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« Face à la crise sociopolitique en cours en Guinée, la communauté internationale, notamment la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest doit agir le plus rapidement que possible pour prévenir de nouvelles violences. Alors que le délai du 31 Décembre 2024 arrive, la CEDEAO doit agir maintenant pour réunir les acteurs sociopolitiques guinéens autour de la table pour discuter sur les approches de solutions pouvant contribuer à l’apaisement et la décrispation. Il est urgent que les chefs d’Etats de la Communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest se saisisse du dossier guinéen soit en désignant un nouveau médiateur ou en envoyant celui initialement désigné pour tenter une fois encore de rassembler les acteurs sociopolitiques guinéens autour de la table. Toutes les solutions de sortie de crise devraient être prises en compte et proposées aux acteurs sociopolitiques guinéens et autorités de la transition pour trouver un accord. Pour cela, les autorités de la transition doivent sortir de la rigidité du discours tout en faisant des concessions aux acteurs sociopolitiques guinéens qui contestent la démarche dans la conduite des opérations visant le retour à l’ordre constitutionnel », a notamment écrit la CONAREG.
Ci-dessous, Guineematin.com vous propose l’intégralité de ce mémorandum de la Coalition Nationale d’Appui à la Réconciliation en Guinée (CONAREG)
- Présentation de la CONAREG
La Coalition Nationale d’Appui à la réconciliation en Guinée (CONAREG), créée en 2018, est une organisation faitière qui regroupe en son sein plusieurs organisations de la société civile, des associations de victimes et des acteurs sociaux en Guinée. La CONAREG mène des actions de plaidoyer axée sur la justice transitionnelle, la prévention des conflits, le soutien psychosocial, elle crée des cadres de concertation entre société civile, autorité et communauté afin de favoriser la réconciliation nationale. Elle fait partie du réseau des organisations membres de la Coalition Internationale des Sites de Consciences.
La CONAREG encourage l’implication des acteurs sociopolitiques et des leaders d’opinions pour qu’ensemble ils fassent de la Guinée un pays de paix et de développement social durable.
- Crises Sociopolitiques en Guinée dans le contexte des transitions
La République de Guinée a connu quatre (4) transitions politiques depuis son accession à l’indépendance, parfois avec violence entraînant l’arrêt normal du fonctionnement des Institutions publiques.
Presque toutes les transitions politiques que la Guinée a connues ont été caractérisées par des violations des droits de l’Homme qui ont engendré des frustrations chez une partie de la population. Cela, du fait de l’absence de dialogue ou du respect des engagements initiaux.
Comment éviter à la Guinée une nouvelle crise qui pourrait déboucher à des violences ? Comment dans ce contexte de tensions entre autorités de la transition et acteurs sociopolitiques la Guinée pourrait retrouver la paix et la stabilité ? Comment rétablir rapidement la confiance pour prévenir de nouvelles crises ? Quels rôles devraient jouer toutes les parties prenantes à la crise guinéenne pour une transition réussie ?
Voilà autant de questions qui ont poussé la Coalition Nationale d’Appui à la Transition en Guinée pour adresser le présent mémorandum au gouvernement, acteurs sociopolitiques, partenaires internationaux pour une sortie de crise.
Mais, faisons un appel à la mémoire d’abord…
- Rappel Historique
Depuis son accession à la souveraineté nationale le 2 Octobre 1958 suite au référendum gaulliste, l’Etat guinéen fait face à des crises récurrentes qui ont contribué à freiner son processus développement socioéconomique ; ce, malgré toutes les potentialités en termes de ressources naturelles et minières.
Après le décès du Premier Président de la Guinée post-coloniale le 26 Mars 1984, un coup d’état opéré par le Comité Militaire du Redressement National (CMRN) avait été accueilli par une frange de la population comme une ère nouvelle qui allait consacrer la liberté, la justice et la démocratie aux guinéens qui étaient depuis 26 ans soumis à un système politique caractérisé par des violations graves des droits de l’Homme.
Malheureusement, les autorités militaires qui ont succédé au Président Ahmed Sékou Touré se livreront à l’élimination systématique des anciens dignitaires du régime défunt sans faire recours à la justice ; cela au nom d’une tentative de coup d’état du Colonel Diarra Traoré, le 4 juillet 1985.
