Directeur de campagne, la course à “l’assurance-vie” ? (Par Tibou Kamara)

il y a 3 heures 17
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« Je suis né avant vous pour pouvoir annoncer les merveilles de votre règne », est une vieille formule qui illustre parfaitement que la démagogie ne date pas d’aujourd’hui. Elle traverse le temps et les générations. Les ancêtres avaient cependant plus d’esprit et d’imagination que leurs descendants actuels, qui font dans le plagiat ou tombent dans la paresse intellectuelle. Ces derniers ne réfléchissent pas avant de parler et, lorsqu’ils s’expriment, ne sont ni pertinents ni convaincants. Le plus souvent d’ailleurs, ils se font autant de torts à eux-mêmes qu’ils nuisent à la cause qu’ils prétendent défendre. Un véritable effet boomerang.

Dans le contexte présent, les dérives verbales et les dérapages politiques sont inspirés et exacerbés par les luttes de positionnement et d’influence, l’avidité sous toutes ses formes, et les querelles byzantines.
Au demeurant, l’élection présidentielle prévue le 28 décembre prochain s’annonce plus comme une bataille interne dans les arcanes et les allées du pouvoir qu’une compétition électorale empreinte d’un quelconque suspense. Il n’y aura pas de combat face à des adversaires de taille venant d’autres horizons, faute de combattants et d’inclusivité. La démocratie en restera sur sa faim.

Tout porte à croire que la direction de campagne sera plus âprement disputée que le fauteuil présidentiel n’est exposé aux appétits. Il est vrai que les jeux ne sont pas ouverts partout, et qu’à défaut de se mesurer lors de l’élection présidentielle au “candidat naturel”, certains ont choisi de se déchirer autour des secondes places pour demeurer autour de la table, tandis que d’autres préfèrent prendre leur mal en patience.

Diriger la campagne d’un homme déjà à la tête de l’État est, pour beaucoup, une assurance-vie dans un avenir qui semble plutôt incertain pour la plupart des décideurs actuels, quand d’autres considèrent que c’est du pain béni pour renflouer les poches. D’où la bataille rangée à laquelle on assiste aujourd’hui pour un rôle honorifique perçu, à tort ou à raison, comme une consécration personnelle. Le chef du gouvernement, quelques-uns de ses ministres et d’autres membres de l’entourage du chef de l’État rivalisent d’ardeur et de zèle pour être l’heureux élu. Tous semblent ignorer que le choix d’un directeur de campagne relève de la seule volonté du candidat et n’est en rien une fin en soi. Parfois d’ailleurs, c’est un piège, voire un cadeau empoisonné, car c’est bien souvent source de conflits et de rivalités dans son camp, ainsi qu’une vulnérabilité certaine aux yeux de l’opinion publique.
Le directeur de campagne peut être le plus visible dans l’ombre du candidat, mais il n’est pas nécessairement le plus influent, encore moins un « primus inter pares » incontestable. Il arrive même qu’en cas de victoire, il ne soit ni le premier, ni le mieux servi. Sans compter qu’en certaines corconstances, conduire une campagne peut porter malheur en ouvrant la boîte de Pandore.
En attendant la fumée blanche, ceux qui aspirent à piloter la campagne du futur candidat du pouvoir ne présentent pas les meilleurs profils. Bien au contraire, ils cumulent davantage de handicaps que d’atouts.

DES PRÉTENDANTS PEU QUALIFIÉS ?

Un petit tour d’horizon peu reluisant et non exhaustif…

Un homme qui, à peine entré dans ses fonctions, est déjà usé et figure parmi les personnalités les plus impopulaires du pays n’a pas vocation à mobiliser et séduire un électorat loin d’être acquis, attentif à la moralité et à la réputation de chacun. On ne peut avoir défendu une cause au prix de la vie de nombreux de ses concitoyens et de leur intégrité physique et morale, puis faire volte-face en toute tranquillité. On ne peut se renier, se déjuger, se contredire sans précautions ni tact, et s’attendre à être encore écouté, respecté et suivi par une opinion qui se sent flouée. On ne peut défendre une chose et son contraire et rester audible et crédible. Et quand on s’est disqualifié soi-même aux yeux du monde, on ne peut être un atout pour un quelconque candidat ni lui servir de joker.

Cet autre s’est montré clivant et a creusé seul sa tombe politique. Chaque fois qu’il a eu à s’exprimer, il a provoqué un scandale ou déclenché une virulente polémique. Il n’a pas réussi le tour de force de s’imposer auprès des siens, et peine à séduire un électorat qui se refuse à lui malgré ses circonvolutions idéologiques et toute l’énergie déployée. Un berger sans troupeau n’a pas de poids pour rallier quelqu’un à une cause ou peser dans une élection.

Un des postulants croit qu’il suffit de détenir le cordon de la bourse pour se révéler un génie politique ou s’imposer comme un levier potentiel d’une campagne dans un contexte de crise politique latente. Ce n’est pas en se trémoussant frénétiquement devant les caméras, applaudissant à tout rompre sur un air de niaiserie dans une bamboula politique, que l’on se taille un manteau de leader ni que l’on devient un « entrepreneur » côté à la bourse électorale.

D’autres encore voudraient jouer simplement de leur proximité avec le candidat pour rafler la mise.

Dans un passé récent, le hasard a joué un rôle clé et décidé de nombreuses trajectoires : on a pratiquement procédé par un tirage au sort. Mais à ce stade d’évolution du régime, dans une phase aussi cruciale de l’histoire politique du pays, les cooptations par affinité ou les choix de complaisance peuvent être suicidaires.
Chacun continue de se croire éligible à tous les postes, apte à accomplir toutes les missions, mais il faudrait comprendre qu’aujourd’hui rien ne se fait et ne se décide à la seule discrétion du chef. Le diktat populaire a succédé au fait du Prince à une époque de toutes les révolutions et de défiance envers les institutions et ceux qui sont censés les incarner.

La perception de l’opinion et ses attentes sont désormais les véritables critères et repères pour tous les gouvernants. Sinon, c’est la censure populaire et le désaveu politique qui se traduisent aussi bien par les défaites électorales que la chienlit.

Alors, le capitaine perd le contrôle du gouvernail, seul au milieu de la tempête, dans la solitude du pouvoir face aux vents contraires. Les rats auront déjà quitté le navire qu’ils ont contribué à couler par leur boulimie, leur folie de grandeur, leurs conflits d’intérêts et leurs jeux de pouvoir absurdes.
Chez nous, les régimes changent, mais les pratiques restent les mêmes, et les mœurs politiques n’évoluent guère.

La malédiction de l’éternel recommencement.

Tibou Kamara

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