PLACEZ VOS PRODUITS ICI
CONTACTEZ [email protected]
Dans cette dernière partie de son entretien avec Guinéenews, Moussa Moise Diabaté, nous dépeint ses relations si naturelles dit-il, qu’elles soient, avec son frère cousin Sékouba Bambino Diabaté. A l’amorce de ses relations, ou la courroie de transmission, Sékouba Bambino était là, et l’a été, entre lui et son mentor, employeur de feu Ibrahima Sylla, ex-patron de la maison SYLLART PRODUCTION. Désigné manager, et représentant de cette grande maison de production en Guinée, de ses relations et collaborations avec feu Ibrahima Sylla, Moussa Moise Diabaté, nous parle de sa venue aussi au sein des Amazones de Guinée, avec l’appui inestimable de la maison Syllart Production, qui conduira à la production en 2005, de l’album ‘’Wa ma to’’. Une banale et longue histoire, a lié et croisé les destins de Moussa Moise et les Amazones de Guinée. Il en parle avec douleur au cœur, de ce parcours entremêlé de joie et de tristesse. Il rend hommage du coup, à ces grandes dames de la musique guinéenne, rappelées à Dieu, et loue leurs nombreuses contributions, en faveur de la culture guinéenne, au profit de la nation. La quête, ainsi que la formation des musiciennes, étant inscrites comme priorités dans les projets des Amazones de Guinée, Moussa Moise lance un appel pressant aux autorités, afin d’assurer la relève au sein des Amazones de Guinée.
Pour clore cet entretien, il livre sans langues de bois, son point de vue sur l’actuelle musique guinéenne.
Lisez !
Guinéenews : Revenons sur vos relations avec votre frère-cousin Sékouba ‘’Bambino’’ Diabaté. Vous aviez été son manager est-ce vous l’êtes encore, et dites-nous quand et comment tout cela est arrivé ?
Moussa Moise Diabaté : Tout est naturel entre moi et Sékouba ‘’Bambino’’. Comme d’habitude, je me suis toujours réservé d’aborder ce sujet. C’est une relation qui n’a ni date, ni jour à préciser. Au fait, tout me lie à Sékouba, et cela de tout temps, et à tout moment. Je ne veux pas trop m’aventurer sur ce sujet, ceux qui le savent, peuvent le témoigner. Qui parle de Sékouba, parle forcement de moi, et c’est réciproque. Je ne me réjouirai pas d’avoir fait quoi que ce soit avec lui, je dirai simplement, que nous sommes en train de faire de sorte que Sékouba soit toujours, ce porte-flambeau de la musique guinéenne de cette génération. C’est l’occasion de le dire, et c’est grâce à sa relation, que j’ai fait la connaissance de feu Ibrahima Sylla, ex-patron de la maison ‘’Syllart Production’’.
Guinéenews : Vous avez travaillé avec feu Ibrahima Sylla, et cette relation avec la maison‘’Syllart Production’’, constitue une étape très importante de votre parcours à l’international. Parlez-nous en ?
Moussa Moise Diabaté : Effectivement, j’ai été employé par feu Ibrahima Sylla pour un moment de ma carrière de manager. Voilà quelqu’un à qui, je dois tout. Je l’ai connu à travers Sékouba ‘’Bambino’’, il m’a aimé et adopté, pour ma qualité d’écoute, une écoute attentive, que je prêtais, sur tout ce qu’il proposait. Il a compris finalement, que je suis un autre adhérent, adepte de sa philosophie professionnelle. Feu Ibrahima Sylla m’avait accordé la primauté de l’écoute de plusieurs de ses produits, qu’il fignolait à Paris, avant même de les proposer aux différents distributeurs. J’avoue, qu’il a toujours accepté et validé mes propositions. C’est après cette franche collaboration, qu’il me choisira comme représentant de la maison ‘’Syllart Production’’ en Guinée.
Guinéenews : Peut-on connaitre quelques productions auxquelles, vous aviez participées en compagnie de ‘’Syllart Production’’ ?
