Amendement de l’article 36 de Statuts de la BCRG : l’analyse de l’économiste Safayiou Diallo

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Réuni en plénière, le 24 avril 2024, le Cosneil national de la transition (CNT) ont amendé l’article 36 des Statuts de la BCRG. Que dit ce texte ? Dans quelles contextes la Banque centrale peut accorder des avances à l’Etat ? Quels sont les impacts économiques ? Cela risque d’entraîner une baisse de la valeur du cours du Francs guinéens (GNF) par rapport aux devises ? Tant des questions auxquelles répond l’économiste Safayiou Diallo. Interview !

Guinee360.com: Le CNT a amendé le projet l’article 36 des Statuts de la BCRG. Que dit cette loi?

Safayiou Diallo: L’article 36 des Statuts de la BCRG indique les conditions dans lesquelles la Banque Centrale doit accorder des avances à l’Etat. Il ne faudrait pas perdre de vue que l’Etat est représentée par le Ministère des Finances à travers le département du Trésor public qui a un compte bancaire ouvert à la Banque centrale. Ce sont les Statuts de 2014 qui ont apporté cette modification sur cette problématique. Avant 2014, l’Etat accordait 20% des recettes fiscales de l’année N-1 à l’Etat en cas de difficulté budgétaire. Mais avec les différentes réformes, il y a eu une révision des textes et l’article 36 a été désigné pour la circonstance afin d’expliquer dans quelle mesure, la Banque centrale pourrait avancer de l’argent à l’Etat.

Cet article 36 dit simplement que la Banque centrale ne peut accorder à l’Etat, tout concours confondu, que seulement 5% de la moyenne annuelle des recettes publiques ordinaires des trois derniers exercices financiers précédents l’année en cours pour lesquelles les comptes publics sont disponibles.

Cela veut dire tout simplement que la Banque centrale ne doit en aucun cas dépasser les 5% de la moyenne annuelle des recettes publiques ordinaires des trois dernières années. C’est seulement ces 5% que la Banque centrale doit accorder à l’Etat sous forme de prêt remboursable dans un délai de 92 jours. Partant de cela, il y a un certain nombre des dispositions qui sont prises dans d’autres lois notamment le règlement de gestion budgétaire qui rappelle également que l’Etat ne peut obtenir de concours vis-à-vis de la Banque centrale de façon directe ou indirecte sauf si ce dernier est affecté dans son mode de fonctionnement.

En ce moment, pour lui permettre de fonctionner de manière journalière, la Banque centrale peut lui accorder des avances. Comme rappelé dans le rapport du CNT également l’article 72 de la loi des finances rectificative de 2023 indique également qu’on ne doit accorder ni de façon directe, ni indirecte à l’Etat mais également aux organismes publics des concours.

Cela prouve suffisamment qu’il y a un certain nombre des dispositions qui encadrent les textes de telle sorte que l’Etat ne bénéficie pas tellement de concours de la part de la Banque centrale en cas de dérapage budgétaire.

Dans quels contextes la BCRG peut accorder des avances à l’Etat ?

Ce qu’il faut noter à ce niveau, c’est pratiquement lorsque l’Etat se retrouve dans une situation difficile telle que les situations des déficits budgétaires qui correspondent à l’excès de dépense sur les recettes publiques et que ces déficits soient un peu élevés et pour lesquels ils n’ont pas d’autres sources de financement alternatives qu’ils recourent à l’emprunt.

A noter que les sources de financement de déficit qui sont reconnues dans les standards internationaux sont entre autres : la planche à billet que la plupart des Etats ou des institutions internationales ne recommandent pas car source d’inflation, l’augmentation des recettes publiques (mal perçu dans un contexte de ralentissement de l’activité économique) et enfin l’emprunt. Mais vu qu’on est en phase de transition, il est assez difficile de contracter certaines formes d’endettement, c’est pourquoi, on utilise les moyens du bord. Ce sont les difficultés auxquelles on est confronté en matière de captation des recettes publiques (taux de pression de moins de 15%) qui le pousse parfois à recourir à ces pratiques.

