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À l’occasion d’une conférence de presse tenue ce jeudi 23 octobre 2025 à la Maison de la Presse de Guinée, Amnesty International a rendu public un rapport accablant sur les violations des droits des travailleurs au sein de la Société guinéenne de palmiers à huile et d’hévéas (SOGUIPAH), une entreprise publique détenue à 100 % par l’État guinéen.
Ce rapport, fruit de plusieurs missions de recherche et d’entretiens menés sur le terrain, repose sur les témoignages de près d’une centaine de personnes : salariés et anciens employés de la SOGUIPAH, médecins, syndicalistes, avocats, planteurs et membres d’organisations de la société civile.
Des salaires de misère et un climat de peur
Intitulé « Lancement du rapport sur la SOGUIPAH », le document révèle de graves abus en matière de conditions de travail et de rémunération.
Selon Fabien Offner, chercheur à Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre :
« Ce que nous avons constaté dans cette entreprise d’État, c’est que le salaire minimum n’est pas appliqué. Nous avons pu consulter des dizaines de bulletins de paie prouvant que certains travailleurs touchent des montants inférieurs à 100 000 francs guinéens par mois, pour environ 170 heures de travail mensuel. »
Le rapport rappelle également que depuis 2019, les travailleurs de la SOGUIPAH ont organisé plusieurs manifestations à Diécké et à Conakry pour dénoncer leurs conditions de vie et de travail.
En 2024, une cadre aurait même été licenciée pour avoir publiquement dénoncé les conditions imposées aux femmes employées, ce qui illustre, selon Amnesty, un climat de peur et d’autocensure au sein de l’entreprise.
Des contrats opaques et une absence de transparence
Amnesty International met aussi en lumière les difficultés rencontrées par les planteurs familiaux affiliés à la SOGUIPAH. Ces producteurs indépendants vendent leurs récoltes de caoutchouc (EVA) et de palme à l’entreprise, mais leurs relations contractuelles restent floues.
« Il existe une convention signée dans les années 1990 définissant les liens contractuels entre les plantations familiales et la SOGUIPAH. Pourtant, ni les unions de planteurs ni les syndicats n’y ont accès, et nos propres demandes d’obtention de ces documents sont restées sans réponse », a précisé Fabien Offner.
Des atteintes au droit à la santé et à la sécurité au travail
Amnesty rappelle que la SOGUIPAH, en tant qu’entreprise publique, a l’obligation légale de garantir des conditions de travail sûres et saines à ses employés, conformément au Code du travail et aux normes internationales.
Le rapport déplore que l’État guinéen, en tant qu’actionnaire unique, n’ait pas rempli son rôle de contrôle :
« La SOGUIPAH a failli à ses obligations en ne respectant pas les droits des travailleurs. Et l’État guinéen a également failli en ne veillant pas à ce que ces droits soient effectivement garantis », a dénoncé le chercheur d’Amnesty.
Expulsions forcées et confiscation de terres
Le rapport évoque également la question foncière :
« Depuis la création de la SOGUIPAH en 1987, des milliers d’hectares ont été réquisitionnés par l’État pour les plantations d’hévéas et de palmiers à huile. Des habitants ont été dépossédés de leurs terres à cette époque, et des cas similaires se sont encore produits récemment, notamment en 2021 », indique Amnesty.
Dans la localité de Diécké, l’organisation note une omerta généralisée : les habitants craignent de s’exprimer publiquement sur les abus de peur d’être stigmatisés, sanctionnés ou licenciés.
Un cas emblématique est celui d’Angeline Camano, une élue syndicale licenciée après avoir critiqué sur Facebook les conditions de travail des femmes.
Les recommandations d’Amnesty International
En conclusion, Fabien Offner, accompagné de Habibatou Gologo, responsable de campagne régionale, et de Thierno Souleymane Sow, directeur exécutif d’Amnesty International Guinée, a formulé plusieurs recommandations :
- À la SOGUIPAH : garantir aux planteurs familiaux des prix d’achat justes, compatibles avec les prix du marché, afin d’assurer un revenu décent à leurs travailleurs.
- À l’État guinéen : respecter et protéger les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association, conformément à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
- À l’inspection du travail : diligenter sans délai des contrôles internes à la SOGUIPAH pour constater les violations des droits des travailleurs et exiger leur correction.
Aucune réaction des autorités
Amnesty International précise que ses conclusions, issues d’enquêtes menées entre 2024 et 2025 auprès de 90 personnes, ont été transmises le 3 octobre 2025 aux autorités guinéennes et à la direction de la SOGUIPAH afin de leur permettre de répondre.
Mais, au moment de la publication, aucune réponse officielle n’avait été reçue.
Mamadou Yaya BARRY
L’article Amnesty International accable la SOGUIPAH : ‘’certains salariés perçoivent moins de 100 000 GNF par mois pour 170 heures de travail’’ est apparu en premier sur Mediaguinee.com.