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Alors que le président de la transition a fixé la date du référendum constitutionnel au 21 septembre 2025, Jacques Gbonimy, président de l’Union pour le Progrès de la Guinée (UPG), salue cette annonce qu’il juge nécessaire pour tourner la page de la transition. Dans cet entretien accordé à Guinée360, l’expert électoral plaide pour un recensement électoral ciblé, un fichier crédible et un dialogue inclusif pour garantir un processus apaisé. Il revient également sur la grâce accordée à l’ex-chef de la junte, Dadis Camara, et appelle à élargir cette mesure pour favoriser la réconciliation nationale.
Guinée360 : Le président de la transition a fixé la date du référendum constitutionnel au 21 septembre 2025. Comment avez-vous accueilli cette annonce?
Jacques Gbonimy : Nous avons pris connaissance du décret fixant la date du référendum au 21 septembre prochain. Certes, cette annonce a surpris beaucoup de personnes, mais le président avait déjà déclaré que toutes les élections prévues se tiendraient cette année. Cela ne devrait donc pas être une surprise. Je pense que c’est une bonne chose pour le pays. Après trois ans de transition, nous entamons la quatrième année. Il serait souhaitable que nous en sortions avec un président démocratiquement élu, afin de permettre à la Guinée de retrouver sa place sur la scène diplomatique et économique internationale. Concernant la date, je crois qu’avec une réelle volonté politique, elle peut être respectée. Des démarches sont déjà en cours sur le plan électoral pour y parvenir. J’approuve donc cette date et j’encourage à redoubler d’efforts pour la respecter. Les reports d’élections engendrent souvent des tensions politiques, des suspicions et des divisions sociales.
Concernant le fichier électoral, sans lequel il est difficile d’organiser un scrutin, que recommandez-vous aux autorités pour garantir un référendum crédible et inclusif ?
Il faut toujours partir de l’origine et viser le résultat. Au départ, il était question d’utiliser le RAVEC pour code 10 à 125 ans. Cela risque d’être un nouvel obstacle. Si l’objectif est de respecter les échéances annoncées, il faudrait opter directement pour un recensement électoral. Cela consisterait à enregistrer uniquement les citoyens de 18 ans et plus, en vue d’établir un fichier électoral fiable. On pourrait aussi envisager une simple révision du fichier existant. En 2007, lorsque nous étions à la CENI, nous avons utilisé un fichier non biométrique réalisé par la société de feu Yaya Kane, que nous avons utilisé et enrichi par une révision biométrique pour les élections de 2010. Aujourd’hui, avec les équipements récemment acquis, un bon travail peut être réalisé pour disposer d’un fichier fiable, indispensable à tout scrutin. Le retard enregistré est principalement lié à l’absence d’un fichier électoral consensuel. Or, ce que souhaitent les Guinéens, c’est un fichier crédible, garant de la transparence du processus.
Le MATD a annoncé le début du recensement pour le 15 avril, pour une durée de 45 jours. Ce délai, conforme à celui d’une révision exceptionnelle selon l’ancien code électoral, est-il suffisant pour un recensement général ?
La Guinée n’est pas un pays immense comme la RDC. Tout dépendra des moyens mobilisés, en particulier humains, techniques et financiers. Que ce soit pour une révision ou un recensement, l’opération implique de déployer des équipes et du matériel sur l’ensemble du territoire. Avec une forte volonté politique et les ressources nécessaires, les 45 jours annoncés peuvent suffire. Ce sera une course contre la montre, mais elle peut être gagnée si l’engagement est réel.
Les autorités ont annoncé la réception de 6000 kits. Est-ce suffisant selon vous ?
Ce n’est pas la première fois que des équipements sont acquis par la Guinée. À notre époque, nous avions commandé des kits, en complément de ceux déjà existants. Le matériel des précédentes CENI peut également être réutilisé. Les 6000 kits peuvent servir de base, et si leur déploiement est bien organisé, ils peuvent suffire à atteindre les objectifs fixés. Tout dépend de leur gestion et de leur répartition.
Le référendum a été annoncé alors que la nouvelle Constitution n’est pas encore publiée. Qu’en pensez-vous ?
