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Le 02 octobre 1958, naissait la République de Guinée après le vote massif en faveur du « NON » au référendum constitutionnel Gaulliste du 28 septembre de la même année.
66 ans après, que de chemins parcourus avec des hauts et bas ! Mais, l’acquis fondamental inébranlable ou non ébranlé à ce jour est que les Guinéens restent toujours seuls Maîtres de leur destin.
Dans les années 1950, j’étais très jeune pour avoir un souvenir précis ou une conscience claire des circonstances de l’accession de notre pays, la Guinée française d’alors, à la pleine souveraineté, le 02 octobre 1958.
Je me souviens vaguement de quelques affrontements épiques entre les deux grandes formations politiques qui dominaient la vie politique à Siguiri, une situation qui a prévalu jusqu’à la veille du référendum, période au cours de laquelle une d’entre elles a pris le dessus en fédérant toutes les autres en faveur du « NON » au référendum constitutionnel Gaulliste du 28 septembre 1958.
A rappeler que la Guinée (les Rivières du Sud), après une longue éclipse imposée dès 1891, devint en 1904 un territoire Français, puis accéda au statut de territoire d’outre-mer en 1946 jusqu’à l’indépendance en 1958.
Il est important de rappeler également que la domination de notre pays par la France n’a été effective qu’après la difficile défaite des résistants Guinéens qui, du nord au sud, de l’est à l’ouest, ont opposé une farouche résistance à la pénétration coloniale, plus que dans tous les autres territoires dits Pays de l’Afrique Occidentale Française (AOF) ou Afrique de l’ouest. Parmi eux, on peut citer l’Almamy Samory Touré, Zebela Togba, Dina Salifou, Alpha Yaya Diallo, Almamy Bocar Biro Barry etc.
Ainsi, au regard de cette résistance héroïque, il n’était guère surprenant que les Guinéens, en 1958, se soient massivement mobilisés pour voter « NON » au référendum du Général de Gaulle. En effet, la population de la Guinée Française préférait l’indépendance immédiate à la proposition d’association communautaire avec la métropole, perçue comme néocolonialiste.
Après le vote historique du 28 septembre, la France n’eut d’autre choix que d’octroyer l’indépendance, conformément à l’engagement solennel public du Général Charles de Gaulle annoncé le 25 août 1958, lors de son passage à Conakry. Mais, dès après son accession à l’indépendance, devenue effective le 2 octobre 1958, le nouvel État fut fortement boycotté par les colons présents en Guinée à cette époque.
Avant leur départ définitif, les colons se sont livrés à des destructions et dégradations des biens et équipements qu’ils ne pouvaient emporter, laissant ainsi exsangue et démunie la jeune nation qui venait de naître brutalement à la souveraineté nationale et internationale, le 2 octobre 1958, le seul territoire parmi les huit colonies de l’AOF et les trois de l’AEF à prendre cette décision.
C’est dans ces conditions proches du chaos que les dirigeants de la Guinée indépendante ont pris leurs responsabilités historiques face au peuple de Guinée et face à la communauté internationale. Dès le départ, la situation Guinéenne a suscité une grande sympathie au sein de la communauté internationale. Un immense courant de solidarité internationale fut mis en place pour suppléer au chaos et relancer l’administration et l’économie.
Il faut souligner que le contexte international de l’époque était marqué par l’existence de deux blocs antagonistes : le bloc des pays dits socialistes ou communistes, comprenant l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) et ses pays satellites de l’Europe de l’est ainsi que par d’autres nations comme la République Populaire de Chine, la République Démocratique de Corée, le Cuba; et le bloc des pays capitalistes ou occidentaux, avec à leur tête les États-Unis qui ont accueilli l’indépendance Guinéenne sans enthousiasme ni hostilité.
Certains soutiendront plus tard ou comprendront les manœuvres déstabilisatrices que la France a orchestrées contre la jeune République de Guinée jusqu’à la fin du règne du sinistre Jacques Foccart, dont toute la vie politique a été dédiée aux tentatives de déstabilisation de la Guinée sous les instructions de ses chefs, que furent le Général de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing (dans une moindre mesure) et aussi Jacques Chirac, gaulliste de la première heure.
