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Né en 1950 à Coyah, Sankoumba Doukouré est caméraman et réalisateur de profession. Fils de feu Dyeli et feue Bobo Diaby, marié et père de quatre enfants, il a effectué ses études primaires à Tombo, puis au collège technique, avant de sortir de l’ENAM en qualité d’agent technique.
Sur le plan professionnel, il a suivi des formations grâce à des bourses et stages à la TDF (Télédiffusion de France) et à l’INA (Institut national audiovisuel) de Paris. Son nom apparaît sur de nombreux clips de musiciens guinéens en tant que réalisateur. Il a été honoré par plusieurs distinctions, dont le « Diassa d’or » et la « Caméra d’or ».
Cameraman attitré du couple présidentiel feu Lansana Conté et feue Henriette Conté pendant 24 ans, il a récemment déposé ses œuvres à la direction des archives nationales de Guinée, recevant un diplôme d’honneur pour sa contribution au développement des archives.
Malgré sa retraite administrative, Sankoumba Doukouré reste intimement lié à la caméra. Il se confie sur son métier et sur l’amour qu’il lui porte. Découvrez l’homme et les contours de son métier de cameraman-réalisateur.
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Guinéenews : Bonjour M. Doukouré, peut-on savoir comment vous êtes devenu cameraman ?
Sankoumba Doukouré : Très jeune, j’ai été charmé par ce métier. A travers une toile, une bougie et quelques baguettes, j’attirais autour de mon entourage, plusieurs amis de même génération, afin de venir suivre mes prouesses en matière de films. Plus tard, j’ai rencontré Docteur Sultan, qui possédait une caméra de 8mm, et une autre caméra super, qui ne pouvaient pas donner la même lecture. J’ai suivi Docteur Sultan, pendant qu’il filmait les cérémonies de défilés en face de la Banque centrale. C’est là où j’ai été initié et au même moment, j’ai opté pour l’ABC de la camera, c’est-à-dire la photographie. J’ai beaucoup aimé l’esthétique, et je ne filmais et photographiais que les belles femmes, et très peu les hommes. Je m’intéressais à la nature et au fait, tout ce qui est beau, et cela est connu de tous mes collègues.
Guinéenews : A part feu Docteur Sultan, aviez-vous eu un autre mentor ?
Sankoumba Doukouré : Franchement bien que j’avais ma camera 8mm, caméra film que l’on pouvait projeter à l’écran, c’est ce grand monsieur (Docteur Sultan, ndlr), qui m’a initié, et m’a conduit vers ce grand chemin. Il a eu plus de 100 ans de vie. Je prie Dieu, que son âme repose en paix.
Guinéenews : Constant réalisateur de clips, pouvez-vous nous expliquer les différentes étapes de réalisation d’un clip ?
Sankoumba Doukouré : Vous savez le réalisateur reçoit en premier lieu, le manager ou le producteur de l’artiste. Le matériel connu est en place. Il s’agit tout d’abord d’écouter la ou les musiques de l’artiste sur un support. Au choix, et selon les penchants, et prédispositions de l’équipe, l’on passe immédiatement à la sélection conventionnelle, et à l’écoute renouvelée de la musique. Il faut toujours écouter l’artiste même en Play back. Le choix, du ou des décors en fonction du contenu du message, les scénarii, sont en somme quelques étapes qui entrent en ligne de compte dans la réalisation d’un clip, sans oublier le budget, ou le cachet du réalisateur et son équipe.
Guinéenews : Quelles sont les relations qui lient le producteur de l’artiste et le réalisateur ?
Sankoumba Doukouré : Ce sont des relations de complémentarités pour la réussite du travail proposé. Ils viennent avec une enveloppe qui parfois, est consistante ou peu selon leurs moyens. Les montants peuvent varier entre 500 000 et 5 000 GNF
Guinéenews : Peut-on confirmer qu’un réalisateur est un artiste ? Le choix du scénario, du décor, des tenues et autres aspects dépend de qui ?
Sankoumba Doukouré : C’est un partenariat. Et je peux confirmer que le réalisateur est un pro-artiste, un mélomane, puisqu’il doit écouter la musique pour enfin pouvoir travailler dessus. Il arrive aussi que le manager ou le producteur de l’artiste impose ses vœux dans la réalisation. Souvent il est entouré d’une équipe qui propose des idées.
Guinéenews : Est-ce c’est le réalisateur qui dirige l’artiste sur le plateau ou une autre personne ?
Sankoumba Doukouré : En réalité c’est le réalisateur qui dirige l’artiste. Et comme je vous l’ai déjà dit, le réalisateur est contraint d’écouter aussi l’autre partie, pour mieux améliorer son travail. Il est évident que c’est le réalisateur qui doit gérer le terrain du tournage.
