Cri du cœur des jeunes diplômés de Conakry : entre emplois précaires et volonté de sortir de l’ornière

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Les jeunes diplômés guinéens traversent des périodes difficiles dans un contexte marqué par un inquiétant manque d’emploi. C’est au même moment que la journée internationale de la jeunesse est célébrée le 12 août 2025. Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com ce mardi, des jeunes de Conakry, diplômés sans emploi, ont expliqué leurs difficultés et sollicité plus d’attention de la part de l’Etat sur leur situation.

Mamadou Yéro Bah, diplômé en gestion des entreprises au Centre universitaire de Labé, affirme que depuis 2013 il a multiplié les candidatures, sans succès. Il dénonce aussi le clientélisme et des liens familiaux dans les recrutements.

Mamadou Yero Bah, diplômé en gestion des entreprises au Centre universitaire de Labé

« J’ai terminé mes études universitaires depuis 2013. J’ai postulé dans plusieurs endroits : entreprises, sociétés… mais jusqu’à présent, j’ai beaucoup de difficultés. Partout où je passe, on me demande d’avoir un master, un doctorat ou une expérience de 10 à 15 ans. Mais vous savez, pour un jeune sortant qui n’a pas de moyens, c’est très difficile de poursuivre jusqu’au master ou au doctorat, ou d’acquérir une telle expérience. La difficulté est donc énorme. Il y a aussi un point que je ne voulais pas trop aborder : dans la vie professionnelle, il y a beaucoup d’influence de la politique et du lien familial. Quand tu arrives dans une société ou une entreprise, on te demande ton nom, ta situation, et si tu n’es pas de leur “famille”, il est très rare qu’on t’accepte. Aujourd’hui, la plupart de ceux qui ont un emploi chez nous, c’est grâce aux liens de parenté ou aux relations. Pour ma part, j’ai travaillé un temps dans une ONG, mais l’arrivée d’Ebola en Guinée a interrompu cette activité. Je me suis alors lancé dans le taxi-moto. Grâce à Dieu, je me sens bien, même si c’est un métier très difficile : manque de considération, risques d’accidents, et autres contraintes. Ce que je veux dire à l’État, c’est de considérer surtout les sortants de l’université et les diplômés, et de créer des opportunités dans l’entrepreneuriat, dans différents secteurs : agricole, élevage, industriel… Cela permettra aux jeunes, qu’ils soient fraîchement sortis ou diplômés depuis longtemps, d’obtenir leur premier emploi sans que ce soit lié au réseau familial. Moi, j’ai l’esprit entrepreneurial. En tant que gestionnaire, j’ai monté plusieurs projets et suivi beaucoup de formations dans ce domaine. Il me manque juste un partenaire ou un soutien pour mettre mes projets en œuvre », a-t-il expliqué.

Moussa Camara, diplômé en Philosophie politique à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia, affirme avoir passé deux ans de stage non rémunéré au Ministère des Affaires étrangères. Il a décidé de se lancer dans le taxi-moto pour subvenir à ses besoins.

Moussa Camara, diplômé en philosophie politique à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia

« J’ai obtenu ma Licence 3 il y a 6 ans. Après, j’ai fait un stage de deux ans au Ministère des Affaires étrangères, dans la section Observatoire guinéen de la migration. Mais comme ça n’allait pas, même financièrement c’est ma maman qui payait mon transport, j’ai fini par arrêter. Dans mon quartier, je voyais mes amis qui n’avaient pas fait de longues études, mais qui conduisaient des motos et étaient financièrement indépendants. Finalement, avec mes charges familiales et l’absence de perspective claire dans le stage, j’ai décidé de me lancer dans le taxi-moto pour être autonome. Aujourd’hui, je rends grâce à Dieu : malgré les risques élevés du métier, je m’en sors financièrement, j’aide mes parents, je paie mon loyer et je couvre mes besoins. Le problème avec les stages, c’est qu’il n’y a pas de durée ou de débouché clairement défini, et la prime est souvent insuffisante. On peut y rester des années sans perspective d’embauche. Au lieu de cela, il vaut mieux trouver une activité qui permet d’avoir un revenu régulier. Si j’avais les moyens financiers, j’aimerais investir : acheter plusieurs motos et les confier à d’autres jeunes pour les aider. Je pense que l’État devrait accompagner les diplômés pour leur offrir un emploi stable et bien rémunéré. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes diplômés se tournent vers le taxi-moto parce que les emplois disponibles sont mal payés. Certains utilisent ce métier comme tremplin : en travaillant quatre ou cinq ans, ils parviennent à épargner et financer une immigration vers d’autres pays. Même sans voyager, on peut, avec une bonne gestion, créer des sources de revenus grâce à cette activité », lance-t-il.

Pour Youssouf Kaba, enseignant et diplômé de l’Institut Supérieur des Sciences de l’Education de Guinée (ISSEG), la jeunesse manque de soutien. Il lance un appel à l’État.

Youssouf Kaba, enseignant

« La jeunesse est le moteur du développement de toute nation. Nous, en tant que jeunes, nous essayons de donner le meilleur de nous-mêmes, malgré le manque de moyens. Pour ma part, après mon diplôme à l’ISSEG, je me suis lancé dans l’enseignement et je parviens à m’en sortir un peu. Mais la jeunesse n’est pas suffisamment respectée en Guinée. Le manque d’emplois pousse beaucoup de jeunes à se sentir abandonnés. On nous reproche parfois de ne pas être bien formés, mais en réalité, le gouvernement ne met pas en place les politiques adéquates pour nous accompagner. Beaucoup veulent entreprendre, mais sans soutien, c’est presque impossible. Sans mesures d’accompagnement, les jeunes finissent frustrés, perdent confiance, et certains peuvent même se tourner vers l’insécurité. Je pense que la séparation du Ministère des Sports et de la Jeunesse est une bonne chose : elle permet de se concentrer sur la jeunesse dans sa globalité, pas seulement dans le sport. Il faut mettre en place des formations, renforcer l’apprentissage professionnel et encourager l’entrepreneuriat. L’État doit travailler avec les institutions pour créer de l’emploi et mettre en place de véritables programmes de soutien aux jeunes », a dit Youssouf Kaba.

Alya Sylla, comptable de formation, travaille aussi dans le secteur des taxi-motos, par nécessité. Il a pourtant plusieurs projets en tête.

Alya Sylla, comptable

« Nous sommes des jeunes diplômés, mais aujourd’hui, nous travaillons dans le taxi-moto, faute d’emploi. Cette activité, nous la faisons par nécessité, en attendant mieux. J’ai plusieurs projets, notamment pour améliorer la sécurité routière dans le secteur du taxi-moto, et pour former et sensibiliser les motards à la gestion et à l’entrepreneuriat. Le secteur est en pleine évolution, mais il manque de structuration. Le problème, c’est qu’actuellement, même après avoir déposé des dossiers et effectué un stage, on peut rester des mois, voire un an, sans être rappelé. L’État n’est pas forcément obligé de créer directement des emplois pour les jeunes : la jeunesse peut aussi créer ses propres opportunités. Mais lorsque nous créons, il faut que l’État et les partenaires financiers nous accompagnent pour concrétiser nos projets et les faire évoluer. »

Ismael Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 624 693 333

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