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La fiscalité entretient un lien étroit avec la comptabilité. Les entités économiques qui sont astreintes à la tenue d’une comptabilité déterminent leurs résultats par application des règles comptables. Les documents comptables servent de support de travail pour la détermination du bénéfice imposable.
Cette relation entre la fiscalité et la comptabilité est désignée sous l’expression de « principe de connexion fiscalo-comptable ».
Quand bien même il existe des liens étroits entre la comptabilité et la fiscalité, leurs finalités sont distinctes et cette différence justifie l’existence de divergences quant au traitement d’une même opération.
Ainsi, l’analyse de l’articulation des règles comptables et fiscales révèle une connexion entre la comptabilité et la fiscalité (I), mais aussi une autonomie du Droit fiscal (II).
- La connexion entre la comptabilité et la fiscalité
La comptabilité a une finalité d’information (A) qui explique sa connexion avec la fiscalité (B)
- La fonction informative de la comptabilité
La comptabilité a pour finalité l’information des tiers (les associés, les investisseurs, les banques, l’administration fiscale). Comme le prévoit l’article 1 de l’acte uniforme OHADA relatif au droit comptable et à l’information financière : « Toute entité au sens de l’article 2 ci-dessous est soumise aux dispositions du présent Acte uniforme et doit mettre en place, pour l’information externe et pour son propre usage, une comptabilité générale conformément audit Acte uniforme. »
Ainsi, la comptabilité s’efforce de donner une image fiable, fidèle et sincère de l’entreprise.
Les documents comptables (bilan, compte de résultat et annexes) doivent être établis dans le respect des principes comptables et notamment du principe de prudence et du principe de l’indépendance des exercices.
La détermination du résultat comptable résulte également de l’application du principe de l’indépendance des exercices, au terme duquel les produits et les charges d’un exercice doivent être exclusivement rattachés à cet exercice.
Sauf exception, la durée d’un exercice comptable est de douze (12) mois et doit correspondre à l’année civile, soit du 1er janvier au 31 décembre (article 7 de l’acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière).
Le résultat comptable est déterminé en procédant à la différence entre les produits et les charges d’un exercice donné.
Afin de répondre aux exigences de sincérité et de fiabilité des comptes annuels, toutes les opérations doivent être fidèlement retranscrites. Ainsi, tous les produits et toutes les charges doivent être comptabilisés en prenant en compte exclusivement les règles comptables, sans tenir compte du traitement fiscal de ceux-ci.
Afin de déterminer le résultat comptable, tous les produits sont imposables et toutes les charges sont déductibles.
- La consécration implicite du principe de connexion entre la comptabilité et la fiscalité
La relation étroite entre la comptabilité et la fiscalité est expressément prévue à l’article 38 quater de l’annexe III du Code général des impôts français qui dispose : « les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l’assiette de l’impôt. »
A l’inverse, le Code général des impôts guinéen ne consacre pas de manière explicite la connexion entre la comptabilité et la fiscalité. L’article 91 du Code général des impôts guinéen se contente de préciser que :
« le bénéfice imposable est celui réalisé au cours de l’exercice. Conformément à l’Acte uniforme OHADA relatif au droit comptable et à l’information financière, l’exercice coïncide avec l’année civile. »
Le renvoi à l’acte uniforme OHADA relatif au droit comptable et à l’information financière ne permet pas d’établir de manière expresse une connexion entre la comptabilité et la fiscalité. Il détermine simplement la périodicité de l’exercice fiscal, laquelle commence le 1er janvier et se termine le 31 décembre.
Cependant, même en l’absence d’une disposition expresse qui établirait un principe de connexion comptabilité-fiscalité dans le Code général des impôts Guinéen, cette relation est bien établie dans la pratique.
Tout d’abord, le Code général des impôts guinéen exige la tenue d’une comptabilité conforme au plan général en vigueur pour permettre la déduction de certaines charges. C’est notamment le cas de l’article 101 du CGI guinéen qui dispose : « Sont déductibles les amortissements appliqués par l’entreprise, à condition que cette dernière relève du régime réel d’imposition et qu’elle tienne une comptabilité conforme au plan comptable en vigueur… ».
La même exigence est réaffirmée pour la déduction des provisions, traduisant ainsi la volonté du législateur de s’appuyer sur une comptabilité régulière et conforme au plan comptable général.
Aussi, dans le cadre d’un contrôle fiscal, lorsque l’administration fiscale procède à une vérification de comptabilité, elle demande au contribuable de fournir une documentation comptable conforme au plan comptable général en vigueur. Si la comptabilité est irrégulière ou inexistante, l’administration peut recourir à la procédure de taxation d’office.
Toutefois, la connexion entre la comptabilité et la fiscalité n’exclut pas une autonomie de la fiscalité.
