement, est-ce une stratégie visant à les empêcher de participer pleinement aux échéances électorales pour l’adoption de la nouvelle Constitution ?
Troisièmement, s’agit-il d’une volonté de la junte de se débarrasser des acteurs politiques les plus représentatifs du pays ?
Sur le premier point, pensez-vous que le MATD cherche simplement à pousser les partis à se conformer à la loi ?
Il faut rappeler qu’il y a déjà eu, par le passé, des démarches allant dans ce sens. Pour l’UFDG par exemple, la tenue d’un congrès avait été suspendue alors qu’elle constituait l’unique étape permettant au parti de se mettre en conformité avec la loi. Quant au RPG et au PRP, les informations sont moins précises. Néanmoins, ces deux formations, qui demeurent parmi les plus représentées à l’intérieur du pays et à l’échelle nationale, pourraient constituer un obstacle majeur pour le CNRD, notamment à travers les voix qui s’opposeront au « non » lors du référendum.
Vous évoquez également l’impact sur les futures élections. Quels sont les enjeux à ce niveau ?
Ils sont considérables. En l’absence de M. Alpha Condé, M. Cellou Dalein Diallo pourrait incarner une force politique majeure et favoriser la mise en place d’alliances circonstancielles. Ces coalitions offriraient à l’opposition la possibilité de se fédérer face au CNRD. Lors des législatives et des communales, ces partis pourraient obtenir des élus locaux et parlementaires, renforçant leur poids institutionnel. Ce scénario risquerait de tendre davantage le climat politique et de compliquer la gestion de la transition.
Certains observateurs estiment que la manœuvre vise surtout à préparer l’élection présidentielle. Partagez-vous cette analyse ?
C’est une hypothèse tout à fait plausible. Les manœuvres entreprises par le CNRD laissent planer des doutes sur la capacité de ces partis à présenter des candidats. Tout porte à croire qu’ils sont progressivement écartés de la compétition présidentielle. Or, une telle exclusion, qu’elle soit volontaire ou non, affecterait la légitimité du processus électoral et entamerait la crédibilité du scrutin aux yeux de l’opinion nationale et internationale.
Peut-on considérer cette décision comme une stratégie pour contrôler le champ politique ?
À partir du moment où le CNRD impose un calendrier unilatéral, il devient évident qu’il s’agit d’une stratégie destinée à contrôler l’échiquier politique national. Mais cela comporte des risques : les Forces vives de Guinée ont déjà annoncé une série de manifestations pour le 6 septembre 2025. Elles entendent dénoncer non seulement le projet de nouvelle Constitution, mais aussi une gouvernance perçue comme trop unilatérale.
Comment cette suspension pourrait-elle influencer la confiance des citoyens envers les institutions de la transition ?
Les autorités de la transition tirent toute leur légitimité au travers l’adhésion populaire de la population vis-à-vis des idéaux du CNRD. Alors constatant aujourd’hui cette forme de gestion autocratique et autoritariste, cela va davantage renforcer un climat de méfiance mais aussi et surtout un climat de peur dans la mesure où, aujourd’hui, ils sont partagés entre beaucoup de stupéfactions et de désespoir dans la mesure où il y a un certains nombre de problème aujourd’hui auxquels les Guinéens font fasse. Les problèmes liés à la restriction des libertés individuelles et collectives, des problèmes aussi liés à la cherté de la vie. Cela va davantage les amener à entretenir un climat de méfiance vis-à-vis du CNRD. L’opinion publique est divisée. Une partie de la population s’accommode de tous les régimes successifs et manifeste même un soutien au président Mamadi Doumbouya. Mais une autre frange, plus politisée — composée de militants et de sympathisants — risque d’adopter des positions ambivalentes, voire critiques, face à l’évolution du processus. C’est pourquoi, les autorités de la transition ont intérêt à créer un climat de paix, de dialogue, de concertation permettant aux uns de revenir à la table des négociations et autres de dérouler paisiblement leur calendrier de la transition pour faciliter le retour rapide et apaiser à l’ordre constitutionnel.
Et qu’en est-il de la société civile, peut-elle jouer un rôle de contrepoids ?
La société civile apparaît aujourd’hui affaiblie et quasiment verrouillée. Une partie de ses principales faîtières est intégrée au CNT, tandis que celles qui restent en dehors se retrouvent souvent muselées ou empêchées de mener leurs activités de proposition et de critique. Dans ce contexte, son rôle de régulation est limité.
Au lieu de la suspension, quelles alternatives auraient pu être envisagées ?
La seule alternative crédible aurait été d’inviter ces partis à se conformer aux dispositions légales définies par le MATD. Cela leur aurait garanti le droit de competir aux prochaines élections présidentielles et renforcé la légitimité du processus.
Pour conclure, quels scénarios d’évolution entrevoyez-vous pour la transition guinéenne à la lumière de cette décision ?
Le scénario le plus probable reste que le CNRD déroule tranquillement son calendrier politique, en vue de se présenter aux élections présidentielles avec un échiquier largement acquis à sa cause.
L’article Suspension des partis politiques : l’analyse du politologue Aly Souleymane Camara est apparu en premier sur Guinee360 - Actualité en Guinée, Politique, Économie, Sport.