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« Ma musique est une mission, un pont entre les mondes’’
Guinéenews a rencontré le musicien, multi-instrumentiste, auteur, chanteur et compositeur N’Fanly Kouyaté. Issu d’une grande lignée de griots, formé dans les grandes écoles de musique traditionnelle et diplômé du Conservatoire royal de Belgique, où il s’est spécialisé dans l’enseignement de la Kora, N’Fanly Kouyaté s’est prêté à nos questions.
Dans cette interview exclusive, l’artiste nous raconte comment, bien qu’étant griot, il est venu à la musique ou plutôt, selon ses mots, comment la Kora l’a choisi. Il revient sur les circonstances de son départ vers d’autres horizons et ses débuts à l’étranger.
Profondément imprégné par la culture et le riche folklore de son pays, N’Fanly Kouyaté nous fait découvrir le genre musical qu’il développe dans un style résolument novateur.
Entre discographie, projets futurs et regard critique sur la musique guinéenne actuelle, accrochez-vous, chers lecteurs, pour découvrir un artiste qui, paradoxalement, est bien plus connu à l’international que dans son propre pays. Lisez !
Guinéenews : Bonjour N’ Fanly ! Dites-nous comment la musique est-elle entrée dans votre vie?
N’Fanly Kouyaté : Bonjour et merci pour l’invitation. Imaginez un couple, tous deux artistes. Ils respirent la musique, ils vivent pour la musique. La femme tombe enceinte, mais la musique ne s’arrête pas. L’enfant naît, et la musique change simplement de lieu : du ventre maternel à son dos, au cœur des sons.
Cet enfant, c’est moi, N’Fanly Kouyaté. Mes premiers jouets furent les baguettes de balafon. Dès que j’ai pu les soulever, j’ai commencé à tapoter les instruments, à apprendre en jouant… Ce jeu est peu à peu devenu une passion sérieuse.
Je suis, comme vous l’avez dit, issu d’une grande famille de griots. Je suis l’un des trois derniers enfants d’une fratrie de 28. Mon père, mes grands frères, mes oncles… tous ont été mes premiers professeurs. J’ai ainsi grandi au rythme de séjours d’apprentissage intenses, plongé dans la tradition.
Guinéenews : Aviez-vous eu auparavant une idole dans la pratique de la musique, et dites-nous pourquoi le choix de la Kora comme instrument de prédilection ?
N’Fanly Kouyaté : C’est toute une longue histoire. C’est à l’occasion d’un festival national, dont je ne me rappelle plus l’année, que ma mère avait demandé à deux de mes frères, N’Famoro et Sékou, membres de la troupe fédérale de Siguiri, de m’emmener avec eux à Conakry, dans le convoi des artistes. Après le festival, il n’y avait plus de place pour moi dans le camion du retour. Ils ont donc demandé à ma sœur Bassira Kouyaté (épouse de feu Sory Kandia Kouyaté) de m’embarquer dans un taxi pour retourner à Siguiri. Mais après leur départ, ma sœur a fait tout le contraire : elle m’a inscrit à l’école. Mon père, comprenant la situation, a alors confié mon éducation ainsi que ma formation à feu Elhadj Sory Kandia Kouyaté.
C’est ainsi que j’ai eu la chance d’apprendre non seulement la Kora, mais aussi plusieurs autres instruments traditionnels, car à la maison, en tant que directeur de l’Ensemble instrumental national, feu Sory Kandia Kouyaté possédait tous les instruments et connaissait leur histoire. J’ai ainsi exploré la richesse de nos musiques et instruments : boté, djembés, gbèlè, n’gonin, castagnettes, nyényéru, tunnè, serdu…
À 12 ans d’ailleurs, j’ai reçu le prix du meilleur artiste de la section du 5ᵉ arrondissement, de la fédération de Conakry II. J’étais déjà multi-instrumentiste : je jouais de la Kora, des percussions, du balafon, de la guitare… Parmi mes idoles, je citerais en premier lieu mon père Konkoba Kabinet, feu Elhadj Sory Kandia Kouyaté, mais aussi Aretha Franklin et Harry Belafonte.
