Pourquoi Labé est-elle confrontée à une crise inédite d’eau ? Les révélétaions de l’Inspecteur régional de l’environnement (Entretien) 

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Le changement climatique qui frappe la planète de plein fouet en cette année 2024 déclarée par l’Organisation météorologique mondiale (0MM) comme ‘’l’année la plus chaude jamais enregistrée de l’histoire’’ ; touche sévèrement la commune urbaine de Labé.

En plus de la chaleur suffocante, l’assèchement des puits et même de certains forages, on assiste cette année au tarissement du principal barrage hydraulique de la commune urbaine de Labé, a constaté sur place Guinéenews.

Touri, qui était jusque-là, la plus grande retenue d’eau de la commune urbaine de Labé fait face depuis quelque mois à une baisse drastique de sa réserve. Une situation qui a aussitôt entraîné une crise sans précèdent dans la desserte de la SEG (société des eaux de Guinée) vis-à-vis de ses milliers d’abonnés.

Face à ce problème climatique inquiétant, la rédaction régionale de votre quotidien électronique a interrogé l’inspecteur régional de l’environnement et du développement durable de Labé. Mamadou Kobera Diallo explique ici les causes et situe les responsabilités dans un entretien à bâton rompu. Lisez !

Guinéenews : on a constaté un tarissement inquiétant du principal barrage hydraulique Touri de Labé. Avez-vous fait la même observation ?

Kobera : Effectivement, nous avons fait le même constat de la réduction drastique ou de la diminution du lac d’eau. C’est-à-dire de la quantité d’eau dans la retenue au niveau du barrage de Touri.

Guineenews : mais c’est comme si c’est la première fois qu’on fait face à une telle situation ?

Kobera : effectivement, on n’avait jamais vécu ça. Voilà pourquoi à l’environnement, nous avons directement identifié les causes qui sont très simples. La première est que nous savons tous qu’il y a le phénomène du changement climatique qui fait que les ruisseaux et les têtes de sources diminuent chaque année.

Deuxièmement, vous savez que depuis que le barrage est là, c’est cette année que Labé a eu le courant régulièrement. Sinon le barrage pompait avec le groupe électrogène avec du gasoil acheté. C’est cette année qu’il y a eu régularité de l’eau en ville. Donc, depuis que le barrage a été réalisé, c’est en cette année qu’il y a eu pompage au maximum.

Troisièmement, il y a des actions anthropiques en amont du barrage. Il y a des gens qui ont des zones maraîchères, des exploitations agricoles de pommes de terre, (…) Tous ceux-ci prennent de l’eau dans le même lac pour arroser leur culture.

Guineenews : et les fours à briques et autres activités nuisibles à l’environnement qui se font souvent aux alentours des retenues d’eau ?

Kobera : c’est vrai, à côté, il y a quelques jours, j’ai vu trois fours à briques à côté mais ça c’est des faits mineurs. L’affaire de fours à briques est non seulement loin mais aussi l’impact ne peut pas être aussi rapide que ce qu’on a constaté dans le nid du cours d’eau.

Sans oublier que cette année, surtout quand je prends le cas de Labé, on a tous ressentit fortement les effets du changement climatique parce qu’il y a eu beaucoup de puits qui ont tari et même des forages qui se sont bloqués à un certain moment avec une chaleur inexplicable.

C’est un phénomène mondial. La baisse de la nappe phréatique, c’est un phénomène mondial qui impact Labé aussi. Donc, si on ne prend pas des mesures globales avec tout le monde, on risque de se retrouver sans source d’eau et sans rien.

Guinéenews : alors, quelles sont les éventuelles conséquences de ce tarissement du lac hydraulique de Labé ?

Kobera : c’est d’abord la rupture de l’approvisionnement des foyers. Vous avez vu à l’heure-là qu’il n’y a pas d’eau en ville parce qu’ils n’arrivent pas à pomper comme ils veulent. La première conséquence c’est qu’ils ont pris des dispositions pour réduire le temps de pompage. Ensuite, si cela continue de cette façon, finalement ça va s’arrêter. Mais, il y a une cause que je n’ai pas dite au début. C’est une cause visible que les gens occultent beaucoup, c’est que le barrage a été réalisé il y a un peu plus de 20 ans. Il n’y a pas eu de curage et il y a énormément de terre qui est venu remplir l’assiette du barrage.

Donc, il y a érosion dans les versants du sous bassin qui amène énormément de sable. Aller voir, le lac est réduit car toutes les bordures sont remplies et le fond aussi est rempli de terre. Donc, la capacité du lac est beaucoup impactée par cet autre phénomène.

Guineenews : en tant que spécialiste environnemental, quelles pistes de solution préconisez-vous ?

Kobera : les quelques pistes de solutions que nous avons proposées lorsqu’on a été là-bas avec le directeur général adjoint de la SEG (Société des eaux de Guinée) le dimanche passé, c’est d’abord de faire déguerpir tous ceux qui travaillent aux alentours. Ensuite, c’est de faire une délimitation visible avec des bornes. Enfin, reboiser et faire le curage du lac.

Guineenews : donc, il faut sortir les gros moyens ?

Kobera : en tout cas, telles ont été nos propositions ; maintenant les moyens à utiliser pour ça, je ne sais pas si c’est des pelles qu’ils vont utiliser ou si c’est des machines. Mais en tout cas, l’une des solutions les plus rapides c’est de faire le curage pour en magasiner beaucoup d’eau pendant les périodes de pluies ; sinon on risque d’être en rupture parce que le courant est là. On peut pomper 24 heures sur 24 maintenant. Et vous avez vu là capacité, vous avez vu que Labé ne fait que grandir.

Guineenews : ça veut dire que si rien n’est fait l’année prochaine ça sera pire ?

Kobera : à l’heure-là, c’est déjà arrêté, ce n’est pas l’année prochaine. A l’heure-là, il n’y a pas d’eau. C’est arrêter, on ne pompe pas comme on veut. Donc c’est déjà à l’arrêt, ce n’est pas l’année prochaine.

Guineenews : les solutions que vous venez d’évoquer sont parvenues à qui de droit ?

Kobera : comme je vous ai dit, on était avec le directeur général adjoint de la SEG. Touri c’est un site qui est géré par la SEG. Nous on ne fait qu’accompagner. Ce jour, il y avait le président de la délégation spéciale de Labé, le président de la délégation spéciale de Tountouroun, le sous-préfet de Tountouroun ainsi que toute la direction régionale de la SEG de Labé et tous les acteurs du barrage.

Guineenews : peut-être un appel à l’endroit de tout le monde surtout les riverains du barrage.

Kobera : l’appel qu’on peut lancer, c’est de signifier aux riverains comme je l’ai dit dimanche lors de la cérémonie de réception de notre mission. Que les riverains se méfient de ce barrage, qu’ils ne fassent pas des actions censées impacter le barrage parce que s’ils se prêtent à ces actions, dès qu’il y a de problèmes, ils seront les premiers à être indexé. Donc, c’est de se méfier et respecter les limites et de ne faire aucune action dans les berges du barrage. Quand on est venu, on a trouvé plus d’une quarantaine de machines en train de pomper l’eau pour arroser les maraîchages et les cultures de pomme de terre. Donc, c’est de demander à la population riveraine de laisser le barrage parce que c’est à l’avantage de tout Labé.

Des propos recueillis par Alaidhy Sow Labé pour Guinéenews.org

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