Guinée : Aboubacar Demba Dansoko s’exprime sans détour sur la vulgarisation de l’avant-projet de constitution, les disparitions forcées… (Entretien)

il y a 3 heures 22
PLACEZ VOS PRODUITS ICI

CONTACTEZ [email protected]

Le lancement d’une campagne de vulgarisation, de l’avant-projet de la Constitution continue de faire grincer des dents, au sein de la classe politique guinéenne et de la société civile.

Comme l’UFDG, le RPG-AEC, parti de l’ancien président, Alpha Condé, est également opposé à cette démarche du Conseil National de la Transition.

Aboubacar Demba Dansoko, membre du bureau national cette formation politique, a longuement fustigé cette initiative, au cours d’un entretien accordé à notre rédaction, ce vendredi 8 novembre 2024.

Avec lui, nous avons abordé plusieurs sujets d’actualité, notamment la présence d’une mission des Nations Unies en Guinée et le phénomène de disparitions forcées.

Mosaiqueguinee.com : Bonjour M. Dansoko ! Le président du CNT vient de lancer une campagne de vulgarisation de l’avant-projet de la Constitution. Dites-nous comment vous accueillez cette nouvelle ? Est-ce que cela est nécessaire à votre avis ?

Aboubacar Demba Dansoko : Primo, on ne vulgarise pas un avant-projet, encore un projet. Ce sont des documents de travail qui ne sont dans les conditions normales destinés à un public large. Je trouve triste que des ressources rares du contribuable soient consacrées à un travail inutile, tardif et du reste contre-productif.

On vulgarise dans les conditions normales, un texte déjà adopté pour informer les citoyens sur les nouvelles dispositions prises par les représentants du peuple, sur le plan législatif, dans le cadre de la gouvernance. Il n’est pas acceptable que l’on soit à ce stade après 3 ans. Je rappellerai qu’en 2010, le CNT n’avait pas eu besoin de plus d’un mois pour adopter la constitution, qui, aujourd’hui est considérée comme l’une des meilleures même en n’étant pas parfaite.

Le CNT s’est moqué des Guinéens en allant exposer cette mouture en France, pendant que le commun des Guinéens ne connaît pas encore le contenu. La plus grande colonie Guinéenne à l’étranger se trouve au Sénégal. Pourquoi amener un avant-projet d’une constitution Guinéenne à Paris ? Pourquoi ? Probablement, ils ont fait, pour faire valider notre instrument de souveraineté par les Français, car rien ne justifiait cet autre voyage. Tous les commentaires autour de cet avant-projet relèvent de la fanfaronnade. Des personnes comptées, sans légitimité ne peuvent donner une vraie constitution à un peuple.

Pour la concrétisation de cette campagne, au moins 142 agents ont été recrutés, et 72 véhicules seront mis à leur disposition, pour qu’ils se rendent à l’intérieur du pays. Qu’en pensez-vous ?

Les ressources utilisées dans ces conditions également relèvent d’un gaspillage et le choix des amis et copains pour faire ce travail du clientélisme. Ensuite, il est loisible de penser que ce travail du CNT relève d’une haute trahison si le texte qu’on refuse de finir, une fois voté contribuera à valider en partie, des décisions équivoques qui sont en train d’être prises, notamment en ce qui concerne la nomination des chefs de quartier et l’absence d’un organe de gestion des élections. Il n’est pas encore accepté en tout cas que les chefs de quartier relèvent de la déconcentration. En tout cas officiellement. Il est aussi officiellement admis que la gestion des élections doit être faite par un organe indépendant. Il n’est donc pas nécessaire de faire ce qui est incorrectement appelé vulgarisation, parce qu’après l’avant-projet, il y aura le projet…

Pour ce qui est du délai de la transition, l’UFDG et l’ANAD tiennent au respect de la date du 31 décembre 2024. Est-ce que le RPG-AEC est du même avis ?

