Simandou ou Simandance ? Quand la fête enterre le futur de la Guinée

il y a 4 heures 14
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La Guinée est assise sur une montagne d’or… ou plutôt de fer. Mais elle danse au bord du précipice.

Simandou, ce gisement mythique, renferme plus de 2 milliards de tonnes de minerai de fer de haute qualité, faisant de lui l’un des plus grands gisements inexploités au monde. Il pourrait transformer notre pays en une puissance économique majeure en Afrique de l’Ouest, sortir des millions de Guinéens de la précarité, bâtir des infrastructures modernes, créer des emplois durables et forger un avenir ambitieux. Mais pendant que les milliards se dessinent à l’horizon, c’est une tout autre scène qui capte les regards : celle des fêtes, des paillettes et des projecteurs braqués sur tout, sauf l’essentiel.

À Conakry, on danse pendant que Simandou dort. On célèbre des stars venues d’ailleurs, on déroule le tapis rouge à des artistes étrangers, pendant que nos écoles s’effondrent et que nos jeunes sombrent dans l’ennui. Le 2 avril 2025, notre ministre de la Culture, Moussa Moïse Sylla, posait tout sourire avec Débordo Leekunfa et Ben Wallace avant leur spectacle. Avant eux, c’étaient Fally Ipupa, Koffi Olomidé, Sidiki Diabaté… tous reçus avec faste. Mais où sont nos artistes guinéens ? Sékouba Kandia, Petit Kandia, Takana Zion, Azaya… Ils restent dans l’ombre, visibles uniquement à travers des scandales ou des chansons banalisant la vulgarité.

Comment espérer une jeunesse ambitieuse quand on lui impose des modèles de bruit et d’excès ? Nos enfants ne méritent-ils pas mieux ? Ne méritent-ils pas des exemples inspirants pour rêver plus haut et construire, plutôt que de se perdre dans la superficialité ?

Pendant qu’on importe des stars à prix d’or, nos talents meurent de faim. Pendant qu’on organise des soirées VIP dans les grands hôtels, nos étudiants manquent de bancs, de cahiers, de lumière. Nos entrepreneurs n’ont pas accès aux financements nécessaires pour concrétiser leurs idées. On injecte des millions dans l’éphémère, alors que le long terme est à l’agonie. On préfère le selfie aux solutions, le buzz au travail. Et pour couronner le tout, quand ces mêmes entrepreneurs tentent de survivre, on les menace de prison s’ils ne paient pas leurs impôts et taxes, comme s’ils baignaient dans les milliards de Simandou. Certains sont même contraints de jurer sur le Saint Coran avant de signer des contrats. La foi comme garantie bancaire. L’intimidation comme politique économique.

Et Simandou dans tout ça ? Ce tam-tam ancestral, qui pourrait réveiller la Guinée, promet une révolution économique. Mais pour qui, au juste ? Certainement pas pour cette jeunesse laissée sans boussole, ni pour ces villages que les bulldozers contournent sans jamais s’arrêter. Où sont les formations pour permettre à nos jeunes de maîtriser ce gisement ? Où sont les écoles d’ingénieurs, les centres techniques, les incubateurs de startups ?

On nous parle de milliards à venir, mais on n’investit même pas les millions nécessaires pour préparer ceux qui devront les gérer. Pas un plan national de formation, aucune politique ambitieuse. Juste des projecteurs et des soirées VIP, pendant que le pays reste dans le noir, au propre comme au figuré.

Ce branding festif, censé incarner la modernité, est une gifle à la dignité de notre jeunesse. Les jeunes Guinéens ne sont pas des pantins à ambiancer. Ils veulent des emplois, un avenir, pas un mirage. La culture guinéenne ne doit pas quémander sa place, elle doit rayonner à partir de ses racines. Nous avons Simandou, nous avons l’argent, et nous avons le devoir d’en faire un levier pour révéler nos talents et nourrir nos rêves.

Il est temps de changer de cap. Il faut investir massivement dans l’éducation et la formation professionnelle. Les richesses minières ne sont durables que si elles reposent sur une population formée, capable d’en tirer profit avec intelligence et souveraineté. Nos infrastructures éducatives sont en ruine, et nos jeunes manquent de perspectives. Il faut lancer des programmes de formation dans les métiers liés à l’industrie minière et renforcer l’enseignement général.

Parallèlement, il faut soutenir l’entrepreneuriat local. Nos jeunes entrepreneurs ont besoin de financements, de ressources modernes, de réseaux solides pour faire éclore leurs projets. Le gouvernement doit créer un environnement propice à la création et à l’innovation. Il ne suffit plus de dénoncer, il faut agir. Il faut mobiliser la jeunesse, organiser des actions, faire entendre une voix qui dit non à la distraction généralisée, non à l’injustice, non au sacrifice silencieux d’une génération. Simandou doit nourrir les Guinéens, pas les stars étrangères.

Et si nos dirigeants déroulent le tapis rouge aux artistes et influenceurs étrangers, qu’ils sachent aussi ouvrir leurs portes aux jeunes porteurs d’idées. Que les créateurs d’avenir aient autant accès aux décideurs que les faiseurs de buzz. L’inspiration ne vient pas que des projecteurs, elle naît aussi dans les salles de classe, les garages d’invention, les petites entreprises locales et les incubateurs de rêves. Offrir à cette jeunesse un accès direct, simple et respectueux à nos institutions, ce n’est pas une faveur : c’est un devoir républicain.

La Guinée ne manque pas de flammes. Elle manque de leaders qui osent souffler sur ses braises. Simandou peut transformer la Guinée. Mais pas entre deux danses, pas sous les spotlights de la superficialité. Le choix est simple : bâtir ou distraire.

Danserons-nous jusqu’à ce que Simandou disparaisse dans l’oubli… au rythme d’une simandance ?

Ousmane Boh KABA

 

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