Édouard Zoutomou : “Pour sortir de la crise énergétique, il faut…”

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Dans cette interview, le vice-président de l’Alliance nationale pour l’alternance démocratique en Guinée (AND) pose le diagnostic du système énergétique guinéen. En plus de l’explosion du dépôt des hydrocarbures de Kaloum et le phénomène d’étiage au niveau des barrages hydroélectriques, Edouard Zoutomou Kpogomou estime que la crise actuelle est également le résultat des erreurs de gouvernance dans la mise en œuvre des projets énergétiques. Le leader politique propose des solutions pour sortir le pays de cette situation.

Guinee360.com : Quelles sont les raisons actuelles de la crise énergétique en Guinée ?
Dr Édouard Zoutomou : C’est une sorte de combinaison de facteurs. Vous savez on n’a pas encore la lisibilité sur ce qui est à l’origine de l’explosion du dépôt des hydrocarbures de Kaloum. À date, personne ne sait comment cela est arrivé. Et que faut-il faire pour éviter que cela ne se reproduise à l’avenir ? Il y a tellement de supputations autour, les uns et les autres parlent de tout. Certains disent, c’est un obus qui a été lancé sur le dépôt. Pour les autres, c’est un avion ou un drone qui a largué quelque chose. Il y a toutes ces spéculations.
Nous, nous pensons que quand on veut être transparent avec le peuple, il faut diligenter une enquête sérieuse qui va établir ce qui s’est passé afin que le peuple soit informé. Sinon beaucoup de gens ont pensé que c’est le gouvernement qui a préparé ces genres de choses pour pouvoir justifier le retard de la mise en œuvre des résolutions du cadre de dialogue.

Le Gouvernement evoque aussi le manque d’eau au niveau des barrages?

L’autre point de la crise énergétique, c’est le phénomène d’étiage. Les barrages hydroélectriques comme Kaléta, Souapiti et Garafiri, c’est le niveau d’eau qui va faire tourner les tribunes et produire l’électricité. Si c’est niveau est bas, naturellement, il n’y aura pas de courant. Mais ça aussi, il y a une question de gouvernance. C’est pourquoi, nous disons que les projets ne s’improvisent pas. Ils s’étudient minutieusement et s’exécutent dans un ordre. On avait pensé avec ces barrages qui se trouvent en cascade sur le fleuve Konkouré, les uns et les autres devraient être complémentaires, mais il y a un sens de mise en œuvre de ces ouvrages. Si vous faites le sens contraire, cela veut dire que vous êtes en train d’aller contre le principe de collecte des eaux qui peut alimenter les tribunes.
On a commencé par le barrage Garafiri qui est sur le point le plus bas. Or on aurait dû commencer au point le plus haut pour pouvoir canaliser les eaux pour ne pas qu’elles se dispersent. C’est comme si vous voulez barrer l’eau au point le plus bas elle va se disperser surtout si la morphologie du terrain s’y prête. Et quand vous perdez l’eau ça ne sera pas pour être récupéré.
Aujourd’hui, on n’a pas d’eau parce qu’on a inversé l’ordre dans lequel ces barrages-là auraient dû être faits. C’est cela qu’on ne veut pas dire aux Guinéens. C’est une réalité mais puisqu’on n’a pas le courage de dire la vérité, on est obligé de dire aux gens qu’il y a étiage. En réalité on a mal fait ce qu’on aurait dû bien faire, et cela a été une perte de temps et de ressources.

Est-ce qu’il y a une solution à cette crise ?

Il y a bien une solution mais elle ne viendra pas sans une grosse facture. Au temps du professeur Alpha Condé, il y avait un bateau qui ravitaillait le pays en électricité. C’est l’une des solutions.

Justement à ce niveau, le gouvernement a exclu cette option

Si c’est le cas, il faut vraiment serrer la ceinture, car cela voudrait dire jusqu’à ce que l’hivernage arrive et qu’on puisse remplir les réservoirs en eau, nous serons dans cette situation que nous connaissons tous. Je ne vois pas de solution magique à moins qu’on multiplie maintenant, les centrales thermiques partout en achetant des groupes électrogènes, mais ceux-ci ne sont pas la solution.
On l’avait dit dès le départ que la solution qui consistait à tromper les gens dès qu’on parle de crise énergétique, on envoie des gros groupes électrogènes à l’intérieur, que les premiers 3 à 4 mois ça allait marcher. Cependant dès qu’il y a nécessité de trouver des pièces de rechange c’est en ce moment que les problèmes vont commencer.

Qu’est-ce qu’il faut maintenant pour sortir le pays de l’obscurité ?

D’abord, on aurait dû encourager les micro-barrages. On a suffisamment de chutes d’eau. La Guinée a au moins 6 mille mégawatts de potentialités hydroélectriques. Ces micro-barrages ne coûtent pas aussi chers que les barrages tels que Garafiri et Souapiti. Avec ceci, il y a la possibilité de faire des interconnexions et résoudre le problème au niveau local. En même temps, on trouve les moyens nécessaires pour pouvoir faire des gros ouvrages, mais on a sauté sur ces gros ouvrages qui ne marchent pas correctement et on n’a plus de ressources pour faire les petits ouvrages qui auraient dû être fait partout dans le pays. Je crois que si on veut faire du sérieux c’est par là-bas qu’il faut aller. Il n’est pas tard, il faut expliquer ça clairement à la population. Nous ne sommes pas au bout du tunnel en ce qui concerne la crise énergétique.

Maintenant qu’on exclut le bateau à central énergétique, il faut que chacun cherche un groupe électrogène ou alors on peut trouver une solution palliative dans l’énergie solaire. Aujourd’hui, l’Aéroport international de Denver (USA) utilise les panneaux solaires pour fonctionner et faire fonctionner le train qui dessert l’aéroport. C’est faisable il suffit de rencontrer certaines entreprises, qui vont nous aider à installer temporairement des panneaux solaires pour pallier au gap actuel. Moi, je pense que si on le faisait, cela allait nous aider.

Est-ce que l’État guinéen a les moyens pour engager de tels travaux immédiatement ?

C’est une question de gouvernance. Si on n’avait pas déplacé les priorités, et si on était venu effectivement dans le cadre de la moralisation, au vrai sens du terme, la gestion économique du pays les les moyens étaient là. Les panneaux solaires ne coûtent pas trop chers autant qu’un barrage. C’est une fraction du coût d’un barrage de 50 mégawatts. La réalité est qu’il n’y a pas eu de suivi et d’efforts réels pour pouvoir moraliser la gestion économique du pays. C’est pourquoi, aujourd’hui, on dit qu’on n’a pas de moyens. Les moyens n’existent pas maintenant, cela ne veut pas dire qu’ils n’ont jamais existé. On aurait dû revisiter simplement les priorités dans l’action gouvernementale car gouverner c’est prévoir. Surtout avec cette canicule, on aurait dû penser du fait qu’il y a le réchauffement climatique, et penser à des solutions initiées et anticiper ces genres de problèmes. Comme ce n’est pas fait, il faut que l’on prenne courage parce que les moments seront très durs.

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