Moussa Moise Diabaté : On a travaillé sur pas mal de produits. Si vous rappelez de l’album ‘’Mandénkalou’’, qui avait réuni une kyrielle de grands artistes mandingues, et il y avait eu avant même l’album ‘’les leaders de Guinée’’. C’est en 2005, que le véritable travail, ou la vraie collaboration a commencé avec feu Ibrahima Sylla, avec les Amazones de Guinée.
Guinéenews : Moussa Moise Diabaté et les Amazones de Guinée, c’est toute une banale et longue histoire. Dites-nous, comment ces deux destins se sont croisés, et ont pu générer toutes ces contributions en faveur de la culture guinéenne ?
Moussa Moise Diabaté : C’est à travers ma relation avec feu Ibrahima Sylla, et partant d’une longue réflexion, que la maison Syllart Production, s’est intéressée à ces grandes dames de la musique africaine de Guinée. J’avais remarqué qu’à la paillote, la carrière de ces dames, ne se limitait, qu’au nombre de séances de répétitions effectuées. Très jeune, je savais déjà, que c’était un ensemble, qui a marqué l’histoire de la musique guinéenne, et celle de l’armée guinéenne. Voir ces dames complètement par terre, était inacceptable, et il fallait trouver voies et moyens, pour faire face au problème des Amazones de Guinée. La proposition fut faite au patron de la maison, afin d’aider ces célèbres femmes, pour retrouver la scène perdue. Chose promise, chose faite. Les Amazones de Guinée ont été produites par Syllart production, malgré le doute qui avait été affiché au départ, suite à ma proposition. Cela pouvait se comprendre, après toutes ces propositions fantaisistes, que ces dames avaient connues auparavant. L’album ‘’ Wa ma to ‘’ de 11 titres, a été produit en 2005 par Syllart production. Je dois cette renaissance en 2005 des Amazones de Guinée, à mon feu patron Ibrahima Sylla. Il a fallu sa présence à Conakry, pour que ce doute soit anéanti, afin de finaliser le contrat. Je dois réellement à Ibrahima Sylla, et toute l’Afrique culturelle entière, doit à cet homme. Après la sortie de l’album en 2005, une tournée promotionnelle médiatique en France, a été trouvée pour les Amazones en 2007 par la maison Syllart Production.
Guinéenews : 19 ans en compagnie des Amazones de Guinée, beaucoup de décès enregistrés au sein de cette formation, un parcours entremêlés de joie et de tristesse. Qu’en es-tu aujourd’hui, du carnet de santé musical des Amazones de Guinée ?
Moussa Moise Diabaté : Je vais saisir l’occasion tout d’abord, pour m’incliner devant la mémoire de toutes celles qui nous ont quitté, et qui se sont saigné, pour que cette émancipation de la femme africaine soit une réalité, à travers l’orchestre les Amazones de Guinée. Elles sont nombreuses, et j’aborderai ici, le cas de la Reine feu Niépou Haba. Elle fut la première guitariste, chef d’orchestre des Amazones de Guinée, recrutée en 1961, et décédée le 3 avril 2004.
Guinéenews : le destin choisira cette date historique du 3 avril pour la Guinée, afin d’arracher à notre affection cette grande dame de la musique guinéenne, quelle coïncidence ?
Moussa Moise Diabaté : Oui, c’est comme si elle s’exprimait ainsi : ‘’ …Nous avions tout fait sous le drapeau, dans la tenue, et le 3 avril 2004, je m’en vais pour tout laisser…’’. Vous savez ce qui est pathétique pour le cas de la reine Niépou, c’est qu’elle est décédée sans enfanter, et ce qui me fait encore plus mal, est le fait que cela ne retienne l’attention de personne. Elle n‘est pas encore immortalisée, après tout ce qu’elle a donné à la Guinée, à l’Afrique, et au monde entier. Ce mal me ronge, et j’ai frappé à toutes les portes, et c’est comme si je suis en train encore de prêcher dans le désert. La Reine Niépou ne doit pas continuer à vivre dans l’anonymat, vu les énormes sacrifices qu’elle a consentis en compagnie des Amazones de Guinée, pour le bonheur, et l’honneur de la musique guinéenne. Pour la petite histoire, et je parle sous le contrôle de ceux qui connaissent mieux que moi, la dernière fois, le ministre de la défense rappelait le rôle que les Amazones ont joué pour réconcilier les présidents feu Oumar Bongo du Gabon, feu Mobutu Sésé Séko du Zaïre, feu Samuel Kanoé Doe, avec le président feu Ahmed Sékou Touré. Ces mêmes Amazones ont bien avant, contribué à travers des tournées, à couvrir les frais de formation des nouveaux jeunes cadres guinéens, dès après l’accession à l’indépendance, puisque la jeune République de Guinée était confrontée à d’énormes difficultés financières. De la reconnaissance envers ces pionnières de la musique guinéenne, est un devoir qui doit incomber tous les guinéens.
