Franc guinéen: La rareté actuelle du cash de GNF dans les banques n’a rien à voir avec les dépenses hors budget de l’Etat 

il y a 3 heures 27
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Le débat économique autour de la crise de cash que connaissent les banques guinéennes suscite de nombreuses analyses. Certains estiment que les dépenses hors budget de l’État seraient à l’origine de cette rareté du cash. Une lecture que rejette une partie des observateurs, pour qui la réalité est plus complexe.

En effet, les dépenses hors budget constituent sans doute un facteur de déséquilibre économique : elles creusent le déficit, fragilisent la monnaie et nourrissent l’inflation. Elles installent un cercle vicieux qui va de la perte de confiance à l’augmentation de la pauvreté, en passant par une dépendance accrue vis-à-vis des bailleurs internationaux. Mais selon plusieurs spécialistes, ces effets, bien que réels, ne suffisent pas à expliquer la crise de liquidités qui touche actuellement le franc guinéen.

Contrairement à une crise de devises étrangères, la rareté de cash en GNF n’a pas de lien direct avec les dépenses hors budget. Le franc guinéen est une monnaie souveraine nationale, aucun autre pays ne l’utilise. Par conséquent, il ne peut pas y avoir une crise de cash de GNF provoquée par des dépenses non planifiées.

Un déséquilibre entre monnaie scripturale et liquidités physiques

Le problème se situe ailleurs. La Guinée ne manque pas de monnaie au sens comptable : les avoirs bancaires et électroniques existent. Mais le pays souffre d’un déséquilibre entre la monnaie scripturale et la disponibilité des billets physiques en circulation.

Trois facteurs principaux expliquent ce paradoxe :

(1)- Le poids de l’économie informelle : une large part des transactions échappe au circuit bancaire. L’argent circule dans les marchés et entre particuliers, mais ne revient pas dans les banques, créant une pénurie apparente de cash ;

(2)- La faible bancarisation et la méfiance : les citoyens préfèrent conserver leurs liquidités à domicile plutôt que de les déposer dans les institutions financières. Ce mécanisme est appelé par les Économistes : la thésaurisation. Beaucoup de Guinéens préfèrent garder leur argent chez eux (sous le matelas, en coffres privés) plutôt que dans les banques. Résultat : les banques disposent de peu de dépôts et donc de faibles liquidités ; et

(3)- La pression de l’inflation : même si ce facteur reste moins déterminant actuellement, la hausse des prix pousse les populations à retirer davantage d’argent pour couvrir leurs dépenses quotidiennes, accentuant la demande de cash.

Une crise à résoudre par la confiance et la digitalisation

La crise actuelle ne relève donc pas d’un problème budgétaire, mais d’un dysfonctionnement structurel du système financier. Pour y remédier, je suis de ceux là qui préconisent de renforcer la confiance dans les banques, d’encourager la bancarisation et de promouvoir la digitalisation progressive des paiements, afin de réduire la dépendance au cash.

Ibrahima Kalil KEITA

Économiste

DG des Projets Miniers

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