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Célébrée dans le monde sous le thème « …le journalisme face à la crise environnementale», la journée internationale de la liberté de la presse en Guinée, coïncide cette année à une période particulièrement dure pour la presse. Avec des ondes brouillées, la restriction de l’Internet et beaucoup de journalistes mis au chômage. Une situation qui n’est pas sans rappeler les péripéties par lesquelles le pays est passé pour arriver à ce qui est vu par maints observateurs comme un acquis en péril.
En prélude à ce 3 mai, Guineenews a recueilli le témoignage d’un des pionniers de la presse indépendante qui avait pris une part active dans la lutte menée pour la libéralisation des ondes au milieu des années 2000. Il s’agit du doyen Diallo Souleymane, journaliste, fondateur du groupe de presse le Lynx-La lance et la radio Lynx FM), qui a accepté de prendre la parole pour la circonstance, dans le cadre d’un entretien exclusif. Monsieur Diallo lève ainsi un coin du voile sur cette partie de l’histoire de la presse nationale indépendante.
Selon ce témoin privilégié à tous points de vue, tout serait parti de « la conférence de Namibie qui avait jeté les bases d’une certaine liberté ». C’est ainsi que, « dix ans après, lors du dixième anniversaire de la conférence de Namibie, j’ai eu l’honneur d’être invité. Je suis allé exposer dans les coulisses les problèmes que nous rencontrions. A l’international, on nous a compris. Au plan africain, on nous a compris, parce qu’on était franchement en retard. Tout le monde a aidé la Guinée », confie-t-il.
Mais «la diplomatie de couloir » ne s’est pas limitée à ce travail préalable. Poursuivant, celui que le lynx a surnommé Le Gros (lynx) ajoute : «(…) on est allé voir le patron de l’Unesco qui était là-bas. On lui a posé calmement le problème. Il a promis de nous aider. Une résolution a été prise pour aider la Guinée à libéraliser les ondes ».
Pour la suite, témoigne le doyen, «il m’a fixé un rendez-vous à Genève où je suis allé le rencontrer en personne. Il m’a dit, je vais trouver un moyen d’ancrer ce problème de libéralisation des ondes dans la politique internationale. Si ça marche, on va conditionner l’aide de la Guinée, à la libéralisation des ondes. Et c’est ce qui a été fait. Il a réussi à atteindre cet objectif».
Une mesure qui s’est appliquée dans toute la rigueur pour produire l’effet escompté, selon le captivant récit que des acteurs encore vivants pourraient confirmer. En tout cas, « un jour, Bah Ousmane (un cadre de l’administration ndlr) est allé chercher un financement à l’Union Européenne, on lui a brandi ça: libéralisez les ondes d’abord, et puis, on parle de l’argent. Il s’est battu comme il pouvait, mais c’était bloqué », se souvient Diallo Souleymane.
Une bataille gagnée pour la liberté, mais dont le vainqueur, la maturité aidant, mesure l’ampleur des répercussions sur les autres secteurs de développement. Sans doute, en jetant un regard sur ce qui est fait de cet héritage, près de trois décennies après, «c’est là que je m’excuse des souffrances que l’ensemble du pays a subies », déclare-t-il. Et de poursuivre: «franchement, je présente mes excuses. Mais pour avoir l’argent, il fallait avoir un minimum de liberté de la presse ».
Un message visiblement tombé dans de bonnes oreilles car, «finalement, Lansana Conté a vite compris qu’il fallait ça, parce qu’il était très intelligent», toujours selon le fondateur du groupe lynx. Et pour les dispositions pratiques, «il (président Conté, ndlr) a appelé son ministre des télécommunications qui est encore là. Il lui a dit de libéraliser les ondes».
Même si, se souvient-t-il, «ce pauvre ministre ne pouvait rien faire ». Car, explique M. Diallo, «rien n’avait été fait à l’international. A l’Union Postale Universelle, la Guinée n’avait que deux ondes : la voix de la révolution devenue la RTG et la radio Kaloum Stéréo (RKS), pour tout le pays. Donc, on ne pouvait pas libéraliser les ondes, même si on le voulait ».
Néanmoins, comme les instructions claires et fermes lui avaient été données, «ce ministre a pris une délégation permanente qu’il a envoyé là-bas pour travailler pendant quatre mois. La Guinée s’est rattrapée. Elle a été ancrée parmi les pays qui avaient les ondes… C’est à ce moment que Conté a libéralisé les ondes et les aides ont été débloquées»…
Et le reste de l’histoire est connu. Cette libéralisation des ondes a été une réalité jusqu’au jour où le pouvoir actuel (CNRD) en a décidé autrement. Même si tout le parcours fait jusque-là, n’a pas toujours été un long fleuve tranquille.