Le coup d’Etat est un régime de fait. Les nouvelles autorités ont concocté un chronogramme avec la CEDEAO, chronogramme sur lequel toute la communauté internationale s’est alignée. Au RPG ARC-EN-CIEL plus qu’ailleurs, nous exigeons le respect des dispositions relatives à la fin de la transition. Pour nous, le délai du 31 décembre est indépassable.

Une mission d’évaluation des besoins électoraux séjourne à Conakry depuis quelques jours, pour rencontrer les structures concernées. Le RPG-AEC a-t-il reçu les émissaires des Nations Unies, à cet effet ?

La mission des Nations Unies venue à la demande du premier Ministre de la Transition, pour évaluer des besoins relatifs à une éventuelle élection n’a rien à se reprocher. Si cette délégation rencontre le RPG-AEC, nous serons très heureux de lui faire part, de notre bonne volonté.

Quelles sont les attentes de votre parti ?

Nos attentes sont nombreuses et pressantes, surtout vis-à-vis de la communauté internationale, elle-même.

Nous avons vu depuis le début de cette transition des violations flagrantes, des dispositions de la charte que le CNRD, lui-même a adoptées. La restriction des libertés individuelles et collectives est sans commune mesure dans l’histoire de la Guinée. Les médias sont dans la plus grande précarité. Les leaders d’opinion sont soit contraints à l’exil, soit kidnappés, soit arbitrairement détenus. À tout cela s’ajoutent des menaces et une tentative de mettre les partis politiques dans le lit de Procuste. L’évaluation des partis politiques par le MATD qui dissout, suspend, met en observation… étant donné que les nouvelles autorités sont incapables de s’auto-évaluer. Ce sont elles qui avaient produit un document contenant dix (10) points, pour sortir de la transition. Où en sommes-nous avec ces dix points ? Nous sommes demandeurs du niveau d’exécution de ces dix points, en rapport avec le temps qui reste.

Autre sujet, c’est le phénomène de disparitions forcées en Guinée. Foniké Menguè, Bilo Bah et Saadou Nimaga restent toujours sans nouvelles. Les organisations internationales ne cessent d’exiger des explications de la part du gouvernement de transition, mais en vain. Faites-vous partie de ces Guinéens, qui dorment avec la peur au ventre, du moment où le parquet général avait indiqué que les leaders du FNDC n’étaient pas détenus, dans des prisons officiellement reconnues ?

Nous appelons les autorités judiciaires à faire preuve d’équité. À défendre tous les guinéens au même pied d’égalité. Les disparitions et toutes les entraves aux libertés doivent être correctement traitées, conformément à la loi, sans partialité. Il n’est pas normal d’interdire aux partis politiques et aux organisations de la société civile, qui ont la vocation de structures de veille et de contre-pouvoir de jouer leur rôle régalien, et permettre à des mouvements de soutien fantoches, qui gaspillent les ressources de l’Etat, et contribuent à envenimer le contexte social. Les mouvements de soutien à une hypothétique candidature du président du CNRD sont comme un poison dans la société guinéenne.

Pour terminer, est-ce-que que vous pensez qu’il y a espoir que le gouvernement prenne à bras-le-corps ces cas d’enlèvement, alors que le ministre porte-parole du gouvernement a déclaré qu’un individu avait le droit de disparaître ?

L’intéressé doit prendre la parole et se désolidariser de ces mouvements, qui ne feront que fissurer le tissus social déjà très fragile. Nous trouvons tout ça inacceptable. La Guinée a connu ça dans un passé très récent, et nous savons où cela nous a conduits. Si le gouvernement ne fait pas de ces disparitions forcées une priorité, notre pays risque de sombrer. Il faut se méfier de jouer avec les mots, en disant que chaque citoyen a le droit de disparaître, pendant que certaines familles ne savent pas où trouver les leurs. Pour le cas de la Guinée sous le CNRD, il s’agit de disparitions forcées. En tout cas sous le Président Alpha Condé, tous les citoyens étaient libres.

Merci pour votre disponibilité !

Merci !

Entretien réalisé par Hadja Kadé Barry

Lire l'article en entier