Durant 24 ans et cela jusqu’à la mort du Président Lansana Conté, les guinéens qui aspiraient à la justice, la démocratie et le développement ont connu des moments très difficiles sur le plan économique, social et politique malgré quelques résultats jugés positifs notamment dans les domaines de l’éducation, la santé, les infrastructures routières et l’éclosion d’un secteur privé dans le secteur du commerce, l’industrie et les transports.
Au niveau politique, la Guinée ne connaîtra aucune alternance du pouvoir et l’armée sera impliquée dans la répression de citoyens pendant les périodes électorales ou de manifestations sociales comme ce fut le cas lors de la grève des syndicalistes aux mois de janvier et février 2007 ou la manifestation des bacheliers en 2006 qui protestaient contre les conditions d’organisation du baccalauréat.
A la mort du Président Lansana Conté et face à l’illégitimité de l’assemblée nationale d’alors, un groupe d’officiers regroupés au sein du Conseil National pour la Démocratie et le Développement s’empara du pouvoir plongeant le pays dans une deuxième transition qui débouchera aux évènements du 28 Septembre 2009 au stade de Conakry avec un bilan de 157 morts, des dizaines de disparus et de centaines de femmes violées.
Après l’écartement au pouvoir du Capitaine Moussa Dadis Camara suite à une tentative d’assassinat le 3 Décembre 2009 au Camp Koundara, le Général Sékouba Konaté, Ministre de la Défense prit les responsabilités de conduire la Guinée aux premières élections ouvertes qui ont abouti à la victoire du Candidat du Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG), le Professeur Alpha Condé.
De 2010 à 2021, le régime de Alpha Condé s’illustrera comme l’un des plus répressifs avec des centaines de jeunes tués dans les manifestations sociopolitiques, des affrontements à relents communautaires en Guinée Forestière, d’émeutes dans les domaines de l’électricité dans les villes minières en Basse Guinée et Haute Guinée.
Le 5 Septembre 2021, le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) écarte Alpha Condé du Pouvoir qui venait de s’octroyer un troisième mandat qui a été contesté par une frange importante de la société guinéenne regroupée au sein du Front National pour la Défense de la Constitution.
Si la prise du pouvoir par le Colonel Mamadi Doumbouya a suscité un espoir chez certains citoyens qui ont adhéré au discours du 5 Septembre, certaines décisions qui ont été prise dans la conduite de la transition ont engendré des tensions entre acteurs sociopolitiques et les autorités de la transition.
En termes de bilan dans le domaine des droits de l’Homme, près d’une cinquantaine de guinéens ont perdu la vie selon le dernier rapport de Amnesty Internationale.
L’absence d’un véritable cadre de dialogue entre les autorités de la Transition et les acteurs sociopolitiques représentatifs créé les conditions d’un enlisement du calendrier établi et validé de commun accord avec la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour le retour à l’ordre constitutionnel.
La nomination de Mr Amadou Oury Bah au poste de Premier Ministre, Chef du Gouvernement a été accueilli avec un espoir qu’il procédera à la rectification des erreurs dans la conduite de la transition en réunissant les acteurs sociopolitiques et les autorités de la transition pour parvenir à un accord de sortie de crise.
La situation des médias brouillés et restreints en période de transition devrait être au cœur des priorités du nouveau premier ministre pour rétablir les journalistes dans leurs droits.
- Sortir des crises cycliques
La Guinée doit pouvoir avancer en prenant une trajectoire rectiligne pour éviter un éternel recommencement et cela passe par une prise en compte des problèmes des citoyens et le respect des engagements pris devant la communauté internationale.
Le rétablissement de la confiance entre acteurs sociopolitiques et autorités de la transition passe par le dialogue sur des thèmes qui divisent notamment la question du fichier électoral, l’organe de gestion des élections, les garanties de recours en cas de fraude électoral, la neutralité de l’administration publique dans les processus électoraux…
- S’inspirer du Passé pour prévenir les crises
Le passé de la Guinée a été jalonné par des violations graves des droits de l’Homme qui ont impacté négativement les relations entre les citoyens et l’Etat.
Tous les régimes qui se sont succédés en Guinée ont failli à leurs obligations de protéger les droits de l’Homme contre l’oppression.
Or, le passé devrait inspirer les autorités actuelles de la transition pour éviter de nouvelles crises qui se grefferont aux problèmes antérieurs qui n’ont jusque-là pas été soldés à travers un processus de justice transitionnel dans le contexte de la réconciliation nationale et la consolidation de la paix.
