PLACEZ VOS PRODUITS ICI
CONTACTEZ [email protected]
Par rapport à la prochaine coupe d’Afrique des Nations en Côte d’Ivoire, je suis convaincu qu’il n y a pas de ‘’poule de la mort’’. Toutes les poules se valent, et tous les pays qui se retrouvent là, à cette phase de la compétition sont méritants. Je conseillerai à tous les guinéens d’encourager le staff technique, nos joueurs, pour qu’ils puissent donner le meilleur d’eux-mêmes. Nos footballeurs sont talentueux et certes qu’ils ne sont pas comme Petit Sory, Chérif Souleymane et autres grandes gloires du football guinéen. Il faut qu’ils mouillent le maillot, car le public guinéen est sportif. Ces jeunes joueurs doivent respecter notre hymne national, qu’on ne joue pas pour n’importe qui. Bon courage à nos jeunes et je suis certain que la victoire sera au bout de leurs souliers.
Guinéenews : M. Kalva, si vous me permettez, je voudrais bien que nous revenions sur cette autre douloureuse histoire du football guinéen, le Mouloudia d’Alger, pour être plus précis. Racontez-nous les couloirs de cette mésaventure du Hafia FC contre ce club Algérien ?
Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : l’année 1976, a été une page sombre de l’histoire du football guinéen. Le Syli national venait de perdre au mois de mars la coupe d’Afrique des nations. J’avoue que c’est dès au départ, au stade du 28 septembre, que les Algériens avaient commencé à gâcher le rythme du match aller de cette finale tant attendue. Vous savez que les maghrébins sont reconnus pour leurs astuces sur le terrain. Ils ont le don de faire perdre du temps. Malgré cela, le Mouloudia d’Alger fut battu sur le score de 3-0.
Le match de préparation pour le retour, fut effectué à Tunis. Arrivé à Alger, nous avions rencontré des difficultés de tous ordres. Le public algérien était déchainé contre la délégation guinéenne. Dès notre apparition sur le terrain, nous avions été accueillis par des projectiles venant de tous les côtés. Ils ont commencé à nous lapider proprement. Pour preuve, notre secrétaire général de la fédération d’alors, feu Aboubacar Barate Camara avait reçu un projectile sur le visage qui lui a ouvert l’arcade sourcilière. Malgré ce fait regrettable, il fallait jouer le match pour éviter le forfait. Finalement, c’est au cours de l’épreuve des tirs aux buts que le Hafia s’est vu éloigné de ce sacre. Nous avons été battus 3-0. On peut bien dire que 1976 est l’année au cours de laquelle, nous avons perdu deux coupes aux mois de mars et décembre.
Guinéenews : il parait que cette défaite a failli vous coûter cher à votre retour ?
Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : non, cela n’a pas failli nous coûter cher. Dès notre retour d’Alger, les responsables d’alors avaient répondu aux différents actes posés. Quant à nous les acteurs, nous avons été entendus sur papier et dans l’anonymat, sur tout ce qui s’était passé à Alger.
Guinéenews : est-ce vrai, que quelques-uns d’entre vous ont été menacés après cette défaite ?
Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : oui et si j’ai bonne mémoire, il y a feu Bernard Sylla le gardien de but, qui fut retenu pour quelques temps et je ne me rappelle plus, s’il y a eu d’autres.
Guinéenews : excusez moi d’insister, mais le cas de Ibrahima Sory Keita ‘’ Petit Sory’’ ne vous revient-il pas en mémoire ? Ne fut-il pas embêté à votre retour d’Alger ?
Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : oh, que si ! Vous avez raison. Je me rappelle que deux jours après notre arrivée, nous avions tous été invités au palais du peuple par le BPN (Bureau Politique National) avec à sa tête, bien entendu, le responsable suprême de la révolution. Je crois que Petit Sory avait reçu des recommandations expresses de feu le Président Ahmed Sékou Touré qu’il ne nous a pas transmis. Parmi ces recommandations, a rappelé le Président, lors de cette rencontre, il avait demandé de mettre toujours la balle à terre car, selon ses observations, les attaquants jouaient beaucoup plus en l’air. Sa deuxième recommandation était de dire au gardien feu Bernard Sylla, qu’il était faible du côté gauche et tous les 3 buts du Mouloudia, sont effectivement venus de ce côté. Le président avait interpellé Petit Sory pour savoir s’il avait transmis ces instructions. C’est alors, qu’à la surprise générale, celui-ci a dit non ! C’est ce qui s’était passé au palais du peuple devant tout le monde. Quant à dire qu’il a été embêté après, franchement, je n’en sais rien.