- L’autonomie du droit fiscal
La fonction budgétaire de la fiscalité (A) induit nécessairement l’autonomie du Droit fiscal (B)
- La fonction budgétaire de la fiscalité
Si la comptabilité a une fonction informative, le droit fiscal a pour finalité de déterminer l’assiette de l’impôt. Or, l’impôt a une fonction budgétaire car il permet à l’Etat d’avoir les ressources nécessaires pour couvrir les dépenses publiques.
Une application mécanique du principe de connexion comptabilité fiscalité conduirait à l’assimilation du bénéfice comptable au bénéfice fiscal et présenterait des risques de diminution des recettes fiscales de l’Etat. D’où la nécessité de procéder en application de plusieurs dispositions fiscales, à partir du résultat comptable, de procéder à des retraitements extra – comptables afin de déterminer le résultat fiscal.
- Les retraitements extra- comptables
Le bénéfice imposable peut être différent du bénéfice comptable par suite des retraitements extra – comptables. Ceux-ci se traduisent par des déductions extra-comptables et/ou des réintégrations extra – comptables.
- Les déductions extra-comptables
Une déduction extra- comptable s’applique à un produit comptabilisé lorsque le produit n’est pas fiscalement imposable, et ce bien qu’il ait été inscrit en comptabilité, en application du principe de sincérité comptable.
Les déductions extra – comptables interviennent lorsque :
- le produit bénéficie d’une exonération fiscale ;
- le produit comptabilisé est imposable suivant un régime spécifique.
Exemple de déduction extra – comptable :
Conformément à l’article 225 du CGI guinéen, les dividendes versés par une filiale à la société mère sont exonérés de l’impôt sur les sociétés (IS) à hauteur de 95 %, à condition notamment que la société mère détienne 10 % du capital de la filiale et que les deux sociétés soient soumises à l’impôt sur les sociétés. Seule la fraction correspondant à 5 % des dividendes distribués est soumise à l’impôt sur les sociétés.
Par hypothèse, une SAS AM est une filiale détenue à 100 % par la SARL DL.
La société AM verse des dividendes d’un montant de 1 000 000 GNF à la société DL.
Traitement comptable (DL) : la somme versée sera comptabilisée par la société DL en produits financiers et sera prise en compte intégralement pour la détermination du résultat comptable et ce, en faisant abstraction de son traitement fiscal.
Traitement fiscal (DL) : Afin de déterminer le résultat fiscal, il convient de procéder à une déduction extra-comptable pour tenir compte de l’exonération à hauteur de 95 % des dividendes distribués.
Ainsi, la somme de 950 000 GNF (1 000 000 GNF * 95 %) sera déduite du résultat comptable. Seule la somme de 50 000 GNF sera prise en compte dans la détermination du résultat fiscal.
- Les réintégrations extra- comptables :
Inversement, la réintégration extra-comptable s’applique à certaines charges qui, bien qu’enregistrées en comptabilité, ne sont pas fiscalement déductibles.
L’exclusion de la déductibilité de certaines charges par la fiscalité est une illustration de sa fonction budgétaire. L’admission de la déductibilité de toutes les charges enregistrées en comptabilité aurait pour effet de réduire considérablement l’assiette de l’impôt et par conséquent les recettes fiscales. C’est pour cette raison que la déductibilité des charges est strictement encadrée.
A titre d’illustration, les pénalités et amendes payées par une société en cas d’infraction aux règles fiscales sont enregistrées en comptabilité comme des charges, mais ne sont pas fiscalement déductibles. Ainsi, il est nécessaire de procéder à une réintégration de la charge déduite afin d’augmenter le bénéfice imposable.
Exemple de réintégration extra-comptable : la SAS AM a fait l’objet d’un contrôle fiscal et a reçu une proposition de rectification au terme de laquelle elle doit verser des pénalités d’un montant de 10 000 000 GNF pour retard dans la déclaration de l’impôt sur les sociétés.
Traitement comptable : la somme de 10 000 000 GNF sera comptabilisée comme une charge exceptionnelle. Elle viendra donc diminuer le résultat comptable.
Traitement fiscal : lors de la détermination du résultat fiscal, la somme de 10 000 000 GNF sera réintégrée au résultat comptable afin de déterminer le résultat fiscal. Elle augmentera donc le bénéfice imposable.
En définitive, l’articulation entre les règles comptables et les règles fiscales permet d’illustrer à la fois un principe de convergence et une autonomie du droit fiscal. Le passage du résultat comptable au résultat fiscal peut être résumé par la formule suivante :
Résultat fiscal = Résultat comptable + Réintégrations extra-comptables – déductions extra- comptables.
Amadou Sadio Diallo,
Elève avocat à l’HEDAC (Haute École des Avocats Conseils)
Titulaire d’un Master en Droit des affaires et d’un DJCE (Diplôme de Juriste Conseil d’Entreprise)