Guinéenews : En clair, peut-on connaitre depuis votre arrivée, l’évolution qu’a connue cette formation des Amazones jusqu’à nos jours ?
Moussa Moise Diabaté : La fierté que j’ai aujourd’hui, c’est que depuis mon arrivée en 2005, au sein de cette formation, qui vivait sous perfusion, il y a eu des avancées notables dans l’évolution de l’orchestre. Trois ans après, et pour tous ses efforts fournis, ma reconnaissance va à l’endroit du général Mamadou Baldé, à l’époque capitaine en formation à Haïti, qui avait suivi cette tournée promotionnelle des Amazones à Paris. Arrivé à Conakry, et nommé au poste de chef d’état-major de la gendarmerie nationale, je me dois le devoir moral, de reconnaitre la contribution de cet officier, au soutien de cette formation féminine de la gendarmerie nationale. J’ai effectué plusieurs autres tournées en compagnie des Amazones de Guinée, notamment à Cotonou en 2008, à l’Institut français à Bamako, où nous avions eu l’opportunité de rencontrer le président Amadou Toumany Touré. A la même année, nous avions participé au festival sur le Niger à Ségou, nous avions participé aussi au plus grand festival des marchés des spectacles à Séville (Espagne) en 2008, nous étions à Cuba en 2014, Ouagadougou en 2018, et à Brazzaville en 2013. C’est d’ailleurs à cette occasion, que le Général Idi Amine, alors directeur de cabinet du ministère de la défense nationale, avait doté les Amazones d’accoutrements dignes de nom. Parlant du carnet de santé musical de cette formation, après la sortie de l’album ‘’Wa mato’’ en 2005, et vu la disparition progressive de ces maisons de production, et la tendance actuelle pour la réalisation de singles, les Amazones de Guinée, ont produit plusieurs singles : ‘’la paix’’ (2012-2013), ‘’Fondation PROSMI’’ (2012-2013), et récemment ‘’La Douane’’ (2024), single dans lequel, elles ont rendu hommage à la douane guinéenne. La dernière participation des Amazones aux rencontres internationales date du mois d’aout 2024, au festival international de musique militaire en Russie. Ce festival a connu la participation de 9 pays, dont 3 pays africains : l’Afrique du Sud, l’Egypte et la Guinée. Je ne pourrais vous dire, tout l’honneur que notre pays a eu à ce festival, à travers la participation toute particulière des Amazones de Guinée. La particularité a été que seule la Guinée a présenté à ce festival, un orchestre féminin tradi-moderne, qui a fait la fierté de l’Afrique, de la femme africaine. Tous les 8 autres pays, étaient venus avec de la musique fanfare, à l’exception de la Guinée, qui a présenté des femmes jouant aux sections guitare, cuivre, rythmique et aux instruments traditionnels du pays. Aux alentours de la place rouge, le public n’attendait que les prestations des Amazones de Guinée. Alors quand vous sortez ragaillardis d’une telle participation à l’échelle internationale, au-delà de la politique, de l’économie, au-delà de tout ce que nous avons, et qui ne nous rapporte rien, nous devons soutenir notre culture. C’est la culture qui peut mieux vendre la Guinée, lier les peuples et contrarier les différends.
Guinéenews : En année 2024, les Amazones de Guinée étaient absentes des festivités du 66ème anniversaire de l’indépendance de la Guinée. Inattendu dit-on à l’accoutumée, peut-on connaitre les raisons de cette absence ?
