Guinée : Pourquoi le contrôle continu et les sessions de rattrapage doivent être intégrés au BEPC et au Bac ? (Lancinè Marcus Dioubaté)

il y a 3 heures 22
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Selon un communiqué de l’Inspection générale de l’Éducation, la rentrée administrative pour l’année scolaire 2025-2026 est fixée au lundi 8 septembre 2025, tandis que la rentrée scolaire effective des élèves aura lieu le lundi 15 septembre 2025 sur toute l’étendue du territoire national. À l’approche de cette nouvelle année scolaire, une question majeure s’impose : comment améliorer un système éducatif qui repose encore sur une évaluation unique et finale ? Les résultats des examens nationaux 2025, avec 32,3 % d’admis au baccalauréat contre 28,6 % en 2024, révèlent une progression fragile. La Guinée reste l’un des rares pays d’Afrique francophone à maintenir un système d’évaluation rigide, fondé uniquement sur une épreuve finale, sans contrôle continu ni session de rattrapage. Cette structure anachronique mérite d’être repensée en profondeur. Voici pourquoi.

I- Comprendre les concepts fondamentaux à travers la voix des experts

➤ Le contrôle continu : évaluer pour accompagner l’apprentissage

Le contrôle continu : désigne un mode d’évaluation intégré au processus d’enseignement, permettant de mesurer les acquis des apprenants de manière progressive. Contrairement aux évaluations sommatives qui sanctionnent en fin de cycle, il s’agit d’une approche formative, corrective et évolutive.

« L’évaluation continue permet de mieux cerner les progrès d’un élève dans le temps, de valoriser les apprentissages invisibles et de responsabiliser l’élève face à son parcours »(Philippe Perrenoud, professeur à l’Université de Genève, spécialiste de l’évaluation et des pratiques enseignantes)

« Elle n’est pas une sanction, mais une composante de la régulation pédagogique »(Pierre Merle, sociologue de l’éducation, ENS Rennes)

Selon l’UNESCO (2024), dans son rapport sur la qualité de l’éducation en Afrique, le contrôle continu permet de « réduire la pression excessive des examens finaux et de favoriser une évaluation plus équitable des compétences transversales des élèves. »

➤ La session de rattrapage : une évaluation réparatrice, non laxiste

La session de rattrapage : permet à un élève qui a échoué de peu à un examen final (exemple : avec une moyenne légèrement en dessous du seuil requis) de repasser certaines épreuves dans un délai rapproché, afin d’améliorer son score sans redoubler l’année entière.

« Le rattrapage est l’une des formes les plus efficaces de lutte contre l’échec scolaire précoce, à condition d’être rigoureusement encadré et assorti d’un accompagnement pédagogique. »
(Claude Lelièvre, historien de l’éducation, professeur émérite à la Sorbonne)

« L’évaluation ne devrait pas être une condamnation immédiate mais un outil de relance de la réussite. Offrir une seconde chance, c’est reconnaître la complexité des apprentissages. »
(Jean-Pierre Astolfi, didacticien, auteur de L’erreur, un outil pour enseigner)

II- Pourquoi ces dispositifs sont cruciaux pour la Guinée ?

1- Rompre avec une logique d’échec brutal et injuste

Aujourd’hui, en Guinée, un élève peut perdre toute une année scolaire pour avoir raté une seule journée d’examen ou une ou deux matières académiquement, Cette brutalité scolaire aggrave l’exclusion éducative. Le contrôle continu introduit une évaluation formative, plus souple et plus humaine.

2- Valoriser l’effort constant, pas seulement la performance ponctuelle

Un système juste doit récompenser le travail assidu sur la durée, et non la seule performance d’un jour. Cela incite les élèves à s’impliquer tout au long de l’année et favorise un apprentissage durable, pas du bachotage de dernière minute.

3- Réduire les inégalités sociales et éducatives

Les élèves issus de milieux défavorisés sont souvent les plus pénalisés par le système actuel. Le contrôle continu permet de compenser les inégalités d’accès aux cours particuliers ou aux ressources pédagogiques.

4- Offrir une seconde chance, une justice académique

La session de rattrapage n’est pas un « passe-droit ». Elle repose sur une pédagogie de la résilience : un élève peut échouer sans être incapable. Lui offrir une deuxième tentative, c’est reconnaître qu’une note ne définit pas un destin.

5- Lutter contre le décrochage et le redoublement massif

Les échecs répétés sans alternatives favorisent l’abandon scolaire, surtout en zone rurale. Or, la session de rattrapage limite le redoublement inutile, réduit la surcharge des établissements et favorise la poursuite des études.

6- Moderniser notre système selon les standards internationaux

Le modèle basé uniquement sur l’évaluation sommative est révolu. La plupart des systèmes performants adoptent des évaluations mixtes (formative + sommative), recommandées par l’UNESCO, l’OCDE et l’Union africaine.

III. Des exemples inspirants en Afrique, en Europe et ailleurs

Afrique de l’Ouest
• Sénégal : Le processus de réforme du baccalauréat sénégalais a été amorcé dès 2012, avec la création de la Commission nationale de réforme du baccalauréat (CNRB). Résultat : une baisse du stress des élèves, une amélioration de la qualité de l’enseignement en classe, et des taux de réussite plus stables via l’insertion des contrôles continus et d’autres réformes.
• Côte d’Ivoire : Des expérimentations dans plusieurs lycées publics depuis 2022 ont montré que le contrôle continu renforce l’engagement des élèves et réduit la fraude.
• Maroc : Intègre déjà des sessions de rattrapage au Bac et au collège, avec encadrement pédagogique renforcé.

Europe
• France : La réforme du bac a été annoncée en 2018 par l’ex ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer. Objectifs de la réforme :
Réduire le poids des épreuves finales. Depuis cette réforme du Baccalauréat ( rentrée en vigueur en 2021), le contrôle continu représente 40 % de la note finale. En cas d’échec, des rattrapages permettent d’éviter l’exclusion directe.
• Finlande : Le pays le mieux classé en éducation selon PISA ne pratique quasiment pas d’examens finaux nationaux avant l’université. L’évaluation continue et individualisée est la norme.
• Portugal : A introduit un système de double chance au Bac : un candidat peut refaire une ou deux épreuves pour améliorer sa note sans redoubler.

Amérique latine
• Brésil : Les « épreuves de récupération » « recuperações » (rattrapages) sont intégrées au système, dès le secondaire. Elles permettent de corriger l’échec et d’ajuster les apprentissages.
• Mexique : Le contrôle continu est intégré dans le secondaire avec des plans de soutien ciblés pour les élèves fragiles.

IV. Recommandations concrètes pour la Guinée

1- Lancer une réforme progressive du système d’évaluation, en intégrant le contrôle continu dans les programmes dès le collège, avec une pondération raisonnable (exemple : 30 % au BEPC, 40 % au Bac).

2- Mettre en place des sessions de rattrapage réglementées, accessibles aux candidats ayant obtenu une moyenne proche de la réussite (exemple : 8 à 9,99/20).

3- Former les enseignants à une culture de l’évaluation diversifiée, non punitive, appuyée par des outils pédagogiques numériques.

4- Garantir la transparence et la fiabilité des résultats du contrôle continu grâce à un système centralisé (numérisation des notes, audits internes, recours en cas de litige). Cet aspect est un acquis du département, par le biais de la direction générale des services examens et contrôle scolaire pendant cette session ( 2025). Le cas du candidat malheureux, Monsieur Souleymane BAH du lycée/collège Elhadji Boubacar Biro DIALLO de matoto, est un exemple tangible et irréfutable, malgré que la forme fut peu commode.

5- Sensibiliser la communauté éducative (parents, élèves, enseignants, syndicats, partenaires techniques et financiers) à ces nouvelles pratiques pour éviter les résistances.

L’avenir de l’école guinéenne passe par une évaluation plus juste

Pour conclure, Réformer l’évaluation, ce n’est pas l’assouplir. C’est la rendre plus exigeante, plus humaine et plus intelligente. Le système actuel, fondé sur un examen final unique et sans rattrapage, est obsolète, inéquitable et inefficace. Insérer le contrôle continu et les sessions de rattrapage, c’est reconnaître que l’apprentissage est un processus long, fragile, parfois sinueux. C’est donner à chaque élève le droit de réussir autrement. C’est enfin construire une école de la confiance, de la persévérance et de la justice.

Lancinè Marcus DIOUBATE, étudiant en M2, sciences de l’éducation à l’Université de Tours
(France)
Chercheur associé au Réseau Panafricain pour l’Innovation Éducative

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