Procès 28 septembre : le parquet en faveur d’une requalification des faits fait appel à la jugeote du juge

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Le mercredi 22 mai 2024, cette question a été abordée par le procureur Algassimou Diallo lui-même. Il a fait appel à la jurisprudence en matière de crime contre l’humanité et responsabilité supérieur hiérarchique, pour dire au tribunal que leur demande de requalification des faits en crime contre l’humanité n’est pas inédite. Il a rappelé que d’autres juridictions à l’instar de celle dirigée par Ibrahima Sory 2 Tounkara, s’étaient déjà penchées sur ces questions. Pour lui, « cette requalification soumise à l’appréciation du tribunal ne sort des habitudes des juridictions pénales ».

Le magistrat a d’abord rappelé un arrêt qui a été rendu par la Cour Suprême des États-Unis le 04 février 1946. C’est un arrêt de principe qui a tranché la question de la responsabilité du supérieur hiérarchique, dit-il.

« En 1944, un Général Yamashita de nationalité japonaise a pris le commandement de la quatrième armée chargée de défendre Les Philippines. Les Américains venaient de s’établir là. Ce général a dû replier au niveau des montagnes avec ses troupes. Là étant, un amiral qui était sous son autorité a refusé obstinément de se plier à ses ordres et est resté avec un nombre important de soldats et ils ont massacré, mutilés plusieurs civiles. Monsieur le président, le 5 septembre 1945, le Général Yamashita s’est rendu aux Américains en abdiquant purement et simplement. Général Macarthur a mis en place une commission de Guerre qui devait naturellement se pencher sur les responsabilités des crimes qui venaient ainsi d’être commis. Selon l’acte d’accusation, il était dit : que Général Yamashita aurait entre le 2 septembre et le 9 septembre 1945 à Manni et en d’autres endroits de Philippines, en tant que commandant des forces armées du Japon en guerre avec les États-Unis d’Amérique et ses alliés ignoré de manière coupable et n’aurait pas exercé ses attributions de supérieur hiérarchique de contrôler les opérations des personnes sous son autorité leur permettant de commettre des atrocités et d’autres crimes contre des ressortissants américains et ses alliés de dépendance en particulier en Philipine. Ce massacre a été horrible traduit donc devant la juridiction. Son conseil a plaidé pour dire que Yamashita ne devrait pas être reconnu coupable des charges selon l’acte d’accusation parce Que tout simplement l’amiral qui était sous son autorité a désobéi à ses ordres. Monsieur le président, le juge comme vous ont rejeté cet argument en invoquant la responsabilité du supérieur hiérarchique. Selon cette forme de responsabilité, le Général Yamashita a été condamné pour des faits de crimes de guerre commis par ses subordonnés La décision est intervenue le 07 décembre. La Cour Suprême des États-Unis a été saisie pour censurer cette décision parce que le conseil a estimé qu’en réalité le Général n’aurait pas dû être condamné par la commission qui a été mise en place en première instance. Et donc la Cour a rejeté ce pourvoi par un vote de 7 contre 2 le 04 février 1946. Le Général Yamashita, donc, a été exécuté par pendaison le 23 février 1946. Monsieur le Président, ce rappel, c’est pour vous dire que l’arrêt Yamashita est exemplaire en ce sens qu’il a établi pour la première fois, la responsabilité du supérieur hiérarchique en l’espèce, militaire », a rappelé le procureur de la République près le TPI de Dixinn.

D’une jurisprudence à une autre, Algassimou Diallo a aussi rappelé celle du tribunal pénal international pour la Yougoslavie, qui, à son tour, a rendu une décision le 15 mars 2006. Les faits se sont passés en Bosnie-Herzégovine.

« Un militaire de l’armée populaire yougoslave a été nommé commandant du troisième corps de l’armée de Bosnie-Herzégovine. Dans le cadre de ses unités, monsieur le président, NVR Anjanovik, a attaqué les villes et villages principalement habités par les Croates de Bosnie, mais aussi par les civils bosno-serbes. Ces civils ont été victimes de torture, de détention arbitraire, d’homicides et de lésions graves. Là aussi, monsieur le Président, ce général a été traduit devant une juridiction de jugement pour répondre de ces infractions graves. L’acte d’accusation a indiqué que NVR avait des raisons de savoir que les forces de l’armée de Bosnie-Herzégovine sous son commandement et contrôle effectifs étaient sur le point de promettre des infractions, ou l’avaient fait et n’a pas pris des mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que ces actes soient commis ou impunis les auteurs. Monsieur le Président, il s’est volontairement rendu le 2 février 2001 et a été transféré le 4 août 2001 au tribunal pénal international pour la Yougoslavie. Monsieur le Président, lors de sa comparution, comme il est de coutume, ses avocats ont plaidé non coupables. Mais la juridiction de jugement comme la vôtre, a estimé qu’il avait toutefois été retenu qu’il n’avait pas pris les mesures nécessaires et responsables pour empêcher les meurtres et autres infractions qui avaient été commises. Donc, Monsieur le Président, cet arrêt aussi s’est penché sur la question de responsabilité du supérieur hiérarchique », a fait remarquer le magistrat.

