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A Conakry, il est impossible de ne pas remarquer des chiens errants qui peuplent les rues et qui font partie intégrante du paysage urbain. Des chiens squelettiques qui boitent dans une rue sombre, aux chiens trop bien nourris qui traînent aux alentours d’un restaurant. Les chiens se promènent en meute, eux sont parfois agressifs. Ils ouvrent les poubelles en quête de nourriture… Les passants les nourrissent parfois, mais les parents craignent qu’ils n’attaquent leurs enfants. En général, chacun tente de les éviter. (Image d’archives)
Combien sont-ils ? Difficile de donner une réponse précise. Le problème n’est pas seulement leur nombre ! Mais surtout leur état de santé et le risque d’être infecté en cas de morsure ou de contact avec un animal malade. Le principal risque que représentent ces chiens errants est avant tout la transmission de la rage. Selon l’OMS, 95% des morts humaines liées à la cette maladie qui s’attaque au système nerveux ont lieu en Afrique.
Conakry, les chiens errants font rage
Les infirmières de l’hôpital communal de Matam peinent à maîtriser cette femme d’une cinquantaine d’année, dont les cris emplissent la salle des urgences. Cette commerçante dans un marché de la ville s’est fait mordre à la main droite quelques heures plus tôt par un chien errant.
Après avoir reçu les premiers soins et s’être fait poser des points de suture sur sa main déchiquetée, la femme raconte qu’elle est tombée sur quatre chiens qui se battaient sur la route. Elle les aurait évités, mais l’un d’eux, particulièrement furieux, l’aurait suivie sur une centaine de mètres: «A un moment donné, j’ai fait un geste de la main pour le chasser et c’est alors qu’il m’a attaquée. Sans l’aide d’un passant, il m’aurait peut-être mordue partout.» Elle est d’autant plus paniquée que le sérum antirabique que les infirmières lui conseillent coûte plus de 200.000 francs guinéens, une somme dont elle ne dispose pas.
Lors de notre enquête, nous avons remarqué que les victimes de chiens errants sont de plus en plus nombreuses dans la capitale. Une gérante de cabines d’Orange Money, dans un quartier populaire de Gbessia-Port 1 raconte ainsi qu’un chien a mordu trois personnes en l’espace d’une heure, au début du mois d’août: «C’est un chien qui erre souvent là, personne ne sait d’où il vient ni à qui il appartient, mais toujours est-il qu’il ne dérange pas d’habitude. Mais curieusement ce matin-là, il était très instable. Quand il a mordu la première personne, comme c’était un enfant, on s’est dit qu’il l’avait taquiné. Mais deux, trois personnes, ça devenait suspect et on l’a chassé à coups de pierres», témoigne-t-elle.
Pour le personnel médical, l’une des raisons pouvant expliquer ce phénomène est la prolifération de décharges et d’ordures ménagères le long des rues. Les animaux errants ont tendance à se regrouper dans ces lieux et peuvent s’infecter dans leurs bagarres récurrentes et transmettre la rage. Mais, aucune mesure ne semble encore avoir été prise par les responsables. Et la rage étant une maladie incurable, le phénomène inquiète fortement.
Il y a quelques années déjà, un hebdomadaire de la place évoquait une affaire qui avait provoqué l’émoi. En 2007, un petit garçon de 3 ans s’était fait arracher le doigt par un chien errant, alors qu’il prenait son repas, assis par terre dans la véranda de ses parents.
En plus des morsures, les animaux errants peuvent aussi provoquer des accidents de la circulation. En traversant la route, ils s’arrêtent au milieu de la chaussée et les conducteurs font des manœuvres brusques pour les éviter.
Les chiens errants à Conakry : un danger public qui fait des victimes
De plus en plus, des animaux errant dans la ville de Conakry, créent des accidents. Ceci, depuis des années et dans l’indifférence des uns et des autres.
Alors qu’il venait de Kaloum pour Madina, en empruntant l’axe Coléah-Mafanco, Salifou S, un motocycliste se heurte à un chien qui a quitté (de façon précipitée) le quartier Domino et rejoignait l’autre côté de la route. Légèrement blessé au poignet gauche et aux deux genoux, il se lève et continue tranquillement son chemin car ne sachant pas à qui se plaindre. Un accident de circulation inhabituel relevant même de l’insolite. « Ce n’est pas pour la première fois qu’un tel accident se produit. Parfois, les chocs qu’ils occasionnent sont plus violents», a confié avec prudence, un témoin de l’accident, habitant du quartier Domino. Mais il y a plus étonnant. « Ces chiens n’appartiennent à personne. Ils dorment dans les rues du quartier et deviennent de plus en plus nombreux car ils procréent et personne ne les touche», a déclaré Thomas Richard, un autre habitant du quartier Coléah.