Guinéenews : Quelqu’un disait « réaliser un clip tout seul, vous ferez un bon clip, réalisez un clip avec une équipe, vous ferez un excellent clip ».
Sankoumba Doukouré : Il y a le cadreur, le monteur. Il y a l’ingénieur de sons, le costumier, le décorateur… Cette composition de l’équipe est classique. Il y a l’électricien qui s’occupe de la lumière, le technicien avec un lecteur qui distille la musique, l’assistant réalisateur ou cameraman, et enfin le réalisateur. Je suis d’accord avec celui qui a dit qu’avec une équipe, on réussit toujours à faire un excellent boulot.
Guinéenews : Quel est le moment le plus favorable pour la réalisation d’un clip (jour ou nuit) ?
Sankoumba Doukouré : En tant que cameraman et réalisateur, je préfère travailler pendant la journée, car l’effort fourni pendant la nuit avec la lumière artificielle, l’énergie est considérable, et c’est ce qu’on appelle dans le jargon le 3200. Pendant la journée, c’est la lumière du soleil (5300). Il arrive que l’on travaille le jour et la nuit, et cela dépend de l’orientation générale du clip.
Guinéenews : Selon les genres musicaux connus en Guinée et sur tous les plans, quel est le genre le plus facile à réaliser en matière de clips ?
Sankoumba Doukouré : Tout au début, j’ai travaillé avec Louis Auguste le Roy avec les variétés musicales et c’est plu tard que les réalisations des clips ont vu jour. J’aime tous les genres musicaux, et j’ai quand même plus de penchant pour le mandingue. J’aime écouter le son du balafon et de la guitare basse. Quand je ne suis pas de bonne humeur, les sons de ces deux instruments m’apaisent.
Guinéenews : Pouvez-vous nous chiffrer de nos jours, le nombre de clips que vous avez réalisé ?
Sankoumba Doukouré : Franchement, il me sera très difficile de fournir le nombre de clips que j’ai réalisés. J’ai réalisé beaucoup de clips en compagnie de mes collègues notamment feus Georges Cissé (Paix à a son âme), Georges Soumah, Oumar Touré ‘’Le Bon’’. Nos œuvres pouvaient être retenues à l’antenne de la RTG pendant des semaines.
Guinéenews : La réalisation d’un clip pourrait prendre combien de temps ?
Sankoumba Doukouré : la réalisation d’un clip pourrait prendre 1 à 2 jours, et cela dépend généralement du temps consacré à la musique (5minutes ou plus).
Guinéenews : En tant que réalisateur, quelles sont les difficultés liées à ce métier ?
Sankoumba Doukouré : Chaque métier comporte des risques ou difficultés. Il arrive parfois de tourner toute une journée, et que l’électronique lâche par exemple avec la carte mémoire, et même le disque dur. Il peut y avoir des fausses manœuvres involontaires, et nous perdons tous les enregistrements. Nous serons contraints de revenir encore là-dessus.
Avec la pellicule par exemple bien qu’elle soit indélébile, il y a un délai, et les pellicules peuvent se détériorer par après. Avec l’électronique, il est possible de transférer la carte sur une clé USB, qui peut résister entre 5 à 30 ans, si la conservation est bien nette. Il est donc conseillé d’enregistrer ses œuvres sur des supports. Les disques durs sont aussi un autre support de conservation, qui peut aussi s’effacer d’un moment à un autre. Donc il y a plusieurs difficultés qui entourent les métiers.
Guinéenews : Parmi tous ces clips réalisés, pouvez-vous nous choisir 3 meilleurs d’entre eux, qui vous a retenus l’attention ?
Sankoumba Doukouré : Une très belle question, et j’avoue qu’il y en a plusieurs et de préférence, il y a le clip d’Amadou Sodia ‘’Tentation’’, ‘’Ecole Karamo’’ de feu Manfila Kanté de Paris, et ‘’Sory Kandia Dènkè’’ de Sékouba Kandia Kouyaté, que j’ai réalisé en collaboration avec mon professeur Justin Morel Junior.
C’est le lieu pour moi, de rendre hommage à cet intellectuel guinéen, qui continue à tout donner pour la culture guinéenne. Pour rappel, il m’a beaucoup aidé dans l’électronique, et il m’avait même confié une caméra de travail de haute qualité, qui a couté dit-on près de 75.000 dollars. C’est lui qui m’a octroyé une des bourses de formation à l’étranger, et qu’il en soit remercié ici dans vos colonnes.
Guinéenews : Participez-vous à la formation des jeunes pour assurer la relève ?
