Vol à l’arraché : « Il est urgent d’organiser des patrouilles régulières pour dissuader ces délinquants » (Me Labilé)

il y a 7 heures 52
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Le vol à l’arraché devient de plus en plus récurrent à Conakry. Récemment, deux personnes dont les objets ont été retirés en pleine circulation par des motards sont tombées et ont succombé à leurs blessures.

Le dernier cas en date, survenu le vendredi 31 octobre 2025, concerne un jeune transitaire, Mohamed Barry, surnommé « Nedved », qui a perdu la vie après avoir été victime d’une tentative d’arrachage de sac à Lambanyi.

La situation inquiète les défenseurs des droits de l’homme, notamment le président de l’ONG Avocats Sans Frontières Guinée.

Dans un entretien accordé à notre rédaction ce lundi 3 novembre 2025, Me Aimé Christophe Labilé Koné a invité les services de sécurité à agir immédiatement pour stopper ce phénomène.

Mosaiqueguinee.com : Me Labilé, ces dernières semaines, plusieurs cas de vols à l’arraché ont été signalés, certains ont même coûté la vie à des citoyens. Quelle lecture faites-vous de cette situation ?

Me Christophe Labilé : C’est un phénomène qui, comme vous l’avez dit, prend de l’ampleur. Certes, il n’a pas commencé hier, mais aujourd’hui, la proportion est inquiétante. À ce stade, plusieurs questions doivent être posées. On constate que la violence prend souvent le dessus, même sur ceux qui sont censés assurer la sécurité des citoyens. Quand on analyse le mode opératoire, on se rend compte qu’il s’agit d’une criminalité difficile à contrôler. Le malfaiteur a toujours une longueur d’avance sur les forces de l’ordre. Ce phénomène est d’autant plus dangereux qu’il se déroule dans la circulation. Les agresseurs opèrent à moto, repèrent leurs victimes et arrachent sacs, téléphones ou objets de valeur. Le geste est souvent brutal. Lorsque l’objet reste accroché, la victime peut être entraînée et tomber, parfois mortellement.

Par le passé, les malfrats opéraient souvent devant les banques. Leur méthode consistait à poser des clous ou des pointes sous les pneus des véhicules de clients présumés avoir retiré de l’argent. Quand la victime constatait la crevaison, ces mêmes individus lui proposaient leur aide pour changer le pneu. Pendant ce temps, ils profitaient de la distraction pour voler de l’argent ou même subtiliser le véhicule. Mais le phénomène actuel est encore plus dangereux, car il se déroule en pleine circulation. Nous déplorons déjà deux morts, et si rien n’est fait, il pourrait y en avoir davantage.

Selon vous, qu’est-ce qui explique cette recrudescence des actes de banditisme ? Est-elle liée à la pauvreté et au chômage ?

Bien sûr que oui. La plupart des auteurs de ces agressions sont des jeunes sans emploi. Certains se présentent comme étudiants ou titulaires de licence. Faute d’opportunités, ils empruntent des raccourcis dangereux pour subvenir à leurs besoins. Il faut donc agir sur les causes profondes : créer des emplois, relancer les formations professionnelles et favoriser l’insertion économique des jeunes. La redistribution équitable des richesses nationales permettrait de réduire ce type de délinquance.

Du point de vue juridique, comment la loi guinéenne sanctionne-t-elle les auteurs de ces actes ?

La loi est claire et sévère. Le Code pénal et le Code de procédure pénale répriment lourdement ces comportements. Mais il faut que toute la chaîne judiciaire joue son rôle (officiers de police judiciaire, procureurs, juges). Nous ne demandons pas de punir arbitrairement, mais d’appliquer la loi dans toute sa rigueur, après une enquête sérieuse et un procès équitable. Si la personne est reconnue coupable, elle doit purger sa peine. C’est aussi cela, le respect des droits de l’homme : protéger les citoyens tout en respectant la loi.

Pour terminer, quelles recommandations adressez-vous aux autorités, mais aussi aux citoyens, pour freiner ce phénomène qui sème la peur à Conakry ?

Les autorités, notamment la police et la gendarmerie, doivent revoir leurs dispositifs. La criminalité a gagné du terrain, il faut que la riposte monte d’un cran. Il est urgent d’organiser des patrouilles régulières pour dissuader ces délinquants. La présence visible des forces de sécurité sur les grands axes pourrait décourager les agresseurs.

Nous vivons dans une société profondément religieuse. Nos valeurs interdisent de nuire à autrui ou de s’approprier le bien d’un autre. Ceux qui volent savent pertinemment que ce qu’ils font est mal. Il faut encourager l’autodiscipline, apprendre à vivre selon ses moyens et non au-dessus. Le mieux serait d’apprendre un métier et de créer sa propre activité. Beaucoup de Guinéens réussissent aujourd’hui sans avoir fréquenté de grandes écoles. Ils ont simplement su exploiter leurs talents et bâtir leur entreprise.

Tout commence par la conscience et la volonté. Si l’on croit en son rêve et qu’on choisit la bonne voie, on peut réussir sans nuire à autrui. L’État doit aussi adapter les formations aux besoins réels du marché, car tout le monde ne peut pas travailler dans l’administration publique. Il faut valoriser les métiers techniques et encourager l’entrepreneuriat. Ceux qui s’y engagent créent souvent de l’emploi pour d’autres. C’est ainsi que nous construirons une société plus juste et plus sûre.

Entretien réalisé par Hadja Kadé BARRY

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