De plus, ces derniers temps, l’État a beaucoup investi sur des projets non rentables à court terme notamment les routes pour lesquelles l’amortissement se passe à très long terme. C’est toutes ces raisons qui font, à mon avis, que l’Etat se retrouve dans le besoin. Donc, on essaie de procéder à la révision de certains textes pour se conformer à la réglementation édictée par la CEDEAO qui n’autorise ses Etats membres à ne pas dépasser le seuil de 10% des recettes fiscales de l’années N-1.

Est-ce que cela présage un endettement de l’Etat ?

Je ne pense pas qu’il y ait un endettement pour un départ car, je ne sais pas si c’est juste un besoin de financement immédiat ou si c’est pour préparer le futur compte tenu du fait qu’il faudrait savoir qu’il est conseillé de creuser Un déficit budgétaire, mais ne devant pas excéder 3% pour ne pas se retrouver dans de situations difficiles. C’est ce qui est pratiqué dans la plupart des pays intégrés sur le plan économique ou monétaire.

Je pense plutôt que c’est une façon de préparer le futur parce qu’il y aurait probablement des besoins d’emprunts sous peu. Je pense qu’ils sont en train de réviser cet article 36 des Statuts de la BCRG pour essayer de se conformer à la norme CEDEAO afin d’obtenir plus de fonds lorsque le besoin sera là.

Quel sera l’impact économique ?

A mon avis, cela aura un impact économique considérable. Vous n’êtes pas sans savoir que tout récemment l’Etat a émis des obligations de trésors à travers lesquelles ils ont empruntés GNF 5000 milliards appartenant aux banques commerciales qui dormaient dans les comptes de la BCRG. Par ailleurs, la Banque centrale peut certes faire des avances à l’Etat, mais à mon humble avis, notre État devrait se battre pour créer les voies et moyens afin qu’on parvienne à un développement durable tout en levant des fonds sur d’autres marchés afin d’éviter d’asphyxier le système bancaire. Surtout que cet argent n’appartient pas à la Banque centrale, mais plutôt à la population pratiquement.

A force de le faire, on risque de créer ce que les économistes appellent l’effet d’éviction qui est observé lorsqu’on arrive à évincer le secteur privé qui est pourvoyeur d’emplois par de demandes fonds abusives de la part de l’Etat. La Banque centrale n’a pas pour vocation de financer de projets de l’Etat. Son rôle c’est plutôt la stabilité du système financier à travers la lutte contre l’inflation quoi qu’on pourrait lui rajouter d’autres objectifs.

A travers de telles avances à l’Etat, le secteur privé sera confronté à d’énormes difficultés surtout qu’ils ont demandé une rallonge du délai de 92 jours à 180 jours et qu’on fasse en sorte que le taux d’intérêt auquel l’Etat emprunte soit inférieur au taux d’intérêt directeur donc, appliqué vis à vis des banques en cas de refinancement. Si l’on continue sur cette tendance, on risque de nuire à la tendance observée dans le cadre de la maitrise du taux d’inflation et cela anéantira tous les efforts fournis par la Banque centrale à ce niveau.

L’amendement de l’article 36 peut-il entraîner une baisse de la valeur du cours du GNF par rapport aux devises ?

C’est possible parce que la modification de cet article va entraîner des avances vis-à-vis de l’Etat qui va utiliser cet argent pour faire face aux grands travaux qu’il va entreprendre. Naturellement, cela va entraîner l’accroissement de l’offre de la monnaie dans la circulation. Lorsque l’offre de monnaie s’accroît dans une économie comme la nôtre, il va s’en dire forcément que le taux d’inflation va s’aligner même si l’essentiel de l’inflation que nous connaissons en Guinée est importée à mon avis. Lorsque l’inflation augmente, le taux de change risque d’augmenter étant donné la relation de causalité positive et significative entre les deux (2) variables macroéconomiques.

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