Guinéenews : peut-on vraiment dire que le président Ahmed Sékou Touré était un coach accompli ?
Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : dire que c’était un coach, c’est peu dire. A mon avis, il avait suivi de près l’équipe, il avait fait des remarques, il a révélé les faiblesses de l’équipe qu’il a signalé au capitaine, et qui ne les a pas transmis au groupe. Bref, ce fut le fiasco à Alger et au retour, ce qui devait arriver, arriva.
Guinéenews : toujours constant dans l’axe central de la défense du Hafia FC et du Syli national, en compagnie de feu Soumah Soriba Edenté (paix à son âme) et bien d’autres défenseurs au même poste. Que retenez vous précisément de ce valeureux capitaine?
Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : d’abord, je vais commencer par ces tournois vécus avec lui au Sénégal avec l’équipe fédérale de Conakry 2. Nous avions fait plaisir au peuple sénégalais et nous avions hissé le drapeau guinéen au plus haut niveau entre 1965 et 1968. Je retiens qu’avec feu Soumah Soriba ‘’Edenté’’ (paix à son âme), j’ai tiré beaucoup d’enseignements. C’est avec lui que j’ai appris les tacles glissés : s’élancer, détendre la jambe en avant, pendant qu’on plie l’autre au plus bas, se laisser glisser et retirer le ballon à l’adversaire, sans commettre une faute quelconque. Un jour, j’ai voulu appliquer cette technique sur un terrain sans gazon, et je me suis retrouvé, pardon … les fesses en lambeaux ! C’est ce jour que je lui ai dit « Edenté, ton affaire là, tu vas garder ça pour toi. Ce talent va rester à ton niveau, moi je ne suis plus dedans…». C’était le spécialiste des tacles glissés. Nous avions fait tant d’équipes ensemble. A travers ses tacles glissés, il savait enlever le ballon au moment où il faut, quand il faut et où il faut. Il partait même chercher des buts au moment des tirs de corners, c’était le vieux, l’expérimenté. Ce n’était pas un capitaine qui haranguait. Il nous donnait de sages conseils et nous disait ce qu’il fallait faire. C’était un leader. Je me rappelle aussi de la demi-finale au stade de Lubumbashi contre le TP Mazembé, qui avait gagné sur le score de 3-2. J’ai vu le capitaine Saidi qui s’était effondré en larmes, et Edenté venir le relever, et je m’étais approché et j’ai entendu les consolations de mon capitaine à l’endroit de Saidi en ces termes : « Saidi, ce n’est pas fini, l’exploit que nous avons réalisé ici, vous pouvez aussi nous rendre la monnaie à Conakry… » J’ai tout de suite réagi, en lui disant, en susu : « i tan fan, nafikhi nira » (littéralement traduit en français ‘’ toi aussi, tu es un lâche’’. J’étais la graine pourrie aux cotés de mon capitaine feu Soumah Soriba ‘’Edenté’’. Il avait un esprit de fair-play extraordinaire, qui ne dit pas son nom.
Il avait fait une autre remarque à Sékou Condé, quand nous avions joué contre la France lors des jeux Olympiques de Mexico 1968. Sékou Condé était un latéral gauche très dur, un ‘’bondissant’’ qui ne se laissait pas faire. Apres le match contre la sélection de la France, feu Soumah Soriba ‘’Edenté’’ s’est adressé à lui « Sékou, ce que tu as fait au cours de ce match est très bien. Sauf qu’il faut un peu réduire ton agressivité sur l’adversaire… ». Soumah Soriba ‘’Edenté’’ était humble, et il avait un comportement social très appréciable, tant sur le terrain et en dehors, dans la vie courante. Sincèrement, j’ai appris beaucoup avec lui. Je prie Dieu, qu’il accorde la paix aux âmes de tous nos braves devanciers.
Guinéenews : pendant vos longues années de football, vous avez certainement de bons ou mauvais souvenirs qui vous restent encore en mémoire ?
Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : j’ai plein de bons souvenirs et celui qui retient mon attention, et me revient toujours en mémoire, est ce jour à Kampala, où feu président Idi Amine Dada a remis le trophée à Soumah Soriba ‘’Edenté’’. Je fus après ‘’Edenté’’, la deuxième personne à soulever la coupe N’Kwamè Krumah, bien qu’on s’était relayé après, pendant le tour d’honneur du Nakivubo Sadium de Kampala. C’est un inoubliable souvenir.
A l’affiche des mauvais souvenirs, il y en a deux. Le premier, c’est quand j’ai vu la coupe d’Afrique des nations échapper à Petit Sory et la voir brandie par le capitaine de l’équipe du Maroc. C’est vraiment un mauvais souvenir. Nous avions eu un parcours sans faute, lors de cette compétition.
Le deuxième mauvais souvenir est celui d’Alger. Nous partons de Conakry avec un acquis de 3-0, pour nous retrouver finalement, face à une défaite aux tirs aux buts. Franchement et vous me comprendrez sûrement, c’est un mauvais souvenir qui restera toujours gravé dans ma mémoire de sportif.
Guinéenews : sur le terrain plusieurs observateurs vous qualifient de défenseur très rigoureux, et qui se retrouve le plus souvent en fin de match avec un maillot propre. Qu’en-dites-vous ?
Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : j’appellerai cela, l’observation des observateurs. Je sais qu’à des moments, je pouvais me retrouver avec tout le maillot sale, après un match. A la défense, nous avions appris à forger et à se confier des rôles à jouer sur le terrain. J’étais tantôt stoppeur ou libéro. Généralement, si je suis avec feu Edenté, feu Kolev, feu Morciré ou Chérif Souleymane, ça dépend de ce que chacun peut jouer comme rôle.
Je prends un exemple sur Chérif Souleymane qui s’était reconverti en défenseur. Lors de la finale 1977, Chérif était un libéro, mais doté d’un esprit offensif. Je le laissais aller et j’assurais la garde arrière. Tout ce que j’avais à l’idée, c’était d’anticiper avec les avant-centres, surtout quand tu sais qu’il est plus fort que toi. Je prends le cas de Laurent Pokou (paix à son âme), qui a eu beaucoup de difficultés avec moi et qui me tirait même par la culotte. Je retiens encore un de ces termes « Kè i ta ko ka gbèlè. » (Littéralement traduit en français « il n’est pas facile de te prendre ». J’ai eu assez d’aventures avec de grands attaquants de l’époque.
Je prends le cas de Baye Moussé du Sénégal, qui avait fini par me boxer, et je lui ai dit ceci « M’Baye, j’ai reçu des consignes de ne pas te lâcher. Si tu fais un pas, même vers les toilettes, je vais te suivre et les autres vont jouer le reste du match… ». Alors avec tous ces contacts, peut-on rester avec un maillot propre durant 90 minutes et plus ? A vous de juger les observations de ces observateurs ?
Guinéenews : aviez-vous d’autres qualités ou atouts techniques particuliers sur le terrain ?
Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : je crois que c’est l’improvisation, le sens du placement et la discipline, dans l’application des rôles qui m’étaient confiés.
Guinéenews : quel sont les joueurs guinéens et africains qui vous ont marqué à votre temps ?
Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : Je suis fier et honoré, d’avoir appartenu aux plus grandes équipes de la Guinée. Il y avait eu, à un moment, un sélectionneur Egyptien qui était venu retenir 7 joueurs guinéens pour participer à un tournoi intercontinental au Brésil. J’ai eu le bonheur d’en faire partie. Malheureusement, le projet n’a pas prospéré. Auparavant, Mamadouba Maxime Camara et Ibrahima Sory Keita ‘’Petit Sory’’, avaient fait partie d’une sélection africaine. Il est très difficile pour moi de citer parmi nous, les noms des joueurs qui m’ont impressionné. Le Hafia FC et le Syli national, regorgeaient de grands footballeurs. La ligne d’attaque à mon temps était constituée de feu Maxime, Petit Sory, feu N’Joléah, Chérif Souleymane. Ils étaient tous, de grands joueurs.
Avant eux, je peux citer, feu Ibrahima Kandia Diallo ‘’Monsieur but’’, feu Dyéli Mory Dioubaté, feu Aboubacar Fofana ‘’ Garrincha’’ feu Camara Naby ‘’La tige’’, feu Soumah Mamadouba ‘’Zito… La liste est longue.