A l’instar de nombreux pays africains qui ont connu des passés douloureux, la Guinée doit mettre en œuvre la politique de justice transitionnelle de l’Union Africaine pour construire un environnement sociopolitique stable, promouvoir le vivre ensemble entre les différentes composantes sociales du pays.
Les recommandations des assises nationales doivent être parmi les priorités du nouveau premier ministre pour que la justice soit la boussole de la transition.
La Guinée doit éviter de renouer avec les démons du passé en procédant à la réparation des crimes qui ont été commis sur les populations par les différents régimes qui se sont succédé depuis l’indépendance. Se soustraire de cet exercice est une fuite en avant qui ne ferait que renforcer la culture de l’impunité et de l’absence de réponse à la violence d’Etat face aux revendications des populations.
- Impliquer les autorités morales et religieuses dans la gestion des crises sociopolitiques
Pour résoudre les problèmes sociopolitiques auxquels la Guinée est confrontée, l’Etat guinéen a mis en place un Conseil National du Dialogue Social qui ne parvient pas à affirmer son autorité.
Or, les autorités morales et religieuses dont dispose la Guinée peuvent être mises à contribution pour gérer les crises sociopolitiques.
La Guinée étant un pays profondément religieux avec un pouvoir très fort des autorités morales et coutumières, une implication d’un conseil de sage réputé crédible et respecté pourrait aider à résoudre certaines crises sociopolitiques qui minent la stabilité et le progrès.
- Eviter les discours va-t-en-guerre
La gestion de l’Etat guinéen a toujours été accompagnée par des discours arrogants et défiants que des responsables tiennent devant les médias ou lors de rassemblements publics engendrant des tensions sociopolitiques.
A côté du discours clivant, la Guinée doit éviter de succomber aux discours appelant les autorités de la transition à la remise en cause des engagements pris devant le peuple et la communauté internationale pour un retour des civils au pouvoir. Les groupes de suppôts qui chantent les louanges des chefs au mépris des lois du pays et des engagements internationaux doivent être identifiés et mis à l’écart pour éviter à la Guinée de revivre de nouvelles crises. Le cas du 28 Septembre 2009 est une illustration parfaite qui devrait prévenir les violences qui pourraient survenir à l’avenir à cause des dissensions sociopolitiques dans la conduite de la transition.
- Rétablir la Confiance
Le nouveau Premier Ministre Amadou Oury Bah considéré comme un des pionniers des droits de l’Homme en Guinée doit anticiper le plus rapidement que possible pour réunir les différents protagonistes de la crise sociopolitique autour de la table.
Une main tendue du Premier Ministre permettrait de rétablir la confiance entre les autorités de la transition et les acteurs sociopolitiques « exclus » du premier dialogue qui a abouti à la validation de l’agenda du retour à l’ordre constitutionnel.
- Recentrer les actions du Gouvernement vers les priorités
Tout régime de transition doit concentrer ses actions sur le retour à la normalité constitutionnelle. Cela n’empêche pas tout de même que le Gouvernement de Transition de réaliser des projets de développement socioéconomique dans les domaines de l’éducation, la santé, les infrastructures routières, l’emploi des jeunes…
Le contexte économique actuel étant très difficile notamment la recherche de financements pour organiser toutes les élections nationales et locales, une réduction des dépenses publiques constituerait une option pour la mobilisation des ressources.
La Guinée a besoin de l’aide de la communauté internationale pour sortir de la transition et les autorités politiques se doivent de rassurer tous les acteurs sociopolitiques qu’elles ne disposeraient pas d’un agenda parallèle en vue de la « confiscation du pouvoir ».
De nombreuses institutions internationales pourraient fournir une assistance technique et financière pour la préparation de toutes les opérations électorales en vue d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel.
La Francophonie s’est déjà engagée à soutenir la Guinée à se doter d’un fichier électoral fiable pour organiser les élections prévues dans l’agenda de la transition établi par les autorités de la transition et validé par la Communauté Economiques des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) malgré une opposition de certains acteurs sociopolitiques.
- Responsabilités des acteurs sociopolitiques dans la préservation de la paix
Malgré ses revendications jugées parfois légitimes, les acteurs sociopolitiques guinéens doivent agir en toute responsabilité pour éviter tout dérapage dans les propos et actions tendant à compromettre la paix et la stabilité. La radicalisation du discours politique pourrait constituer un facteur de risques de violences dans le contexte actuel de la transition qui reste dominé par l’absence de véritable espace d’échanges entre les différents protagonistes sur la conduite du processus de retour à l’ordre constitutionnel. Tous les acteurs politiques devraient tenir compte de l’histoire récente de la Guinée pour agir en toute responsabilité devant les citoyens qui sont majoritairement passionnés. Ne pas surfer sur le zèle des militants permettrait d’éviter des actes de violences.