Justement, le but du référendum est d’adopter une nouvelle Constitution. C’est le socle de toute la transition. Selon le chronogramme, la Constitution doit être adoptée par voie référendaire. J’ai participé à un atelier à Kindia, avec d’autres partis politiques, sur l’avant-projet constitutionnel. Un groupe d’experts a récemment remis un rapport, qui sera examiné par le CNT pour aboutir à un projet de Constitution. Le CNT reste l’acteur principal de cette étape. Dès que le projet est prêt, il servira de base au référendum. Tous les efforts doivent converger vers cet objectif, car la date du 21 septembre a été fixée par décret présidentiel. Une fois la Constitution adoptée, elle définira la suite du processus, y compris les modalités de création de l’organe de gestion des élections. On ne peut mettre en place un organisme avant d’avoir la Constitution qui l’encadre juridiquement. À moins que cela ne découle d’un consensus.
Le recensement est prévu pour commencer le 15 avril alors qu’il n’y a pas encore de base légale. Le gouvernement ne met-il pas la charrue avant les bœufs ?
Il faut distinguer deux choses. Le recensement à partir de 10 ans a pour but d’anticiper l’enregistrement des citoyens qui atteindront l’âge de voter plus tard. Dans certains pays développés, cela est possible grâce à un état civil performant. J’ai eu l’occasion d’observer les élections au Québec. Là-bas, dès qu’un enfant naît, il est enregistré, et à 18 ans, il est automatiquement intégré au fichier électoral. C’est un système informatisé, mais pas biométrique. En Guinée, il y a des craintes liées aux expériences passées, notamment le recensement frauduleux de mineurs, qui a faussé les anciens fichiers. Cette méfiance est légitime. D’où la nécessité d’un travail approfondi sur le nouveau fichier. Aujourd’hui, on explore une nouvelle voie, car le RAVEC pose problème. Mais même cette solution comporte des risques. C’est pourquoi je préconise un recensement électoral ciblé, pour enregistrer uniquement les électeurs, afin d’éviter toute contestation.
Pensez-vous qu’il est nécessaire d’ouvrir un dialogue pour aborder toutes ces questions ?
J’ai écrit un livre, publié en 2022, dans lequel j’ai évoqué les questions de dialogue national. J’y retraçais même l’historique des dialogues en Guinée. En réalité, tout finit toujours autour d’une table. Qu’il s’agisse d’une guerre, d’un conflit familial, local ou régional, la solution passe toujours par la discussion. C’est pourquoi, je pense qu’il est important d’aménager un espace de dialogue. Certes, des initiatives ont été prises au départ, mais des acteurs ne s’y sont pas sentis concernés, en raison des contextes du moment.
À qui incombe la responsabilité d’organiser le dialogue ?
Aujourd’hui, il revient aux autorités de créer les conditions pour que tous les Guinéens puissent s’asseoir autour de la même table, afin d’éviter que les futures élections ne soient contestées car les bonnes élections sont celles qui ne sont pas contestées quelque soit la manière dont elles sont organisées.
Mais est-ce vraiment possible alors que plusieurs acteurs politiques ne se reconnaissent pas dans le processus en cours ?
Un vrai dialogue commence toujours par une phase préparatoire et des préalables discutés avant les débats. Il faut d’abord discuter des modalités, fixer ensemble la méthodologie, les thématiques, la conduite à tenir. C’est ce que nous recommandons : aller vers un dialogue inclusif, où chacun est invité à participer. Une fois ces bases posées, on peut alors entamer les discussions de fond. Mais il ne faut surtout pas ignorer cette étape préparatoire. On ne peut pas convoquer un dialogue en fixant unilatéralement l’ordre du jour et en excluant ceux qui voudraient donner leur avis sur le processus lui-même.
Comment avez-vous accueilli la grâce accordée au capitaine Moussa Dadis Camara ?
Je connais Dadis depuis longtemps, depuis le lycée même, où il était dans les classes supérieures. Par la suite, nous nous sommes retrouvés à l’université Gamal Abdel Nasser. Nous avons tissé des liens. Donc, humainement parlant, je ne peux que me réjouir de cette grâce. Maintenant, je comprends qu’il y ait des contestations ou des débats. Certains évoquent une procédure non respectée, mais, à ma connaissance, un des avocats a affirmé que la procédure concernant l’appel du verdict avait été annulée. Peut-être que l’erreur a été de ne pas publier l’acte de retrait, ce qui a créé cette confusion. Je crois toutefois que le Président de la République, en tant que garant des institutions, ne peut pas prendre un décret s’il y a une procédure irrégulière en cours. Il est souverain dans ses décisions. Et j’invite ceux qui critiquent cette mesure à dépasser ce débat, car la Guinée a des défis importants à relever. S’attarder sur ce type de polémique risque de freiner notre marche vers la réconciliation et l’unité nationale.
Mais Dadis n’était pas le seul concerné. Il y avait aussi Claude Pivi, Toumba Diakité et d’autres…
J’ai toujours dit, dans mes précédentes interventions, que Dadis ne devait pas être détenu dans les mêmes conditions que les autres. En tant qu’ancien chef d’État, il aurait pu bénéficier d’une résidence surveillée, par respect pour son statut. Il a passé plus de deux ans en détention. Il a fait preuve de patience et de dignité. Il faut aussi rappeler que c’est lui-même qui a accepté de comparaître et a ainsi facilité la tenue du procès. En justice, cette volonté de coopérer peut être prise en compte et inspirer une certaine tolérance. Je pense donc qu’il mérite un traitement particulier, ne serait-ce que pour son rôle dans le processus judiciaire.
Pensez-vous que les autres détenus doivent également bénéficier d’une grâce présidentielle ?
Je crois que le gouvernement travaille sur ce dossier. Mon souhait – comme celui de beaucoup de Guinéens – est que d’autres suivent. Cela participerait à l’apaisement et à la réconciliation nationale.
Où en est la crise au sein de votre parti, l’UPG ?
C’est une crise qui dure depuis plus de trois ans. Après une première décision du Tribunal de première instance de Dixinn, nous sommes aujourd’hui devant la Cour d’appel. Le dossier est en instruction, et nous faisons confiance à la justice. À la base, ce conflit aurait pu être réglé administrativement. Le ministère de l’Administration du territoire disposait de tous les documents nécessaires, issus des congrès du parti. En 2021, le ministre Mory Condé, lui-même, avait déclaré publiquement que les documents présentés par Matos (Alfred Mathos) n’étaient pas authentiques. Il lui revenait alors de tirer les conséquences administratives de cette déclaration, ce qui n’a pas été fait. C’est pourquoi nous avons saisi la justice. Elle va dire le droit, nous le respecterons.
Quel a été le résultat de l’UPG à l’issue de l’évaluation des partis politiques ?
L’UPG a été retenue parmi les partis autorisés à poursuivre leurs activités sur le terrain. Sur ce plan, nous n’avons aucun problème. Le seul problème, c’est la question du leadership, liée au conflit que je viens d’évoquer.
Quelle est votre position sur une éventuelle candidature du général Mamadi Doumbouya ?
Ce ne serait pas une première en Guinée ou en Afrique. Regardez autour de nous. Je pense que nous sommes encore aux premières étapes du cycle électoral. Ce n’est donc pas le moment d’exiger du Général Doumbouya qu’il clarifie sa position. Nous sommes encore dans la phase d’élaboration des textes, loin de la mise en place des organes électoraux. Ce débat est prématuré. Des citoyens peuvent appeler à sa candidature, c’est leur droit. Mais cela ne signifie pas que lui-même doive se prononcer maintenant. S’il veut que des élections aient lieu dans de bonnes conditions, il doit rester au-dessus de la mêlée jusqu’à ce que les règles soient établies.
Quelle est votre position, sachant que Doumbouya avait déclaré qu’aucun membre du CNRD ou du gouvernement ne serait candidat ?
Comme je l’ai dit, ce ne serait pas la première fois qu’un dirigeant change d’avis. Cela arrive, et cela arrivera encore. Personnellement, je ne suis opposé à la candidature d’aucun Guinéen. Si le Général Mamadi Doumbouya remplit les critères définis dans la future Constitution et le Code électoral, alors il aura le droit de se porter candidat, comme tout autre citoyen Guinéen.
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