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La Guinée affiche désormais clairement son ambition de valoriser son potentiel minier sur la scène internationale. Ces dernières semaines, deux hauts responsables gouvernementaux se sont particulièrement distingués dans leur recherche d’investissements pour le secteur minier : Bouna Sylla, le ministre des Mines et de la Géologie, est intervenu au Center for Strategic and International Studies de Washington, tandis qu’Ismaël Nabé, le ministre du Plan et de la Coopération internationale, était en tournée en Australie, où il a présenté la Guinée comme « le pays le plus australien d’Afrique ».
À travers des panels minutieusement préparés, des conférences et des publications soignées sur LinkedIn, les ministres ont projeté l’image d’une Guinée moderne et dynamique, ouverte aux capitaux étrangers et stratégiquement positionnée le long de la chaîne d’approvisionnement mondiale en minerais critiques. Le message se veut clair : dans ce contexte de tensions géopolitiques, la Guinée entend apparaître comme un partenaire fiable, de même qu’une destination d’investissements sûre et prometteuse.
Pourtant, tandis que les ministres redoublent d’efforts à l’international, le pays est confronté à une vague de procédures d’arbitrage. En août, Axis Minerals a saisi la Cour fédérale du district sud de New York pour contraindre la Guinée à participer à un arbitrage, le pays n’ayant pas donné suite à la notification d’arbitrage de la société ni désigné d’arbitre. Le différend trouve son origine dans le retrait, en mai 2025, du permis d’exploitation de bauxite de l’entreprise. Une décision arrêtée par les autorités guinéennes sans explication publique ni communiqué officiel, renforçant l’image d’une gouvernance opaque.
En retirant son permis à Axis Minerals sans explication, le gouvernement n’a pas seulement ouvert la voie à un contentieux potentiellement coûteux ; il a aussi adressé un signal préoccupant aux marchés. Les investisseurs potentiels scrutent donc de près le traitement accordé aux opérateurs déjà installés dans le pays. Si un permis peut être soudainement révoqué, et ce sans explication, quelles garanties subsistent pour les nouveaux entrants ? Le dossier Axis Minerals pourrait bien en décourager plus d’un.
Ces dernières semaines, plusieurs acteurs majeurs du secteur, dont Guinea Alumina Corporation (GAC) et Falcon Energy Materials, ont également perdu leurs droits miniers et envisagent désormais des procédures d’arbitrages internationaux. GAC, qui s’est respectivement vu retirer sa convention de base et son permis en juillet et août, a dénoncé dans un communiqué « la suspension illégale de nos opérations depuis l’automne 2024 », tout en accusant le gouvernement guinéen d’une « expropriation illégale ». Falcon Energy Materials a également critiqué la révocation de son permis, la jugeant « illégale » et « en totale contradiction avec la législation minière guinéenne ». De son côté, la société australienne Arrow Minerals (cotée à l’ASX) a suspendu ses projets de Niagara Bauxite et de Simandou Nord Iron. À l’instar d’autres sociétés touchées par cette vague de révocations, l’entreprise affirme n’avoir reçu aucune notification formelle des autorités en ce sens.
Au total, les contentieux liés à ces projets pourraient représenter plusieurs milliards de dollars. Avec plus de 300 permis déjà révoqués, il ne s’agit peut-être que de la partie émergée de l’iceberg, d’autres acteurs miniers étant susceptibles d’emboîter le pas à Axis Minerals.
Le contraste est saisissant : à Washington, M. Sylla a présenté la Guinée comme un rempart face à la domination chinoise dans le domaine des minerais stratégiques ; en Australie, M. Nabé s’est employé à séduire des opérateurs miniers désireux de diversifier leurs activités. Or, dans le même temps, le gouvernement guinéen est précisément accusé de ne pas garantir l’État de droit, le respect des contrats et la sécurité juridique des investisseurs – autant d’engagements qu’il revendique pourtant sur la scène internationale.
En définitive, loin de consolider l’image de la Guinée, cette offensive médiatique internationale met en lumière les contradictions du pays. Plus les discours tenus à l’étranger se veulent ambitieux, plus le scepticisme s’accentue face aux pratiques du gouvernement.
L’enjeu majeur n’est aujourd’hui pas tant de savoir si la Guinée peut s’illustrer sur la scène internationale, mais bien de savoir si elle est en mesure de répondre aux exigences fondamentales : garantir la transparence des décisions, assurer le respect des contrats et aligner les engagements sur les actions. Ce n’est qu’alors qu’elle pourra pleinement valoriser son potentiel.
Moussa Diallo, Juriste, Paris