Disparition de Foniké Mengué et Billo Bah: l’ONU donne un ultimatum de 60 jours au gouvernement…

il y a 3 heures 14
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Kidnappés dans la nuit du 9 juillet 2024 par une équipe mixte de la gendarmerie et des forces spéciales, selon des témoins, les deux activistes Foniké Mengué et Billo Bah ont été conduits vers une destination inconnue, à l’insu de leurs proches et de leurs avocats. Près de cinq mois plus tard, l’enquête annoncée par le parquet général de Conakry n’a toujours produit aucun résultat. C’est dans ce contexte que l’ONG Tournons La Page (TLP) a adressé une lettre aux Nations Unies, sollicitant l’ouverture d’une enquête internationale.

Suite à cette saisine, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a écrit au gouvernement guinéen pour attirer son attention sur la disparition de Foniké Mengué et Billo Bah. L’ONU exige des réponses urgentes afin de protéger les droits des deux activistes de la société civile disparus. Elle demande également des informations sur leur état de santé, les résultats des enquêtes menées pour identifier les auteurs présumés de leur arrestation, ainsi que les sanctions prévues à leur encontre. Ces éléments devront être rendus publics dans un délai de 60 jours, précise la déclaration des Nations Unies, que nous vous proposons en intégralité.

Excellence,
Nous avons l’honneur de nous adresser à vous en notre qualité de Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme et du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, conformément aux résolutions 52/4 et 54/14 du Conseil des droits de l’homme. À ce titre, nous souhaitons attirer l’attention du Gouvernement de votre Excellence sur des informations que nous avons reçues concernant l’enlèvement et la disparition forcée présumée des défenseurs des droits humains Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah.

M. Oumar Sylla, alias Foniké Mengué, est un défenseur des droits humains, membre de l’organisation Tournons la Page Guinée et coordonnateur de la mobilisation du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC). M. Mamadou Billo Bah est également défenseur des droits humains, coordinateur de la mobilisation du FNDC et coordonnateur de Tournons la Page Guinée. Le FNDC est un mouvement citoyen fondé en 2019 pour protester contre l’adoption d’une nouvelle constitution permettant à l’ex-président Alpha Condé de briguer un troisième mandat. Il regroupe des associations et organisations de la société civile, des partis politiques et des syndicats. Le 30 juillet 2022, un mandat d’arrêt aurait été lancé contre les responsables du FNDC. Quelques jours plus tard, un arrêté ministériel annonçait la dissolution du FNDC, le qualifiant de « groupement de fait », une décision que les membres du FNDC réfutent au regard de la légalité. Tournons la Page (TLP) est un mouvement qui promeut les processus démocratiques et la participation citoyenne.

M. Sylla a fait l’objet de trois communications précédentes envoyées par des titulaires de mandat dans le cadre des procédures spéciales, le 12 octobre 2022 (GIN 2/2022), le 28 juillet 2021 (GIN 2/2021) et le 12 février 2021 (GIN 1/2021). M. Bah a fait l’objet d’une communication précédente, envoyée le 7 mars 2023 (GIN 1/2023). Nous déplorons que le gouvernement n’ait pas répondu à ces communications.

Selon les informations reçues :

Le 9 juillet 2024, M. Mamadou Billo Bah, M. Oumar Sylla et un troisième membre du FNDC auraient été enlevés à leur domicile par des militaires et des membres de la gendarmerie nationale, armés et encagoulés, certains vêtus en civil. Les défenseurs des droits humains auraient été battus et traînés au sol jusqu’aux véhicules militaires. Aucun mandat d’arrêt n’aurait été présenté. Alors que le troisième membre du FNDC a été libéré le lendemain, le sort de M. Bah et M. Sylla, ainsi que leur lieu de détention, demeurent inconnus. Aucun accès à un avocat ni à leurs familles ne leur aurait été accordé. Le 17 juillet 2024, le Procureur général aurait publié un communiqué indiquant que « aucun organe d’enquête n’a procédé à l’interpellation ou à l’arrestation de qui que ce soit » et qu’« aucun établissement pénitentiaire du pays ne détient ces personnes faisant l’objet d’enlèvement ».