Pourquoi le choix de la Kora ? Je suis l’héritier d’une lignée où la Kora n’est pas un choix. C’est elle qui vous choisit. Depuis mon arrière-grand-père, cette musique de la Kora coule dans nos veines.
Guinéenews : Quand et comment s’est-il passé votre traversée vers ces autres frontières ?
N’Fanly Kouyaté : Au début de mes études universitaires en Guinée, j’ai eu la chance de poursuivre ma formation musicale au Conservatoire royal de Belgique, où je me suis notamment spécialisé dans l’enseignement de la Kora. Je profite de cette occasion que vous m’offrez pour remercier, au passage, Monsieur Téliwel Diallo, qui était à l’époque Directeur national de la Culture. Parallèlement à cette formation, j’ai créé mon premier groupe, dénommé « N’Fanly Kouyaté et Dunyakan ». Par la suite, j’ai rencontré Peter Gabriel, ce qui a marqué un tournant dans ma carrière internationale.
Guinéenews : Quel genre musical développez-vous dans vos compositions orchestrales ?
N’Fanly Kouyaté : Mon identité musicale repose sur un socle constitué de ma formation traditionnelle, de mes expériences avec des artistes variés et de mes études. Cela m’a conduit à créer un style novateur que j’appelle “Afrotronix”, une fusion entre l’Afrique et l’électronique. J’ai également collaboré avec des orchestres symphoniques, et j’ai même participé aux Jeux olympiques d’Athènes en 2004, au sein d’une formation de 80 musiciens.
Guinéenews : Comment se présente aujourd’hui votre discographie ?
N’Fanly Kouyaté : Je compte dans ma discographie une quinzaine d’albums, dont un disque d’or. Mon prochain album « FINISHING » sortira le 1er septembre 2025, et sera suivi d’une grande tournée dont je vous communique le programme : Afrique du Sud (du 14 septembre au 1er octobre) ; UK (du 12 au 23 novembre) ; Maroc (du 23 novembre au 12 décembre – festival coupe d’Afrique), et le 25 mai, je présenterai l’album FINISHING au grand public bruxellois, avec des invités prestigieux comme Didier Awadi, Tiken Jah Fakoly, Lay This Drum…
Guinéenews : Des projets sont-ils en cours ou envisagés?
N’Fanly Kouyaté : J’ai plusieurs projets notamment : Afro Band Electronique. C’est un mélange de musiciens celtiques et africains (11 artistes sur scène) ; N’Fanly Kouyaté Project (5 musiciens) ; Africa Meet the World, une formation de 49 musiciens, mêlant cordes classiques, gospel et instruments africains.
Guinéenews : Quel est votre regard sur l’actuelle musique guinéenne ?
N’Fanly Kouyaté : La musique guinéenne a toujours rayonné. Mais je regrette que certains médias, ne valorisent, que les artistes résidant en Guinée, en ignorant ceux de la diaspora. Pourtant, nous faisons partie des réseaux internationaux. Je peux citer entre autres, Alpha Yaya Diallo, Natu Camara, Moh Kouyaté… Nous portons haut les couleurs du pays. Personnellement, j’ai été double nominé aux Grammy Awards.
Guinéenews : Des avancées sont constatées au compte du département de la culture, en faveur des artistes et musiciens guinéens. Quel est votre point de vue à ce sujet ?
N’Fanly Kouyaté : Je salue l’actuel gouvernement, il œuvre pour bâtir une vraie industrie musicale en Guinée. Le ministre Moussa Moise Sylla est à l’écoute des artistes, ce côté proactif est à encourager.
Guinéenews : Pour quand, pourrait-on s’attendre définitivement au retour de N’Fanly Kouyaté dans son pays natal ?
N’Fanly Kouyaté : (rires) Vous savez, certains pensent que l’occident, c’est chez les autres. Moi, je suis chez moi partout où je vis, que ce soit en Guinée, en Belgique, en France ou ailleurs. Je dois seulement augmenter mes visites, ou présences au pays. Pour le moment, j’ai beaucoup de projets, donc je voyage énormément. Ma musique est une mission, un pont entre les mondes.
Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews