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L’insécurité la plus nocive pour un pays n’est ni physique ni sociale, elle est juridique. On parle d’insécurité juridique lorsque les normes juridiques qui régissent une société ne sont pas accessibles et intelligibles pour les citoyens.
L’avant-projet de la future (on ne l’espère pas en l’état) constitution guinéenne est un document composé de 205 articles, si ma mémoire est bonne. Je dis si ma mémoire est bonne car enfant on a appris à compter jusqu’à 10, à l’âge adulte on compte généralement jusqu’à 100, mais un constitutionnaliste a très rarement l’occasion de compter jusqu’à 205 ! Ce nombre est excessif pour un pays comme la Guinée. À titre de comparaison, la constitution française comprend 89 articles, le Sénégal et la Côte d’Ivoire en ont environ 180.
205 ARTICLES POUR DIRE QUOI ?
Est-ce pour parler des nouvelles libertés, des nouvelles institutions qui n’étaient pas prévues par les précédentes constitutions, notamment celle du 7 mai 2010 ? La réponse est NON. Cet avant-projet ne nous procure aucune nouvelle liberté que nous ne connaissions déjà.
LA REDONDANCE INUTILE DE CET AVANT-PROJET
Je constate que les libertés fondamentales, mentionnées dans le préambule, sont encore répétées de manière très détaillée dans le corps de la constitution. Or, on pourrait se limiter au préambule, car en droit, il a la même valeur que le corps de la constitution.
Dans la constitution française du 4 octobre 1958, les libertés sont indiquées dans le préambule (bloc de constitutionnalité) et non dans le corps de la constitution qui ne traite que des institutions et des rapports qu’elles entretiennent entre elles.
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (qui fait référence aux droits civils et politiques, etc.), les droits sociaux et la charte de l’environnement sont tous dans le préambule, appelé bloc de constitutionnalité, et non dans le corps de la constitution.
Référencer ces libertés dans le préambule de la constitution et les citer dans le corps de la constitution n’est rien d’autre qu’une tautologie juridique, une redondance qui entraîne la multiplication des articles, qui entraîne elle-même la multiplication des normes constitutionnelles, et qui entraîne enfin la complexité du droit, rendant ainsi la constitution difficilement intelligible, même pour des constitutionnalistes aguerris.
Cette situation est préjudiciable aux citoyens qui peinent à connaître leurs droits et à les faire valoir. La sécurité juridique voudrait qu’une constitution soit rédigée selon les principes d’accessibilité et d’intelligibilité.
Conseil d’un constitutionnaliste à une assemblée constituante : Réduisez le nombre d’articles !
La répétition excessive est certainement une future source d’insécurité juridique.
– La meilleure constitution est celle qui est accessible et intelligible pour les administrés.
« La meilleure constitution ne peut suffire à faire le bonheur d’une a Nation, mais une mauvaise peut suffire à en faire le malheur. » — Guy Carcassonne.
La suite dans le prochain épisode.
Mohamed Sanoussy Fadiga