Dans les rues des quartiers de Conakry, il y a assez de chiens sans propriétaires. «Je rentrais du boulot un soir et une flopée de chiens s’était couché sur la voie, au niveau du garage des camions gros porteurs, situé après la station-service, non loin de l’Eglise Evangélique en allant vers la bretelle qui longe l’autoroute. Quand j’ai fait l’effort de les dépasser, trois d’entre eux se sont mis à mes trousses et ont réussi à me faire tomber en me tirant par ma chemise », a témoigné Thomas. Ces chiens par contre ont des propriétaires mais ceux-ci n’ont pas la main sur eux. Ceci parce qu’ils sont devenus très nombreux.
Pour la sécurité des paisibles citoyens, on ne traque que des malfrats et autres bandits. Or dans les quartiers, les cas d’animaux errants ne sont pas chose nouvelle. Il en a qui perdurent depuis des années et dureront encore longtemps et ceci dans la grande indifférence des différents responsables chargés de la sécurité des Guinéens. Dans cette situation, c’est l’errance des chiens qui effraye le plus. Car, nul n’ignore les inconvénients de la morsure d’un chien, qui de surcroît souffrirait de rage ou d’un autre mal, fatal à l’Homme. Il y a alors urgence en la matière.
Les autorités dépassées
Le gouvernorat, les maires et même le ministère de l’Elevage et de l’Aquaculture chargés de gérer le problème, sont en réalité un peu dépassées par l’ampleur du phénomène. Ils disent ne pas avoir le budget pour réagir efficacement. Il y a des campagnes de vaccination contre la rage des chiens de rue, mais c’est loin d’être suffisant. Aucune organisation de protection des animaux ne pallient non plus aux faiblesses du gouvernorat, du ministère de l’Elevage et des mairies. Et pourtant des voix s’élèvent pour dénoncer qu’en réalité 80% des chiens errants auraient des propriétaires, irresponsables, c’est-à-dire, qui laissent leurs chiens dans la rue toute la journée, qui lui donnent peu ou pas à manger, des animaux qui ne sont évidemment ni vaccinés, ni stérilisés.
Le phénomène de chiens errants a tellement pris de l’ampleur qu’il pose désormais un problème de sécurité publique à Conakry. En effet, il ne se passe pas un seul jour sans que l’on n’entende parler de morsure de chien dans un quartier. Face à cette situation inquiétante, il y a lieu d’en appeler à la responsabilité des autorités municipales. Il y va de la sécurité de tous.
Pourquoi les errants ?
Depuis la domestication du chien par l’Homme il y a des dizaines de milliers d’années, il y a vraisemblablement toujours eu des chiens errants. Ce n’est donc pas une situation nouvelle.
Le phénomène s’est toutefois largement amplifié depuis les chiens domestiques sont devenus des animaux de compagnie à part entière, et qu’on les retrouve en nombre dans tous les pays ou presque. Certains experts estiment ainsi à environ 500 millions le nombre de chiens domestiques dans le monde, ce qui en fait probablement l’animal de compagnie le plus répandu.
Or, une augmentation du nombre de chiens domestiques entraîne mécaniquement une augmentation de celui de chiens errants. En effet, ceux-ci sont en bonne partie d’anciens animaux de compagnie ayant été abandonnés, perdus, qui ont fugué ou qui se sont tout simplement retrouvés sans personne pour s’occuper d’eux. Dans certains territoires, des mesures ont été prises pour prendre soin de ces chiens sans famille : lorsque ce n’est pas le cas, ou que leur nombre est trop important pour qu’ils soient tous secourus, ils deviennent alors errants, par la force des choses.
Le phénomène s’auto-entretient ensuite naturellement, car les chiens errants non stérilisés se reproduisent entre eux et engendrent des petits qui à leur tour vivent dans la rue, et ainsi de suite.
Face à cette réalité, que faut-il faire?