Le sort de M. Sylla et de M. Bah ainsi que leur localisation restent inconnus. Sans vouloir nous prononcer à ce stade sur les faits qui nous ont été rapportés, nous exprimons notre profonde préoccupation face aux graves allégations d’enlèvement et de disparition forcée concernant M. Sylla et M. Bah. Si ces allégations se confirment, le Gouvernement de votre Excellence aurait gravement violé les droits humains fondamentaux et ses engagements internationaux en matière de droits de l’homme, y compris la prohibition de la disparition forcée et de la détention arbitraire. Nous rappelons que la prohibition de la disparition forcée a acquis le statut de Jus Cogens, et nous attirons l’attention du Gouvernement de votre Excellence sur la Déclaration des Nations Unies sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Cette Déclaration stipule qu’aucun État ne doit commettre, autoriser ou tolérer des actes conduisant à des disparitions forcées et précise qu’aucune circonstance ne peut justifier de telles disparitions. Nous attirons aussi l’attention du Gouvernement sur les articles 6, 7, 9 et 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par la Guinée le 24 janvier 1978, en lien avec l’article 2.3, qui garantissent le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, ainsi que l’article 7 qui interdit la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants, le droit à la reconnaissance juridique et le droit à un recours utile.

En ce qui concerne le droit à la vie, le Comité des droits de l’homme établit, dans son Observation générale n°36 (CCPR/C/GC/36, par. 57-58), que « le non-respect des garanties de procédure énoncées aux paragraphes 3 et 4 de l’article 9, destinées à prévenir les disparitions, peut également constituer une violation de l’article 6 ». Le Comité a aussi observé que « la disparition forcée constitue un ensemble d’actes et d’omissions représentant une grave menace pour la vie. Le fait de priver une personne de liberté et de refuser de reconnaître cette privation de liberté ou de dissimuler le sort réservé à la personne disparue revient à soustraire cette personne à la protection de la loi et à faire peser sur sa vie un risque constant et grave, dont l’État est responsable ». Il s’agit donc d’une violation du droit à la vie ainsi que d’autres droits reconnus par le Pacte, notamment l’article 7, l’article 9 et l’article 16 (droit à la reconnaissance de la personnalité juridique). L’article 9 garantit le droit de toute personne à la liberté et à la sécurité, y compris l’interdiction de l’arrestation et de la détention arbitraire, le droit d’être informée des raisons de son arrestation, et d’être traduite sans délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires. Nous rappelons que le Comité des droits de l’homme, dans son observation générale n°35 (CCPR/C/GC/35), ainsi que le Groupe de travail sur la détention arbitraire, dans sa jurisprudence, ont précisé que toute arrestation ou détention d’une personne en raison de l’exercice légitime de ses droits et libertés garantis par le PIDCP peut être considérée comme arbitraire. Selon la jurisprudence du Groupe de travail sur la détention arbitraire, les défenseurs des droits humains constituent un groupe protégé, dont les membres ont droit à une protection égale en vertu de l’article 26 du Pacte. Le Groupe de travail a conclu que la détention de défenseurs des droits humains en raison de leur qualité de défenseurs des droits humains est discriminatoire et, par conséquent, arbitraire.

Vous trouverez les textes complets relatifs aux instruments juridiques et autres standards établis en matière de droits de l’homme sur le site internet suivant : www.ohchr.org. Nous sommes également en mesure de vous fournir ces textes sur demande.

Au vu de l’urgence de la situation, nous serions reconnaissants que le Gouvernement de votre Excellence nous communique une réponse sur les démarches entreprises pour protéger les droits de M. Sylla et M. Bah.

Comme il est de notre responsabilité, en vertu des mandats confiés par le Conseil des droits de l’homme, de solliciter votre coopération pour clarifier les cas qui ont été portés à notre attention, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous faire part de vos observations sur les points suivants.

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