Le silence coupable d’un peuple et la trahison de ses élites [Par Aly Souleymane Camara]

il y a 17 heures 34
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J’en suis sûr et certain : Billo Bah, Habib Marouane Camara, Oumar Sylla alias Foniké Menguê, ALIOU BAH et les autres, une fois rentrés auprès des leurs, consacreront désormais l’essentiel de leur vie à ceux qui comptent vraiment pour eux : le bien être de leur famille, à priori. Ils ont payé si cher qu’ils ont fini par comprendre que la lutte, en tout cas pour l’heure, est une peine perdue. Ils ont compris l’oubli. Ils ont compris l’indifférence. Ils ont compris la terrible passivité de la majorité du peuple de Guinée. Plus d’un an sans nouvelles, et personne ne s’inquiète pour eux. Pas une vague, pas une clameur. Le silence. Et puis l’oubli. Tant pis.

Ici, tant qu’on gagne notre petit pain sans mayonnaise pour calmer la faim du jour, on se tait. On la ferme. On plie l’échine. Peu importe ce que deviennent nos enfants demain. Peu importe s’ils héritent du chaos et du mépris : l’avenir est d’ores et déjà hypothéqué. Quel drôle de pays ! Riche en ressources naturelles mais pauvre en ressources humaines.

Je le dis avec certitude : ils ont vu, eux aussi, l’affairisme éhonté et l’absence de toute conviction de la classe politique guinéenne. Une classe prête à vendre son âme au diable pour un fauteuil, une voiture, une illusion de pouvoir. Aucun programme de société réaliste, aucune vision politique éclairée et aucun courage politique assumé. Un confort minable et éphémère. J’en suis écœuré. Chaque fois que je les entends parler, j’ai la nausée. Ils parlent de peuple, mais ne connaissent que leur ventre. Ils parlent d’avenir, mais vivent dans la servitude immédiate. Et parfois, je me demande : que faire ? Mais à quoi bon de poser la question dans un pays où le mal est devenu la norme, et la douleur un rituel collectif ?

Oui, lutter est noble. Mais survivre d’abord est devenu un devoir. Pour soi, pour sa famille, pour ne pas mourir dans l’oubli et l’ingratitude. Agir avec prudence, dans la durée, en se gardant de tomber dans les pièges de l’héroïsme stérile, est désormais une stratégie de survie.

Les années qui viennent seront cruciales. L’avenir de notre nation se joue maintenant. Chaque décision pèsera lourd. Et pourtant, je ne peux m’empêcher de ressentir, chaque jour, cette frustration profonde, cette amertume, cette rage impuissante, face à l’injustice systémique, à l’arbitraire érigé en méthode de gouvernement, à la violation des libertés les plus élémentaires, au pillage cynique des ressources nationales.

Mais il faut que je vous dise ceci, sans détour : ce message est le dernier que je consacrerai à la vie politique de notre pays. Pas par peur d’être kidnappé, comme tant d’autres. Non. Mais parce qu’il est temps que ce peuple ouvre enfin les yeux. Qu’il ressente dans sa chair, sans filtre, les conséquences de sa lâcheté collective, de son silence complice, de sa résignation face à la montée en puissance d’un autoritarisme militaire soutenu par une bureaucratie civile servile. Nous n’avons, hélas, rien appris de notre histoire et notre histoire ne nous a rien appris.

J’avoue, c’est une des décisions les plus lourdes que j’aie eu à prendre depuis que j’ai décidé de m’exprimer publiquement sur les affaires de mon pays. Mais elle s’est imposée à moi comme une nécessité. Une dernière forme de fidélité à ma conscience.

Je me retire. Je ne commenterai plus l’actualité politique, jusqu’à nouvel ordre. Je consacrerai désormais ce temps à me former, à servir autrement ce pays que j’aime profondément, et à prendre soin de ma petite famille, qui n’a que moi pour faire face aux lendemains incertains.

Que Dieu bénisse la Guinée et les guinéens !

Aly Souleymane Camara, analyste politique

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