Hier, au berceau de l’humanité, la musique était au service de la paix et de la réconciliation des peuples… ! [Par Sayon Mara]

il y a 6 heures 45
PLACEZ VOS PRODUITS ICI

CONTACTEZ [email protected]

Autrefois, les griots et les vieillards étaient les grands dépositaires de la sagesse africaine. De par leur expérience et leur ancienneté, ils détenaient les secrets et veillaient à la sauvegarde des traditions. Ils étaient écoutés et respectés.

La culture, c’est cet instrument qui permet aux autres de nous connaître, de nous découvrir, de mesurer notre dimension humaine, de nous apprécier. Elle est ce qu’est la carte d’identité, le passeport pour une personne. Quand des peuples se retrouvent, c’est à travers elle qu’on distingue, à vue d’œil, à travers les comportements, au-delà de la couleur de la peau, les uns des autres. Bref, notre culture est notre identité.

C’est dans ce sens que la musique était au service de la paix, de la réconciliation des peuples, du renforcement des tissus sociaux entre composantes d’une même nation, entre pays, etc.
Interrogez l’histoire et elle vous enseignera, par exemple, que dans un passé récent, la musique joua un rôle de premier plan dans la réconciliation de deux protagonistes en Afrique à savoir le Président malien d’alors, le Général Moussa Traoré et celui de la Haute-Volta, actuel Burkina Faso, le Général Sankoulé Lamizana, sous l’égide du responsable suprême de la révolution guinéenne en la personne du père de la nation, le président Ahmed Sékou Touré.
Pour rappel, un problème frontalier opposant les deux pays, le Mali et la Haute-Volta, voulut tourner au pire. Les deux réclamaient une même portion de terre et étaient entrés en guerre. Les évènements prenaient de l’ampleur et personne des deux ne voulait reculer. La situation devenait de plus en plus tendue.

Le Président Ahmed Sékou Touré, pour éviter le pire, invita les deux Chefs d’État à Conakry pour une mission de bons offices et d’issue heureuse à la crise. La rencontre eut lieu au Palais du Peuple en 1974.

Avant même que le Président ne prenne la parole, le griot à la voix magnifique, Sory Kandja Kouyaté, se leva et prit le micro. Il fit les louanges des deux Chefs d’État, leur rappelant l’histoire qui liait les deux hommes depuis le Mandingue, leur lien de parenté et l’intérêt qu’ils avaient à cultiver la paix.

Le griot sut tellement relater le récit, il sut tellement utiliser les mots pour parler de l’utilité de la paix et de l’entente, que les deux Chefs d’État se levèrent pour se serrer les mains. L’étincelle fut éteinte entre les deux Présidents. Ce qui marqua la fin de la crise, la hache de guerre fut enterrée aussitôt.

C’est dans cette dimension que la musique était appréciée en Afrique.

Aujourd’hui, très malheureusement, elle n’est plus ce qu’elle était. Elle est devenue autre chose. Au lieu d’éduquer, les artistes pour la plupart, poussent les jeunes sur des sentiers interdits, à la flatterie qui est à l’antipode de nos bonnes mœurs ; la dépravation de celles-ci est l’essence même de la musique de certains. Même nos propres dirigeants ont cessé de respecter le griot dans son rôle ; ce dernier aussi a oublié son devoir pour ses ambitions. De là, la confiance mutuelle est ébranlée.

Actuellement, ceux qui s’habillent de façon extravagante, qui chantent pour ne rien dire ou encouragent les jeunes sur cette voie de perdition, sont ceux-là mêmes qui sont aimés et chéris. Parfois, certains les imitent inconsciemment. Quand vous voyez d’autres dans la rue, à peine si ça ne frise pas la démence. Alors qu’avant, la musique transmettait la sagesse aux générations en relatant le passé glorieux des grands hommes ; elle conscientisait les jeunes, leur rappelant leurs devoirs vis-à-vis de leur nation. C’était la vraie sagesse.
Les griots ne faisaient d’ailleurs pas que chanter, ils transmettaient des messages bénéfiques pour les communautés et réconciliateurs dans leurs chansons.

