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Le procès du 28 septembre constitue une première expérience guinéenne, en matière de répression des violations graves des droits de l’homme. Ce procès, soulève des questions intéressantes, dont les plus actuelles ressemblent à ceci :
1. Le Tribunal criminel est-il compétent pour requalifier les faits ?
2. Si oui, qu’elle loi doit- il appliquer ?
I. SUR LA COMPÉTENCE
Soulignons que le juge pénal dispose d’un pouvoir souverain de requalification et qu’il n’est lié ni à aucune autre autorité même juridictionnelle, ayant déjà fait une qualification. Dès lors, il est lié qu’à la seule autorité de la loi en application du principe de la légalité criminelle (ces questions ont été abordées dans deux de nos contributions, disponibles en ligne : v. Bissiriou Kandjoura, Crimes du 28 septembre et principe de légalité en droit guinéen ; Bissiriou Kandjoura, Les faits du 28 septembre : qualification et incrimination). À supposer même qu’il serait lié par une telle qualification en vertu d’une disposition légale ou de l’ordre juridique interne applicable, le juge pénal peut sortir de cette emprise afin de retrouver sa liberté de juge garant des droits fondamentaux, lorsqu’il estime, une incompatibilité entre l’ordre juridique interne et celui international, surtout quand il est question de réprimer ce qui est de plus fondamental pour l’humanité : les crimes de droit international, notamment le crime contre l’humanité. À ce niveau, il peut…, d’ailleurs, il serait obligé d’appliquer :
a)- les règles impératives de droit international : les normes de jus cogens et les obligations erga omnes. La jurisprudence considère que l’interdiction et la répression de crimes internationaux,
– le crime contre l’humanité, constituent une norme de jus cogens, qui est une une norme inderogeable et supérieure à toute autre norme de droit interne ou de droit international. Autrement dit, l’interdiction et la répression de crime contre l’humanité est une norme qui est supérieure à toute autre norme. Sur ce seul fondement, la question de la loi applicable, est à moitié réglée, car cette norme peut fonder la compétence du juge de contourner la carence ou le vide du droit national qui ne prévoyait pas l’incrimination d’une telle infraction internationale : le crime contre l’humanité
II. SUR LA LOI APPLICABLE
En effet, plusieurs possibilités s’offre au juge pénal dans l’hypothèse où il retiendra le crime contre l’humanité :
1. Il peut appliquer la primauté du droit international – (le Statut de Rome de la CPI) sur le droit national : la Guinée ayant ratifié le Statut et ayant consacré la primauté de l’ordre juridique international sur l’ordre interne.
2. Il peut appliquer le droit guinéen : le nouveau code pénal de 2016, qui donne une qualification légale du crime contre l’humanité (art.194 et s.)
À ce niveau même, y a harmonisation, car le code pénal guinéen reprend intégralement la qualification du Statut de la CPI. Ainsi, l’application du nouveau code pénal de 2016, ne pose aucune difficulté. Néanmoins, elle soulève la question de la rétroactivité. Sur ce point, il peut rejeter l’application de cette loi et appliquer le Statut de la CPI ou les normes de jus cogens pour deux raisons :
– Cette loi (le nouveau code pénal) est plus sévère que le Statut de la CPI : elle ne condamne le crime contre l’humanité qu’à la perpétuité, alors que le Statut de la CPI, prévoit la réclusion criminelle à temps. Le juge pénal pourrait donc appliquer la loi pénale plus douce ( ici le Statut de la CPI)
– Il peut appliquer la norme de jus cogens ou le principe de primauté de l’ordre international ( le Statut de la CPI).
Bissiriou Kandjoura
Chercheur chargé d’enseignement en droit Université Paris Nanterre