Si, face à tant d’animosités, la Guinée indépendante, grâce au courage et à la détermination de ses dirigeants, a pu résister aux assauts impérialistes de déstabilisation, elle le doit aussi à l’appui inconditionnel et désintéressé du bloc de l’Est, notamment de l’URSS et de la Chine. Ces pays ont, dès le lendemain de l’indépendance, apporté d’énormes soutiens sous forme de services, de biens, de réalisations industrielles, d’aide militaire, ainsi que de techniciens et de professeurs qui ont largement contribué à la survie du jeune État.
En plus de ces appuis multiformes, la Guinée a également bénéficié d’un fort élan de solidarité des intellectuels africains, européens et américains, dont beaucoup sont venus spontanément se mettre au service de la jeune nation.
Quel bilan peut-on dresser du règne des dirigeants de la Première République de Guinée, de 1958 à son effondrement en avril 1984 ?
De nombreux éléments immatériels et matériels sont à l’actif et au passif, et de nombreuses actions ont été réalisées durant cette période.
À l’actif, sans occulter le lourd passif, les dirigeants du jeune État ont accompli, dans des conditions difficiles, des actions portant sur des éléments clés ayant permis à la Guinée de se constituer et de s’affirmer en tant que nation indépendante et souveraine.
Au plan immatériel, on peut ainsi mentionner :
– La mise en place des attributs de souveraineté de l’État dans l’urgence et la réorganisation de l’administration, dont la création de l’armée Guinéenne dès le 1er novembre 1960.
– La mise en place d’une diplomatie indépendante afin de faire connaître la Guinée et d’assurer son rayonnement et celui de son immense patrimoine culturel dans le monde.
Dans ce cadre, des missions et représentations diplomatiques ont été envoyées auprès de certains pays et organisations. L’admission aux Nations Unies dès le 12 décembre 1958 fut l’une des premières victoires diplomatiques, à peine deux mois après l’indépendance. Elle est intervenue à la suite d’une résolution du Conseil de sécurité prise presque à l’unanimité, à l’exception de la France qui s’était abstenue.
– L’émission d’une monnaie nationale face au retrait progressif et sournois du CFA en Guinée par l’ancienne puissance coloniale.
– La promotion de l’égalité et l’abolition de toutes les formes de discrimination.
Ces dispositifs immatériels seront affinés, consolidés et complétés durant toute la période.
Sur le plan matériel, on note :
– La création des bases d’une économie nationale axée fondamentalement sur la satisfaction des besoins des populations.
– L’élaboration du premier plan de développement, le plan triennal 1960-1963, dont l’objectif principal était la décolonisation des structures de l’économie Guinéenne, sous la direction de Samir Amin, économiste égyptien établi à Paris. Ce plan, suivi d’autres, a permis à la Guinée de se doter, avec l’appui des pays amis, d’un tissu industriel diversifié.
– La création de nombreuses entreprises commerciales, industrielles et de services comme Air Guinée, ainsi que des entreprises minières en vue d’exploiter les fabuleuses ressources minières au profit du bien-être du peuple Guinéen.
– La construction d’établissements scolaires, universitaires et d’enseignement technique pour répondre aux besoins des industries naissantes, avec une priorité à l’enseignement de masse et à l’alphabétisation pour combattre l’analphabétisme en Guinée, qui touchait plus de 85 % de la population au moment de l’indépendance.
– Le développement des infrastructures et des équipements, tels que les barrages hydroélectriques (Dabola, Kinkon, Pita, Donkeya, Kindia), ainsi que l’importation d’équipements pour l’agriculture et la pêche, afin de répondre aux besoins d’autosuffisance alimentaire des populations.
– La création d’un Parc industriel comme l’usine des tabacs et allumettes (ENTA), l’imprimerie Patrice lumumba (la plus grande à l’époque de l’Afrique), l’huilerie de Kassa, l’usine des meubles de Sonfonia, l’usine de chaussures du Camp Alpha Yaya, la Taneriede Matoto, l’huilerie de Dabola, l’usine de thé de Macenta, la sucrerie de Koba, l’usine céramique de Matoto, l’huilerie de Mamou, l’usine d’outillages agricoles de Mamou, l’usine de jus de fruits de Maferinya et celle de Kankan, la briqueterie de Kankan et d’autres pour satisfaire les besoins des populations Guinéennes.