Moussa Moise Diabaté : Je ne peux que vous reposez cette question, puisque vraiment, je ne faisais pas partie d’une quelconque commission d’organisation de cette fête de l’indépendance. Tout ce que je sais, je m’attendais à la programmation pas seulement des Amazones, mais de tous ces grands ensembles, qui ont soutenus l’indépendance guinéenne. 66 ans après l’indépendance, tous ces ensembles avaient leurs places à cette fête. Reconnaissons que les Amazones constituent la seule denrée que nous pouvons vendre aujourd’hui, que les autres n’en ont pas. Quand toutes les armées vont se donner rendez-vous, la Guinée viendra avec les Amazones. Quand il s’agira de réunir toutes les femmes du monde entier, les Amazones feront l’exception, et quand c’est toutes les musiques du monde, ces femmes gendarmes musiciennes auront leurs mots à dire. Pourquoi ne pas valoriser de tels acquis, et surtout à des occasions aussi exceptionnelles.
Guinéenews : Quels sont vos projets actuels en compagnie des Amazones de Guinée ?
Moussa Moise Diabaté : Nous donnons tous priorité au sein des Amazones, au recrutement pour préparer la relève. Et nous tenons à ce que cet aspect soit pressant.
Guinéenews : Ce qui dit que vous êtes présentement en phase de formation des musiciennes ?
Moussa Moise Diabaté : Non ! En phase de la quête de musiciennes. Parce que, il faut que l’autorité accepte d’en faire une priorité. C’est un groupe féminin de gendarmes, appelé à respecter les principes du foyer, la vieillesse, et la retraite va s’en suivre dans tous les cas. Si cet aspect n’est pas revu de sitôt, un jour on se retrouvera sans personnel. Ce recrutement doit se faire avec le maximum de rigueur, sur la base de sérieux critères, qui doivent permettre à ces musiciennes, d’être plus ou moins indépendantes dans leurs propres gestions et prises en charges. Les filles doivent pouvoir défendre le peu qu’elles font, sans une aide de qui que ce soit. Leurs propres messages seraient plus poignants, et plus accessibles. Pour l’instant, les Amazones de Guinée ont bel et bien repris, et l’encadrement technique est toujours à pied d’œuvre, pour assister ces musiciennes, qui sont prêtes aussi, à servir la nation.
Guinéenews : Pour clore cet entretien, voulez-vous nous livrer votre point de vue sur l’actuelle musique guinéenne dans sa généralité ?
Moussa Moise Diabaté : Je ne tournerai pas en rond, et il faut oser dire la vérité, et en cela, c’est que les jeunes arrivent à faire ce qu’ils peuvent faire, et non, ce qu’ils doivent réellement faire. A l’analyse, ils restent beaucoup à faire, bien que plusieurs d’entre eux se démarquent, et parviennent à satisfaire à travers leurs musiques. L’essentiel de cette génération est comme s’ils sont sans repères. Quand tu dois faire de la musique, on doit voir l’image du pays à travers ce que tu fais. Les notes de musique doivent refléter l’identité culturelle, et il est nécessaire d’en tenir compte dans l’élaboration de nos musiques. Revenons donc à la source, la nouvelle technologie, les boites à rythmes, les synthétiseurs et autres doivent être des machines additives, qui viennent compléter ou appuyer les autres instruments modernes ou traditionnels. Nos instruments traditionnels, représentent nos sensibilités, nos valeurs culturelles. Les jeunes ont du talent, qui ne suffit pas à lui seul. Ils doivent approcher les ainés, comme cela se passait avant. Nos ainés ne sont pas tous allés à l’école de la musique, mais ce qu’ils ont produit, résiste aujourd’hui 50 à 60 ans après. Le catalogue Syli phone aujourd’hui fait la fierté de la musique guinéenne. Pourquoi, l’on ne peut pas s’en inspirer ? Donc aux jeunes, je conseillerai de venir apprendre auprès des anciens, qui sont encore là et apte à léguer leurs connaissances, bien qu’ils ne sont plus nombreux, et paix aux âmes des disparus.
Lire la première partie
Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews