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Dans cet entretien accordé à Guinée360, le coordinateur du Forum des Forces Sociales de Guinée (FFSG), Abdoul Sacko, partage son analyse critique de la gestion de la transition guinéenne, alors que la fin du chronogramme signé avec la CEDEAO approche à grands pas. Abdoul Sacko dénonce l’absence d’enquêtes sérieuses sur les nombreux cas de corruption et de détournements de fonds publics, ainsi que les atteintes répétées aux droits fondamentaux des citoyens. Il avertit la junte contre les conséquences de la violation de ses engagements envers le peuple et la communauté internationale. Par ailleurs, il exhorte les Guinéens à prendre conscience de l’importance de se mobiliser pour défendre leurs droits et exiger des dirigeants une gouvernance plus juste et responsable.
Guinee360 : Nous sommes à quelques jours de la fin du programme de transition. Tout porte à croire qu’il n’y aura ni élection ni retour à l’ordre constitutionnel avant la fin de l’année. Comment observez-vous cette situation ?
Abdoul Sacko : Objectivement, il faut se poser la question : quelle est la raison d’être de la gouvernance du CNRD aujourd’hui ? Qu’est-ce que le CNRD a réalisé en termes d’engagements et de contenus qui lui ont permis de bénéficier de l’adhésion du peuple guinéen depuis le 5 septembre 2021 ? Je pense que la réponse est simple : il n’y a rien de concret. Sur le plan social, le Guinéen est réduit à sa plus simple expression pour faire face à ses obligations quotidiennes, contrairement à nos traditions et à nos pratiques de solidarité familiale et sociale. Sur le plan économique, il n’y a aucun indice ou perspective qui pourrait montrer que cette gouvernance a une raison d’être.
Quant à la question des libertés, toute forme de critique ou de contre-pouvoir face à la gestion de la transition a été réduite au silence. Il suffit de rappeler la fermeture des médias et l’interdiction systématique des manifestations. Et qu’en est-il de la sécurité ? Dans un pays où des individus disparaissent sans qu’on ne sache qui est responsable, comment peut-on rester indifférent ? Quant à la justice, elle semble se concentrer, non pas sur la répression des délits économiques et financiers, mais sur l’élimination des contre-pouvoirs. Prenez, par exemple, l’incendie des hydrocarbures de Kaloum, un drame sans précédent en Guinée. Le gouvernement avait promis une enquête, mais un an après, il n’y a toujours aucune avancée concrète. Où en sommes-nous ? Alors, qu’est-ce qui reste du CNRD aujourd’hui ? En résumé, pour une lecture objective, responsable et patriotique, je peux dire que le CNRD n’a plus sa raison d’être.
Qu’en est-il des actions entreprises par les forces vives pour contraindre le CNRD à respecter ses engagements ?
Le CNRD a montré toutes ses limites. Il n’a ni la compétence, ni les ressources humaines nécessaires pour comprendre les préoccupations et les aspirations du peuple, tant en matière de gouvernance que de liberté, d’épanouissement individuel et collectif. Il est clair que le CNRD ne respecte pas ses engagements. Je ne crois pas qu’il y ait quoi que ce soit à faire désormais pour l’amener à respecter ses engagements vis-à-vis du peuple et de la communauté internationale. Après un an et quatre mois de bonus, les autorités s’étaient engagées à terminer la transition et à revenir à l’ordre constitutionnel avant le 31 décembre 2024.
Que pensez-vous de la déclaration de la CEDEAO lors du dernier sommet ?
La CEDEAO n’a même pas eu le courage d’admettre qu’à l’issue de l’évaluation, ils ont constaté un vide total dans la gestion de la transition. Comme je l’ai dit, le CNRD n’a plus sa raison d’être. Nous avons fait des propositions, analysé la situation, mais la junte a ignoré toutes nos recommandations. Par exemple, concernant le RAVEC, nous avons expliqué qu’il serait impossible, même dans cinq ou dix ans, d’obtenir un fichier électoral fiable et pertinent pour les besoins de la Guinée. Malgré cela, ils persistent à insister sur le RAVEC, ce qui augure un échec.
Les forces vives ont annoncé qu’elles ne reconnaîtront pas les autorités de la transition après le 31 décembre 2024. Maintenez-vous cette position ?
Oui, nous maintenons cette position. Le CNRD et la CEDEAO ont clairement annoncé que la gouvernance du CNRD prendrait fin au 31 décembre 2024. Le président de la transition a été catégorique, affirmant qu’après cette date, il n’y aurait plus de place pour lui. En conséquence, comment pouvons-nous reconnaître une autorité qui s’est déjà autoproclamée et qui a une date d’expiration ? Les forces vives, en s’alignant sur cette position, ont simplement amplifié ce message pour dire qu’à partir du 31 décembre, cette autorité n’existera plus.
Quels types d’actions les forces vives prévoient-elles dans le cadre de la transition civile ?
Les forces vives ont déjà fait des propositions auprès des régulateurs sociaux et des partenaires internationaux. Ce que nous allons faire sera annoncé dans les jours à venir, et ce ne sera pas dans la clandestinité. Nous avons vu que des manifestations sont projetées, notamment à Paris, le 28 décembre. Ce mouvement ne se limitera pas à Paris, mais touchera d’autres pays. Ce n’est pas uniquement une action des forces vives reconstituées, mais un appel de tous les Guinéens, dans leur diversité, qui se sentent trahis par cette transition. Nous avons été trompés, et nous ne l’accepterons pas.
Concernant la lutte contre la corruption, certains cadres, comme Mendian Sidibé, ont été poursuivis et traduits devant la CRIEF. Que vous inspire cela ?
Je me demande si c’est vraiment un réveil du CNRD en matière de moralisation de la gestion publique, car depuis le début, ils n’ont pas montré de véritable engagement en ce sens. Prenez l’exemple de Mendian Sidibé, qui avait été mis en cause dès le début de son mandat, mais aucune action concrète n’a suivi. Est-ce un véritable réveil ou simplement une manœuvre politique pour régler des comptes internes ? Espérons qu’il s’agisse d’un véritable changement de direction, même s’il arrive trop tard. Il est crucial que cela ne soit pas qu’un simple spectacle, mais un véritable engagement en faveur de la moralisation de la gestion publique.
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