Ces actions multiples et diversifiées ont propulsé la Guinée sur la scène internationale, à l’avant-garde du combat pour la libération des peuples sous domination, auquel son indépendance était dédiée.
La Première République, malgré une excellente organisation politique et sociale, a également à son compte des passifs.
En effet, bien que jamais élucidés à ce jour pour réellement situer les responsabilités des uns et des autres, certains de ces passifs sont encore évoqués aujourd’hui pour contrarier ou ternir l’image et la réputation des dirigeants de la Première République. Parmi eux, on peut citer les complots, la radicalisation de la révolution ou la révolution culturelle socialiste, ainsi que des lois spécifiques qui ont provoqué des malaises politiques et sociaux.
Toutefois, outre le mérite historique du combat politique mené par le Président Ahmed Sékou Touré et ses compagnons pour l’indépendance, on retiendra que le premier régime a affirmé et défendu la souveraineté internationale de la Guinée, créé et posé les bases d’un État moderne, conféré un caractère sacré aux biens publics en moralisation la gestion des affaires et des ressources du pays à tous les niveaux, fait le rayonnement international de la Guinée, œuvré à la construction de l’unité Africaine, contribué à la libération et à l’émancipation de l’Afrique et des peuples opprimés du tiers monde de l’époque.
Ces actions multiples et diversifiées avaient propulsé la Guinée.
Avec la deuxième République, celle allant du 3 avril 1984 au 22 décembre 2008, la Guinée adopte une politique libérale avec le Président Lansana Conté. Ce changement de régime et d’orientation politique a produit également des résultats avec des acquis et des passifs multiples durant les 25 ans de pouvoir du CMRN et du PUP.
Après 2 ans de parenthèse militaire allant de décembre 2008 à décembre 2008 ( avec le Capitaine Moussa Dadis Camara et le Général Sekouba Konaté) marquée par les événements tragiques du 28 septembre 2009 et leretour à l’ordre constitutionnel par l’organisation de l’élection présidentielle de juin et novembre 2010, l’opposant historique, le Président du RPG, Alpha Condé accède à la magistrature suprême.
Ce retour à l’ordre constitutionnel normal réhabilite la Guinée dans les institutions internationales et restaureson image sur la scène internationale et permet à notre pays, à travers le Président Alpha Condé, de présider pour la première fois l’union Africaine.
Des investissements dans le domaine énergétique et minier et l’amélioration des édifices des administrations déconcentrées ont été également des acquis des 11 ans de présidence du Président Alpha Condé. Mais, le grandgâchis économique de cette présidence a été sonimpardonnable refus de laisser construire le chemin de fer Conakry – Kerouané.
Le Président Alpha Condé porte la responsabilité historique d’avoir mis un frein à la réhabilitation de cette ligne de chemin de fer économiquement et socialement viable pour la Guinée et les Guinéens après avoir procédé à la cérémonie de pause de la première pierre avec le Président Lula du Brésil.
C’était d’autant regrettable que ce projet avait été déjà négocié et acquis avant son élection et ne coutait rien à la Guinée
La modification constitutionnelle pour s’octroyer un 3ème mandat de trop aura été l’une de raisons qui ont amené l’armée à mettre fin à son règne émaillé de nombreux manquements au droit de l’homme et à la bonne gouvernance.
Même s’il n’est pas forcément la cause ou la raison, cette volonté de confiscation a malheureusement permis la remise en cause de l’ordre constitutionnel avec le coup d’état du 05 septembre 2021.
En définitive, la Guinée est toujours là et l’un des plus grands héritages des acquis de l’indépendance sinon le plus grand mérite historique indélébile est le droit totaldes Guinéens à disposer d’eux-mêmes, définir eux-mêmes la destinée de leur Nation ; ça c’est une grande fierté qui n’a pas de prix.
Le régime du CNRD, dans la phase transitoire actuelle, devrait pouvoir réfléchir, pour la Nation de demain, sur la promotion de tous les actifs hérités depuis le 02 octobre 1958 et proscrire tous les passifs.
Ambassadeur Djigui Camara, ancien Ministre de la Coopération internationale
L’article 2 octobre 1958-2 octobre 2024- Le Grand mérite indélébile de la souveraineté avec ses acquis et passifs est apparu en premier sur Mediaguinee.com.