Après Coza, repensons la sécurité incendie dans les stations-service de Guinée (Par Mohamed Kouyaté)

il y a 3 heures 15
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Mohamed Kouyaté

Dans la nuit du 10 octobre 2025, un incendie d’une rare intensité s’est déclaré à la station-service de Coza, dans la commune de Ratoma à Conakry. L’incident, maîtrisé après plusieurs heures d’intervention, a provoqué d’importants dégâts matériels et relancé le débat sur la sécurité incendie dans les stations d’essence en Guinée, notamment sur la pratique dangereuse du stationnement nocturne des véhicules sur ces sites.

Un environnement à haut risque, trop souvent négligé

Les stations d’essence sont des zones à très haut risque incendie. Elles concentrent des produits pétroliers hautement inflammables, des installations électriques sous tension, et un flux constant de véhicules. Dans un tel contexte, la moindre négligence peut suffire à déclencher un sinistre majeur.

Pourtant, dans plusieurs quartiers de Conakry, notamment à Coza, Kipé, Hamdallaye ou Matoto, il est courant d’observer des véhicules garés toute la nuit dans les stations-service — parfois abandonnés, parfois utilisés comme parkings improvisés. Cette habitude, tolérée par certains exploitants, constitue une bombe à retardement.

Pourquoi le stationnement nocturne en station-service est un danger extrême

Présence de carburants et vapeurs inflammables: Les réservoirs et conduites de distribution contiennent des produits volatils. Les vapeurs d’essence peuvent s’enflammer au contact d’une simple étincelle, même à distance.
Fuites d’huile ou de carburant: Les véhicules stationnés, en particulier les anciens modèles, présentent souvent des fuites d’huile moteur ou de carburant. Ces liquides, au contact du sol chaud ou d’une source d’étincelle, peuvent créer des foyers hautement inflammables.
Risques liés aux véhicules usagés: Un véhicule abandonné ou mal entretenu peut dissimuler de nombreux dangers: batteries lithium-ion défectueuses susceptibles d’exploser, résidus de carburant dans le réservoir pouvant s’enflammer spontanément, matériaux inflammables sensibles à la chaleur ambiante. En période de forte chaleur, ces éléments peuvent s’auto-enflammer sans intervention extérieure.
Étincelles ou mégots de cigarette: Il suffit d’un court-circuit dans une moto ou d’un mégot jeté imprudemment à proximité pour déclencher un incendie incontrôlable. Dans une station-service, un feu mineur devient très vite un désastre total.
Propagation rapide et entrave aux secours: En cas de départ de feu, les véhicules stationnés favorisent une propagation en chaîne et bloquent l’accès des secours.

Les leçons des réglementations internationales

Dans les pays disposant d’une réglementation rigoureuse, notamment en Europe, le stationnement dans les zones de distribution de carburant est strictement interdit. Les textes imposent des périmètres de sécurité dégagés, une signalisation visible, et des dispositifs de surveillance permanente.

En France, par exemple, les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) sont soumises à des obligations strictes: contrôles techniques périodiques, présence obligatoire d’un système automatique d’extinction, formation du personnel à la prévention des risques et interdiction de toute activité non liée à la distribution de carburant sur site.

Ces principes devraient inspirer la Guinée dans l’élaboration d’un cadre légal national pour la sécurité incendie et la prévention des risques technologiques, adapté à ses réalités et à ses infrastructures.

Une urgence nationale: réglementer la sécurité incendie

L’incendie de Coza illustre crûment le vide juridique et institutionnel qui entoure encore la sécurité incendie en Guinée. Aujourd’hui, les mesures de prévention reposent davantage sur la bonne volonté des exploitants que sur des textes législatifs et réglementaires contraignants.

Or, dans un contexte de croissance urbaine rapide et d’extension anarchique des infrastructures, il devient urgent que l’État guinéen se dote d’un cadre légal clair et moderne pour encadrer:

La conception, la construction et l’exploitation des stations-service;
La prévention des incendies et explosions sur les sites sensibles;
La formation et la qualification du personnel;
Le contrôle et la certification des dispositifs de sécurité.

Une telle démarche renforcerait la responsabilité des exploitants, la crédibilité des services de secours, et la protection des populations. Elle traduirait également la volonté du gouvernement de bâtir une politique publique cohérente de sécurité civile, conforme aux standards internationaux.

Conclusion: prévenir avant de guérir

Le drame de Coza n’est pas un simple accident; c’est un signal d’alarme national. Il rappelle qu’un véhicule mal garé, une fuite d’huile ou un court-circuit peuvent suffire à provoquer un incendie aux conséquences irréparables.

Il est temps que la sécurité incendie soit reconnue comme un enjeu stratégique de gouvernance publique. La Guinée gagnerait à inscrire cette priorité dans un arsenal juridique national, afin que la prévention du risque ne dépende plus du hasard ou de la négligence, mais de la loi, du contrôle et de la responsabilité.


Prévenir ces drames, c’est protéger la vie, l’environnement et l’avenir.

À retenir

Les stations d’essence ne sont pas des parkings: y garer un véhicule, même pour une nuit, met en danger des vies.
Les fuites d’huile ou de carburant, les batteries lithium-ion et les mégots peuvent déclencher un incendie incontrôlable.
Le Gouvernement guinéen est invité à légiférer pour encadrer la sécurité incendie à travers une loi nationale claire et contraignante.
Mohamed KOUYATE, Expert en sécurité incendie

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