Les titres emblématiques « Koulandjan » du célèbre griot Sory Kandiata Kouyaté, « Nama », « Mandjou » des artistes maliens Kassé Mady et Salif Keita en sont des exemples illustratifs.
Dans ces trois chansons, la bravoure des grands hommes est magnifiée pour inciter les nouvelles générations à s’inspirer de ces hommes.

« Gnarigbassa » et « Djandjo » aussi, étaient des morceaux sacrés, dédiés uniquement aux hommes de valeur, notamment ceux qui détenaient le savoir et les sciences occultes. N’importe qui ne les dansait pas. Il faut être initié pour les danser.

Des artistes ont poussé les limites de la stupidité jusqu’à délimiter les cloisons traditionnelles entre sagesse et balourdise. Certains, parmi eux, ne se gênent même pas d’aligner des injures et autres messages ou propos pervers dans leurs chansons. L’essentiel chez eux, c’est de chanter tout simplement ; peu importe le message livré ; ils s’en foutent qu’ils écorchent nos mœurs à travers ces mauvaises manières. Pire, les critiques des gens leur glissent sur la peau.

En matière de religion ou de culture, les griots étaient intermédiaires entre les ancêtres et leur communauté. Les grands problèmes de la communauté sont discutés et réglés chez le plus ancien du village. Sur le plan culturel, ils nous enseignaient nos traditions, nos coutumes, nos mœurs.

Sur le plan scientifique, ils savaient faire le choix des cultures conformes à la qualité du sol en cas d’inondation ou de sècheresse.

Aujourd’hui il est donc devenu impérieux de reconstituer le patrimoine africain afin de capitaliser les savoirs et techniques qui sont les nôtres. Les connaissances endogènes de l’Afrique en rapport avec les sols, la médecine, la biodiversité, la nutrition doivent être dépoussiérées et disséminées à travers le continent. Depuis que le Blanc a foulé nos terres et que notre civilisation est passée du port des grands boubous et autres habits traditionnels, au port des vestes ; depuis que les veillées villageoises ont cédé la place au petit écran et aux bals poussières et night-clubs, les choses ont changé et ne cessent de changer chaque jour. Rien n’est plus comme avant ; les bonnes manières ont claqué la porte. Plus rien ne reste de ces valeurs. Nos cultures sont en proie à la déperdition. Les traditions africaines souffrent de leur abandon tout simplement par leurs propres fils.

Chaque jour que Dieu fait, nous nous écartons de nos valeurs, de nous-mêmes, nous nous enfonçons de plus en plus dans le puits de la perdition sans en mesurer les séquelles que cela peut avoir sur nous et nos progénitures. Les précieuses valeurs qui faisaient de l’Afrique ce qu’elle était, une terre d’amour, de tolérance, où il faisait bon vivre, ont foutu le camp et ne sont plus que de lointains souvenirs. Plus rien n’est comme avant et ne le sera. Tout a changé. Les enfants n’ont plus d’égard pour leurs parents, les femmes, au nom de l’égalité, prennent leurs maris pour leurs égaux et les maris n’ont point de respect pour leurs femmes, alors qu’auparavant, les femmes se mettaient en génuflexion pour saluer ou donner de l’eau à leur mari. Certaines se mettaient à croupetons… Les féministes me diront tout de suite que c’était de l’esclavage. Non, très loin de là. C’était la traduction éloquente chez la femme qu’elle avait reçu une bonne éducation et était issue d’une famille noble.

Le père, la mère, les enfants se permettent de prendre leur bain ensemble, à moitié nu. Oui, toutes les bonnes manières qui caractérisaient ce beau continent ont été oubliées ; une fille peut présenter son copain à ses parents et ils peuvent même s’embrasser devant eux. Oui, depuis que ce soleil du Blanc se pointa à l’horizon en Afrique, plus rien ne se passe comme au bon vieux temps de nos grands-parents. Il faut s’habiller comme le Blanc, parler comme lui et plier nos valeurs à la volonté des leurs… voilà comment ça fonctionne dorénavant.

Du livre ‘’ L’Afrique des cultures et la mondialisation, entre tradition et modernité ’’ de Sayon MARA

L’article Hier, au berceau de l’humanité, la musique était au service de la paix et de la réconciliation des peuples… ! [Par Sayon Mara] est apparu en premier sur Mediaguinee.com.

Lire l'article en entier