Algassimou Diallo est aussi revenu sur les affaires Barbie et Paul Touvier dont les décisions ont été rendues respectivement, le 20 décembre 1985 et 1er juin 1995.

« C’est en France, Monsieur le président, la France, qui a une tradition civiliste de droit au même titre que notre pays, a poursuivi et condamné des citoyens français pour crime contre l’humanité en se fondant sur le traité qui a créé le tribunal international de Nuremberg, alors même que ces infractions de crimes contre l’humanité ne figuraient pas dans le code pénal français. L’un des arguments des juges, monsieur le Président, a été de dire que le juge pénal français, était bien compétent parce que cette responsabilité-là, il fallait la définir. Il fallait sanctionner ce comportement, il ne fallait pas laisser ces actes impunis. Et donc, il a été dit et retenu qu’à partir du moment où les infractions prévues dans la convention internationale ratifiées entrent dans les prévisions du code pénal, il s’applique immédiatement, monsieur le président, ici aussi, c’est pour la première fois que les juridictions françaises ont jugé des infractions de crimes contre l’humanité », a indiqué le magistrat.

Le procureur a également remis deux autres arrêts de Mikiri, rendu par la Cour militaire du Nord Kivu, le 30 septembre 2020, en République démocratique du Congo et Bédi bolillu alias 106.

« Monsieur le président, un groupe militaire déserteurs de l’armée du Rwanda est allé constituer dans ce pays voisin une force qu’ils appelés Force Démocratique pour la Libération du Rwanda en 2016. Ces forces sont allées à Mikiri qui est une localité du Nord Kivu ou plusieurs infractions de viols, de meurtres, de pillages, et d’assassinats ont été commis. La Cour militaire ayant été saisie a tranché en retenant la notion de responsabilité du chef militaire et de crimes contre l’humanité par meurtre, assassinat, viol et par autres agressions sexuelles. Donc cet arrêt également est un arrêt qui a élucidé les faits de crimes contre l’humanité et responsabilité du supérieur hiérarchique. Que dire de l’arrêt Bedi Mobuli Engangela alias 106. 106, c’est le nom de son unité. Là aussi ça s’est passé au Sud Kivu en RDC où des atrocités ont été commises. Et la Cour militaire a retenu les crimes contre l’humanité pour viol, meurtre et à condamné les accusés à perpétuité », a remémoré le magistrat débout.

Algassimou Diallo a terminé ses exemples de jurisprudence par l’arrêt qui a condamné Hissène Habré, l’ancien président Tchad.

« Monsieur le président, il vous souviendra que dans les années 2000 monsieur Hissène Habré qui venait de perdre le pouvoir est venu se réfugier au Sénégal. Des citoyens tchadiens qui y vivaient et d’autres venus du Tchad ont saisi le tribunal hors classe de Dakar. Le doyen de cette juridiction d’une plainte contre Habré pour des faits de tortures et autres faits inhumains. Monsieur le président, la plainte malheureusement n’a pas pu prospérer parce que tout simplement la Cour d’appel de Dakar a estimé que M. Habré ne peut être jugé en ce moment sur le sol sénégalais et non seulement à annuler l’inculpation de Habré et toute la procédure. Les victimes qui vivaient en Belgique, se sont rabattus sur les juridictions belges où elles ont porté régulièrement plainte. Les juges d’instruction saisis avec commission rogatoire qui malheureusement n’avaient pas abouti. Au finish, les victimes se sont adressés au comité de droit de l’homme de l’ONU contre la torture pour estimer être retabli dans leur droit. De péripéties en péripéties, l’état du Sénégal a été dans l’obligation de signer avec l’union africaine pour créer une juridiction hybride qui devait se pencher sur le cas Habré. Ce que je veux que vous reteniez, c’est qu’après toute la procédure, monsieur Habré a été traduit devant cette juridiction où il a été jugé, reconnu coupable des faits de crimes contre l’humanité par viol, esclavage sexuel, homicide volontaire, torture, séquestration et a été condamné à perpétuité », a-t-il revu.

Similitude pour similitude, l’empereur des poursuites du TPI de Dixinn a fait remarquer que pour ce qui est des crimes contre l’humanité pour fait de viol, séquestration, de torture, et la responsabilité du supérieur hiérarchique, qu’il ne suffit pas seulement pour l’agent pénal d’agir. Il peut ne pas agir mais du moment que des hommes sous son autorité agissent, qu’il n’ait pris aucune disposition pour que ces agissements n’aient pas lieu, qu’il n’ait pris aucune disposition pour freiner les agissements, pour en somme sanctionner ceux qui ont posé des actes, naturellement, il sera retenu comme responsable des agissements des hommes qui sont sous sa responsabilité, a-t-il conclu.

Sékou Diatéya Camara

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