Sur le plan continental, je pourrais citer quelques-uns, qui m’ont vraiment fasciné. Il y a Taha Basri et Aly Abougreicha de l’Egypte, Ibrahim Sunday, Mohamed M’Pollo, Peter Lamptey du Ghana. Au Sénégal, il y avait une paire du milieu de terrain, composé de Louis Gomis et Louis Camara qui m’avait beaucoup séduit. Au Mali, feu Salif Keita m’a beaucoup charmé et Roger Milla du Cameroun qui continue d’ailleurs d’être un bon ami.
Guinéenews : en quelle année avez-vous pris votre retraite sur le plan du football et quelles furent les principales raisons ?
Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : c’est après la finale de 1978 de Yaoundé que nous avons été appelés au palais du peuple pour nous remettre les médailles. L’année suivante, en 1979, nous avons pris notre retraite sportive après qu’on nous ait élevé au rang de chevalier dans l’ordre du mérite national.
Guinéenews : est-ce qu’à ce moment, vous vous considériez réellement comme étant au crépuscule de votre carrière ?
Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : ce qu’on aura appris, pendant la Révolution, c’est qu’il n’était pas question de subir des défaites. C’est vrai que nous étions au sommet du football africain, dans les années qui ont suivies. Donc, il ne fallait pas accepter le déclin, et à mon avis, c’est ce qui pouvait expliquer les raisons principales de notre retraite, ou le départ de 7 à 8 joueurs du Hafia et du Syli national.
Guinéenews : après votre départ des terrains, qu’apportez-vous encore au football guinéen d’aujourd’hui qui rencontre assez de difficultés sur le plan des compétitions africaines ?
Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : présentement, je n’appartiens à aucune structure. Après le football, j’ai été membre de la Fédération Guinéenne de Football (FGF) de 1984 à 2008. Actuellement, je puis vous dire que, je suis un peu loin des mouvements sportifs.
Guinéenews : peut-on s’attendre à voir Fofana Ibrahima ‘’Calva’’ porter un jour le maillot de coach d’une de nos équipes ou clubs de football ou devenir consultant sportif ?
Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : c’est possible d’être consultant sportif mais pas coach. Pour être coach, cela demande une certaine formation de base. Le cas de Chérif Souleymane est illustrant. Etre coach est un métier. Vu mon âge, je peux être le conseiller ou le consultant d’une équipe ou d’un club.
Guinéenews : parlons de ces 5.000.000 Fg accordés, dit-on, aux grandes gloires. Beaucoup de ceux qui n’en n’ont pas bénéficié se sont sentis frustrés et l’ont manifesté. Peut-on en parler ?
Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : cette décision ne provient pas de nous. Cela a été décidé pour le Hafia et pour d’autres par les autorités du pays. Et c’est une décision qui a été même votée à l’assemblée.
Guinéenews : nous savons que vous êtes parmi les méritants et bénéficiaires et de cet octroi aux grandes gloires. Après la retraite, quelles sont vos sources actuelles de revenus ?
Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : ma principale source de revenu est ma pension et cette autre indemnité qui m’a été octroyée et qui me permet de faire vivre ma famille. A part ces revenus, je pratique, de temps à autre, l’Agriculture à basse échelle à Kindia, sur des parcelles que je détiens.
Guinéenews : revenons sur l’actualité du football : le Syli national est dans une poule que beaucoup appellent ‘’ poule de la mort’’. Quelles sont les chances pour notre sélection nationale, pendant cette prochaine coupe d’Afrique des nations en Côte d’Ivoire ?
Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : ce que je voudrais dire par rapport à cette question, je suis convaincu qu’il n y a pas de ‘’poule de la mort’’. Toutes les poules se valent, et tous les pays qui se retrouvent là, à cette phase de la compétition sont méritants. Je conseillerai à tous les guinéens d’encourager le staff technique, nos joueurs, pour qu’ils puissent donner le meilleur d’eux-mêmes. Nos footballeurs sont talentueux et certes qu’ils ne sont pas comme Petit Sory, Chérif Souleymane et autres grandes gloires du football guinéen.
Il faut qu’ils mouillent le maillot, car le public guinéen est sportif. Ces jeunes joueurs doivent respecter notre hymne national, qu’on ne joue pas pour n’importe qui.
Bon courage à nos jeunes et je suis certain que la victoire sera au bout de leurs souliers.
Guinéenews : je vous remercie
Entretien réalisé par LY Abdoul pour Gu