Face à la recrudescence du phénomène des animaux errants, Dr Mohamed C vétérinaire, à Pita-Goncore, rencontré dans un cabinet privé à Hamdalaye nous apprend qu’ « un vaccin préventif est fortement conseillé par l’OMS » et qu’en cas de morsure « il faut laver la plaie avant de se diriger au plus vite vers un hôpital afin de recevoir le traitement adéquat » Et dira-t-il, « une fois que les symptômes – de la fièvre, de l’hydrophobie, des hallucinations ou des paralysies – apparaissent, la maladie est toujours mortelle ».
Pour le spécialiste, la solution la plus simple et la plus efficace pour contrer cela, serait de vacciner les chiens directement. Alors qu’aux yeux de certains, l’abattage systématique est préférable. C’est d’ailleurs le point de vue de ceux qui ont perdu un proche ou ont été blessés suite à une attaque de chiens de rue.
En Birmanie, l’empoisonnement des chiens de rue est autorisé selon une loi datant de 1922. Et le Comité de Développement de la Ville de Rangoun, la capitale ne s’en est pas privé, servant de la nourriture empoisonnée aux chiens errants depuis des années. C’est le moins cher et le plus rapide.
Pour pouvoir contrôler la population des chiens, il faudrait en effet selon l’OMS stériliser et vacciner 70% d’entre eux. S’occuper d’un animal domestique, cela prend du temps, et cela coûte aussi de l’argent. Dans la capitale Conakry, on rencontre dans tous les coins des chiens ou des chats à l’abandon. Toute la ville est devenue un dépotoir pour les chiens errants. Tout simplement parce que les propriétaires n’ont pas les moyens de les entretenir.
Les solutions aux problèmes des chiens errants
Pour faire face aux problèmes des chiens errants et tenter d’en réduire leur nombre, de nombreuses solutions ont été expérimentées à travers le monde, avec plus ou moins de succès. Certaines sont assez douces et bienveillantes, tandis que d’autres sont beaucoup plus radicales.
La solution la plus « efficace » à court terme mais aussi la plus radicale consiste à abattre massivement les chiens errants. L’idée n’est pas forcément de tous les éliminer, mais d’en tuer suffisamment pour que leur nombre soit ramené à un niveau jugé acceptable par les localités. La question de l’abattage des chiens errants se pose avec acuité, surtout dans les territoires où ils sont très nombreux, et où ils posent alors de graves problèmes de sécurité et de santé publique – notamment lorsque la rage est toujours présente et qu’ils en sont un des vecteurs.
Bien évidemment, l’abattage des chiens errants pose de gros problèmes sur le plan éthique, et fait bondir les associations de protection animale et les amoureux des animaux en général, en raison de sa grande cruauté. Qu’il soit pratiqué avec des armes à feu, des appâts empoisonnés ou d’autres méthodes, les chiens ciblés agonisent parfois pendant plusieurs jours. Quant aux cadavres, ils sont souvent laissés sur place, ce qui occasionne des problèmes d’hygiène évidents.
Il y a aussi la stérilisation qui est une alternative à l’abattage. Cette méthode est soutenue et même encouragée par les associations de protection animale. Elle consiste à les faire opérer afin qu’ils ne puissent plus se reproduire, et permet donc que leur population diminue naturellement sans avoir besoin de les abattre. Après l’opération, les animaux stérilisés peuvent être replacés là où ils vivaient, ou alors confiés à des refuges dans l’attente d’une adoption.
Rappelons enfin que les chiens errants constituent un véritable problème dans de nombreux pays et territoires à travers le monde. Accidents, maladies, nuisances, dégâts sur l’environnement… : ils suscitent le mécontentement de leur entourage – et c’est d’autant plus regrettable qu’eux-mêmes ont une vie loin d’être enviable…
Lutter contre le fléau des chiens errants n’est toutefois pas si simple, car aucune solution n’est parfaite. L’abattage de masse est généralement la méthode privilégiée pour éliminer un grand nombre d’individus à peu de frais, mais en plus d’être cruel, il ne semble paradoxalement pas être efficace à long terme pour endiguer le problème. Les politiques de stérilisation et de système de fourrière sont globalement plus efficaces, mais plus chères et plus compliquées à mettre en place.
Dans tous les cas, une politique de lutte contre les abandons de chiens semble indispensable, pour éviter que de plus en plus d’animaux se retrouvent à la rue et finissent par devenir errants faute de propriétaire. Cela passe notamment par des campagnes de sensibilisation, afin de faire prendre conscience qu’un animal n’est pas un jouet, dont on se débarrasse dès qu’on s’en est lassé. Beaucoup de chemin reste toutefois encore à parcourir avant que les abandons deviennent résiduels.