- Eviter l’instrumentalisation de la jeunesse en période de transition
La Guinée étant un pays majoritairement jeune, il est du devoir de l’Etat de protéger la jeunesse contre toutes les formes d’exploitation. La plupart des victimes de violences pendant les manifestations sociopolitiques sont des jeunes qui habitent les quartiers des banlieues où l’Etat concentre tous ses moyens dans la répression. Il existe beaucoup plus de commissariats et d’escadrons de la gendarmerie dans les quartiers de l’axe que d’écoles publiques, de centres de santé, d’espaces de pratiques des sports ou de centres culturels…
A cause des frustrations chez les jeunes des banlieues, les partis politiques usent de discours rhétoriques pour manipuler et instrumentaliser les mentalités à dessein pour soit obtenir ou confisquer le pouvoir. Il est pourtant du devoir des partis politiques de contribuer à l’encrage démocratique à travers l’éducation à la paix et la non-violence.
- Renoncer au discours orienté sur les communautés
Bon nombre d’acteurs politiques exploitent les communautés pendant les périodes électorales pour conquérir le pouvoir.
Les périodes de transition sont des moments à exploiter pour renforcer la cohésion sociale et le vivre ensemble entre toutes les composantes de la société. La construction d’une nation passe par une conduite responsable dans le discours mais aussi les actes qui doivent obéir au principe que « tous les citoyens sont égaux en droits et devoirs ».
Les transitions de 2009 et 2010 sont encore très fraîches dans les mémoires des victimes et devraient constituer un repère pour les acteurs sociopolitiques dans leurs actes afin de prévenir de nouvelles violences.
- Utiliser les voies légales pendant les périodes de revendication
Malgré l’interdiction de toutes les manifestations en République de Guinée par les autorités actuelles de la transition en violation des dispositions de la charte, du code pénal, de procédure pénale et des instruments juridiques qui régissent l’exercice des libertés publiques, les acteurs sociopolitiques doivent user des voies légales pour protester sur la voie publique. Mettre la justice guinéenne à l’épreuve pour le respect des textes régissant les libertés publiques doit être une des voies à suivre par les acteurs politiques qui envisagent de manifester sur les places publiques.
- La Justice doit agir
La justice guinéenne a toujours été accusée de démission dans les périodes de transition et cette situation a ouvert le boulevard à des acteurs sociopolitiques, décideurs publics et autres voix qui se livrent à des discours va-t-en-guerre.
Pour prévenir les violences dans le contexte des transitions en Guinée, la justice doit identifier tous les présumés auteurs de propos incendiaires appelant à la violence pour les juger conformément à la loi. Attendre que des affrontements se produisent pour ouvrier des enquêtes sur des crimes de sang ressemble au médecin après la mort. Le dossier des évènements du 28 Septembre 2009 en cours de jugement au tribunal de première instance de Dixinn devrait servir de mémoire pour la justice afin d’éviter pareil drame en Guinée.
- La Communauté Internationale doit s’impliquer
Face à la crise sociopolitique en cours en Guinée, la communauté internationale notamment la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest doit agir le plus rapidement que possible pour prévenir de nouvelles violences.
Alors que le délai du 31 Décembre 2024 arrive, la CEDEAO doit agir maintenant pour réunir les acteurs sociopolitiques guinéens autour de la table pour discuter sur les approches de solutions pouvant contribuer à l’apaisement et la décrispation.
Il est urgent que les chefs d’Etats de la Communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest se saisisse du dossier guinéen soit en désignant un nouveau médiateur ou en envoyant celui initialement désigné pour tenter une fois encore de rassembler les acteurs sociopolitiques guinéens autour de la table.
Toutes les solutions de sortie de crise devraient être prises en compte et proposées aux acteurs sociopolitiques guinéens et autorités de la transition pour trouver un accord.
Pour cela, les autorités de la transition doivent sortir de la rigidité du discours tout en faisant des concessions aux acteurs sociopolitiques guinéens qui contestent la démarche dans la conduite des opérations visant le retour à l’ordre constitutionnel.
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