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Si c’était aujourd’hui que le « seul maître à bord après Dieu » avait choisi d’accorder sa grâce au capitaine Dadis Camara – lui-même « seul maître à bord » naguère –, nombreux auraient cru à un gros poisson d’avril. Tout comme s’il lui prenait, en ce 1er avril, la soudaine inspiration de fixer par décret la date du référendum constitutionnel tant attendu. D’aucuns y verraient une blague, même si nul n’a oublié qu’il promit, fin décembre dernier sous les projecteurs d’un décor féerique, que ce serait chose faite avant la fin du… premier trimestre !
On attend de voir. Peut-être le deuxième sera-t-il le bon. D’ailleurs, rien ne presse : dans un pays où l’histoire semble figée depuis un certain 2 octobre 1958, le temps est une denrée élastique à souhait.
En attendant, les sujets ne manquent pas pour accommoder à toutes les sauces le fameux poisson d’avril. Dans ce bled où rire de tout évite de pleurer pour un rien, l’année entière ressemble à un 1er avril perpétuel. Un canular permanent, à l’image du complot
sous le régime unique – ou inique, c’est selon.
Alors, ne ratons aucune occasion de solliciter nos zygomatiques, question de se dilater la rate. Quant au déroulement de la transition, ce « long fleuve tranquille », gardons le sourire et soyons à l’aise comme des poissons dans l’eau. Tant pis pour les frustrés qui clament sur tous les toits que nous nageons en eaux troubles. Refusons de mordre à leur hameçon. Car il faut une sacrée dose de mauvaise foi pour voir, dans les annonces (parfois contradictoires) venues d’en haut et la frénésie des soutiens (en général des maquereaux pas toujours désintéressés), une manœuvre pour noyer le poisson en vue de pêcher le maximum de voix aux prochaines échéances.
Avec les chantiers ouverts, la marée montante des réformes, le nombre astronomique de poissons à frire, le déploiement de filets pour attraper les gros poissons de la corruption, et la crainte que la refondation ne finisse en queue de poisson, ce n’est surtout pas le moment de lâcher du lest. Même si, avouons-le, le calendrier capricieux de la transition nous donne parfois l’impression de naviguer à vue.
On pourrait s’inspirer, pourquoi pas, du roi de France Charles IX. Lassé de jongler entre deux calendriers, il imposa en 1582 le passage du julien au grégorien. Adieu le Nouvel An en avril, place au 1er janvier ! Les esprits rebelles qui s’obstinaient à célébrer l’ancien Nouvel An se retrouvaient avec un poisson en papier collé dans le dos, recevaient des cadeaux factices ou subissaient railleries et canulars. C’est là, dit-on, que naquit la tradition du poisson d’avril…
D’ailleurs, le calendrier grégorien est celui officiellement utilisé en Guinée. Mais rêvons : et si, à l’image des révolutionnaires français, nous inventions un calendrier républicain bien à nous, aligné sur nos saisons, nos pratiques agricoles et… l’humeur de nos dirigeants ? Ce serait un pas de plus vers une plus grande souveraineté à l’intérieur des frontières voulues et tracées par le méchant colonisateur toubab.
À défaut, face à l’agenda mouvant et imprécis d’un retour à l’ordre constitutionnel – celui-là même dont on a pourtant applaudi l’interruption en 2021 –, un calendrier « transitionnel » clarifierait peut-être les étapes. Histoire d’entrevoir, sans mirages ni poisson d’avril, le bout du tunnel.
Top Sylla
L’article Satire à vue- Poisson d’avril permanent ? (Par Top Sylla) est apparu en premier sur Mediaguinee.com.