Sankoumba Doukouré : A chaque rencontre avec les jeunes, plusieurs sont curieux, et ils me posent des questions autour des secrets de la camera. Personnellement bien qu’avec toutes ses expériences acquises, je suis toujours assoiffé de connaissances, puisque la science évolue. L’électronique avance, et on ne peut pas tout connaitre. Il faut toujours se remettre à jour. Pour une formation pratique ou théorique, je ne me suis pas assez trempé au niveau des institutions universitaires, telles l’Institut Supérieur des Arts Mory Kanté de Guinée, ou les autres de Kountia et ailleurs.
Je suis quand même convaincu qu’il y a mon collaborateur de longue date El’Omar qui dispense des cours, ainsi que Ciré Dieng, et plusieurs autres de la vieille garde. Donc la formation des jeunes pour la relève, je suis persuadé qu’elle est assurée.
Guinéenews : Quel est le plus beau souvenir et le pire que vous gardez dans ce métier ?
Sankoumba Doukouré : Mes plus beaux et pires souvenirs émanent de ma caméra. Les plus beaux s’illustrent par les multiples voyages en compagnie de ma caméra pour mes reportages. J’ai effectué plusieurs fois le tour du monde. Avant 1984, c’est-à-dire la prise du pouvoir par l’armée, j’avais déjà effectué plusieurs voyages au temps du premier régime. Ces différents voyages se sont multipliés pendant la deuxième république avec le couple présidentiel feu Général Lansana Conté et feue Henriette Conté. J’ai été le cameraman attitré de ce couple. J’ai sillonné assez de pays en leur compagnie. Ces voyages resteront toujours mes meilleurs souvenirs. Le pire des souvenirs c’est encore en compagnie de ce couple, du retour des Etats-Unis dans le Boeing 737. Un mauvais temps annoncé au niveau du Maroc, nous a empêchés d’atterrir à Casablanca. C’était de la panique totale dans l’avion. Les pilotes étaient aussi dans l’inquiétude. Laissez-moi vous dire que sauf le Général Lansana Conté, qui n’a pas eu de frayeur, puisqu’il se promenait entre la queue de l’avion et sa place officielle avec sa cigarette en main. C’était une pratique qu’il avait l’habitude de faire pendant les voyages et déchaussé à l’appui. Nous avions pu atterrir à Rabat avec toutes les difficultés. A la descente, j’ai décidé de continuer pour la suite du voyage par route Rabat-Conakry. J’ai été sensibilisé pour continuer par avion, et depuis, j’ai eu cette peur bleue pour le transport par avion. C’est un mauvais souvenir pour moi.
Guinéenews : Après tout cet élogieux parcours, qu’est-ce que ce métier vous a rapporté ?
Sankoumba Doukouré : C’est à travers ce métier, que j’ai pu fonder une famille, père de 4 enfants, et en association avec mon épouse, nous avions pu bâtir un abri. Des relations, j’en ai plusieurs présentement à travers ce boulot. J’ai aussi de la notoriété, partout où je passe avec ma caméra, c’est une reconnaissance de la part de toutes ces personnes rencontrées.
Guinéenews : Quelles sont actuellement vos sources de revenus ?
Sankoumba Doukouré : Tous mes revenus proviennent de ma caméra, c’est à dire de mes reportages. Il faut signaler que j’ai ma carte du BGDA, où je gagne un certain montant à chaque occasion de la distribution des droits d’auteurs.
Guinéenews : Depuis un temps, vous êtes à la retraite au niveau de l’administration guinéenne, qu’est-ce qui vous motive encore à évoluer toujours dans ce domaine ?
Sankoumba Doukouré : Comme vous le dites, la retraite c‘est par rapport à l’administration. La camera c’est un métier que je continue d’exercer. C’est comme un chauffeur, quand il apprend à conduire, c’est pour toute la vie, ou un journaliste avec sa plume. La camera veille sur moi, autant je veille sur elle. C’est ma vie de tous les jours. Pour moi la camera est sacrée.
Guinéenews : Quel est votre secret depuis tout ce temps ?
Sankoumba Doukouré : Mon secret c’est d’être attentif, sérieux dans le travail et respecté les autres dans la collaboration et dans la vie active. La curiosité pour toujours apprendre, est un autre utile secret. Il faut toujours avoir de l’égard pour ses prochains. C’est le lieu pour moi, de remercier mon ministre Fana Soumah, pour son attention à mon endroit, et pour le respect qu’il me voue.
Guinéenews : quels conseils prodiguerez-vous à cette jeune génération voulant suivre vos traces ?
Sankoumba Doukouré : Je convie les jeunes de se référer à la vieille génération, de s’approcher des anciens pour des échanges utiles, dans la pratique de ce métier de cameraman. A chaque fois, que j’appuie sur le bouton ‘’REC’’, c’est une immense joie que je ressens. Il faut que les jeunes aient l’amour pour ce métier, car c’est un métier noble. Je vous remercie, et vous charge de transmettre mes remerciements, à votre coordinateur monsieur Amadou Tham Camara, qui a pensé à moi.
Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews