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Dans une interview accordée à Guinée360, Bouya Konaté, président de l’Union pour la Défense des Intérêts Républicains (UDIR), livre son analyse sur la transition en cours en Guinée. Se positionnant en soutien à la junte, il affirme vouloir accompagner le processus de refondation engagé par les autorités. Il salue l’immersion gouvernementale menée à l’intérieur du pays et rejette toute idée d’une manœuvre électoraliste en faveur du général Mamadi Doumbouya. Pour lui, la crise actuelle trouve son origine dans la modification de la Constitution qui a permis à Alpha Condé de briguer un troisième mandat, ouvrant la voie au coup d’État de septembre 2021.
Guinée360 : Le gouvernement Bah Oury est en immersion à l’intérieur du pays. Pour vous, est-ce que cette démarche est opportune ?
Bouya Konaté : Je trouve que cette démarche est salutaire. On est en période transitoire, et pendant cette période, les institutions ne sont pas encore en place. Les décisions se prennent pratiquement au gré du président de la transition, à travers des ordonnances envoyées à l’Assemblée. Par ailleurs, il existe un programme gouvernemental et une feuille de route pour le chef du gouvernement. Aujourd’hui, il veut savoir, au-delà de ce qui a été mis en place, comment la population vit réellement, quelles sont les réalités. L’essentiel de ce que nous faisons aujourd’hui en tant que gouvernance, c’est tout ce que nous pouvons mettre en place pour qu’il y ait un impact sur le développement humain. Si aujourd’hui, le gouvernement, avec à sa tête le Premier ministre Bah Oury, décide d’aller à l’intérieur du pays pour comprendre la réalité du pays et mettre en place une machine pour impacter le développement humain, cela ne peut qu’être salutaire.
Est-ce que cela ne risque pas d’être un fiasco, vu que certains membres du gouvernement ne sont pas avec le Premier ministre sur le terrain ?
Il faut bien analyser la nomenclature d’un gouvernement. Aujourd’hui, je précise encore qu’on est en période transitoire. Voir un ministre des Finances quitter son poste pour aller à l’intérieur du pays n’a pas de sens, car ce ministère n’est pas directement lié aux affaires internes. De même, un ministre des Affaires étrangères n’a pas de raison d’être sur le terrain à l’intérieur du pays, car ses responsabilités concernent l’extérieur. Mais le Premier ministre, qui est à la tête du gouvernement, a déjà présenté le programme pour le reste du gouvernement. Il faut voir des ministères comme celui de l’Enseignement supérieur, très important car l’éducation représente l’avenir du pays. Il y a aussi le ministre de la Santé, qui est présent dans le programme. Ce n’est pas à la hâte qu’on a choisi ces ministres. Les ministères concernés ont besoin d’aller à l’intérieur du pays pour recueillir des réalités concrètes. J’ai pris l’exemple du ministre des Affaires étrangères qui n’a pas à être dans cette immersion. Le ministre de l’Économie et des Finances, quant à lui, doit veiller au bon fonctionnement du pays. Si tous les ministres abandonnent leur poste pour un mois, cela pourrait nuire au bon fonctionnement du gouvernement. Mais pour certains ministères, leur présence sur le terrain est essentielle.
Même pour ces départements que vous avez cités, ne pourraient-ils pas être représentés par les services techniques de ces ministères ?
Vous savez, les ministres jouent un rôle politique. Leur présence physique sur le terrain a un impact, surtout en période de transition. Les citoyens ne voient pas souvent les représentants de l’État au plus haut niveau. Il est donc important qu’ils soient présents. Maintenant, il est vrai que la colonne vertébrale de chaque ministère reste le secrétaire général. Ce sont eux qui assurent la continuité du fonctionnement des ministères. Les ministres peuvent, par exemple, être accompagnés de leurs conseillers, qui prennent des notes et font remonter l’information. Quand toute l’équipe gouvernementale sera présente, le directeur adjoint du cabinet, qui travaille toujours avec le Premier ministre, ainsi que le directeur de cabinet, seront chargés de coordonner l’action gouvernementale avec les secrétaires généraux. C’est ainsi que fonctionne un gouvernement.
Il y en a qui disent que cette immersion est une campagne déguisée pour la candidature du général Mamadi Doumbouya. Quelle est votre lecture ?
Nous, acteurs politiques, avons participé aux élections. On ne peut pas prendre des propos informels pour en faire une réalité politique. En tant qu’acteur politique, je suis attentivement les informations et les réalités actuelles. À ce jour, je n’ai pas entendu le Premier ministre déclarer qu’il soutient la candidature du président de la République. Le discours qu’il tient est plutôt centré sur la réussite de la transition. Je soutiens cette transition pour qu’elle réussisse pour le bien du peuple de Guinée, et ce soutien est constant.
Mais partout où la délégation est passée, on entend les préfets et les présidents de délégations spéciales exprimer ouvertement leur désir de voir le président continuer. Qu’en pensez-vous ?
Nous, nous sommes légalistes. Nous vivons dans un pays où la constitution a été dissoute, et c’est à travers cette constitution que nous définirons les critères pour savoir qui pourra se présenter à la prochaine élection. Les citoyens, mes militants, souhaiteraient me voir candidat, tout comme ceux qui soutiennent le général Mamadi Doumbouya. Chacun, selon son opinion, espère voir un dirigeant capable de mener le pays vers un développement solide. Mais il faut attendre la constitution, le fichier électoral, et les décisions de la Cour constitutionnelle pour connaître les critères exacts.
Vous avez dit qu’il faut attendre la constitution. Si celle-ci est adoptée par référendum et permet à Mamadi Doumbouya de se présenter, cela ne constituerait-il pas une violation de ses engagements ?
Ce que je dis, tant que cela ne viole pas la loi, cela ne pose aucun problème. Aujourd’hui, la constitution n’a pas encore été adoptée, et nous ne savons pas encore comment la transition prendra fin. Les décisions que le général Mamadi Doumbouya prend aujourd’hui peuvent être liées au contexte actuel. Quand on arrive à la tête de l’État, on peut prendre des décisions opposées à celles qu’on avait prises auparavant. Ce n’est pas en s’accrochant à des principes d’hier qu’on pourra avancer. L’important est que la future constitution soit votée par tous les citoyens de plus de 18 ans, et si elle permet à tout citoyen de se présenter, alors tout le monde pourra se porter candidat. Le peuple décide alors, lors des élections, qui il souhaite voir à la tête du pays.
Si la constitution permet au président actuel de se présenter, ne serait-ce pas un précédent dangereux, surtout après ce qui s’est passé en 2009 avec Dadis ?
Ce que je dis, c’est qu’il ne faut pas refaire les erreurs du passé. En 2009, il y a eu plus d’une centaine de morts, et ces vies ne reviendront jamais. L’important, c’est de bien réfléchir et d’éviter de créer des situations qui pourraient mener à de nouvelles tragédies. Même si aujourd’hui, le président Mamadi Doumbouya n’a pas encore annoncé sa candidature, il est crucial de ne pas répéter les erreurs du passé. Les décisions doivent être prises avec une grande responsabilité pour éviter des répercussions négatives sur le pays.
Est-ce que vous comprendriez Bah Oury s’il décidait de soutenir la candidature du général Mamadi Doumbouya alors qu’il s’était opposé à celle de Dadis en 2009 ?
Je préfère ne pas faire une comparaison directe entre les deux situations. En 2009, la communauté internationale exerçait une pression énorme sur la Guinée, et cela a eu des conséquences dramatiques. Le contexte de 2021-2025 est totalement différent. La Guinée est maintenant réintégrée dans les institutions internationales, ce qui lui permet d’avoir un soutien financier et politique. Le contexte de l’époque de Dadis n’est pas celui d’aujourd’hui.
Quelle est la différence, selon vous ?
Vous avez vu l’impact de la CEDEAO sur la Guinée aujourd’hui ? Non. Vous avez vu des sanctions internationales sévères comme en 2009 ? Non. Aujourd’hui, la Guinée bénéficie du soutien financier de l’Union Européenne, des États-Unis et d’autres partenaires. En 2009, la Guinée était exclue de ces soutiens. Aujourd’hui, nous avons une situation qui permet à la transition de se poursuivre dans un cadre plus favorable. Il faut savoir analyser les contextes.
Après le coup d’État, vous avez participé à des activités liées à la gestion de cette transition, y compris au cadre de concertation qui avait été boudé par une partie de la classe politique. Est-ce que vous le regrettez ?
Le 5 septembre, à 11h du matin, j’étais avec les militaires. J’ai toujours lutté contre le régime de 2010-2020, que je considérais comme illégal. Je me suis opposé à ce régime, d’abord en tant que simple citoyen, puis en tant qu’acteur politique à partir de 2019. Mon souhait n’était pas que cela se fasse par un coup d’État, mais j’ai été l’un des premiers à saluer ce coup d’État et je l’assume jusqu’à aujourd’hui. Je continuerai à l’assumer.
Est-ce que vous pensez que c’est le troisième mandat qui a provoqué le coup d’État ?
Les conséquences du coup d’État sont dues aux actions du régime de 2010-2021. Si ce gouvernement avait respecté la constitution, le citoyen guinéen et les principes démocratiques, nous ne serions pas dans cette situation aujourd’hui. C’est le tripatouillage de la constitution pour permettre à Alpha Condé de briguer un troisième mandat qui a conduit à cette crise. Si les élections de 2020 avaient été transparentes et libres, il est peu probable que les militaires aient agi ainsi. Le 5 septembre, j’ai soutenu les militaires, et je continue de soutenir la transition.
Dans son discours du nouvel an, le président de la transition a annoncé la tenue d’élections en 2025. Quelques semaines après, le porte-parole du gouvernement a indiqué que cela serait impossible cette année. Pour vous, l’organisation des élections est-elle une priorité ?
Je n’ai pas compris la sortie du porte-parole du gouvernement de cette façon manière. À ma compréhension, ce qu’il a voulu dire, c’est que 2025 reste l’objectif, mais que pour y arriver, il faut un fichier électoral. Il demande aux Guinéens de s’inscrire sur la liste du RAVEC. Si les citoyens ne s’inscrivent pas, nous n’aurons pas de fichier électoral et donc pas d’élection. Le message était donc de pousser tout le monde à se recenser pour que nous soyons prêts en 2025.
Quel est votre regard sur le respect des droits humains pendant cette transition ?
J’ai souvent dit que la prison doit être une exception, et la liberté, un droit. Le combat d’un chef, c’est d’améliorer les conditions de vie et de travail des Guinéens, d’assurer la sécurité des biens et des personnes, et de promouvoir l’harmonie sociale. La prison ne doit jamais être une fin en soi, mais une exception. Mon engagement est de faire en sorte que la Guinée aille de l’avant et que nous puissions vivre dans une société plus juste.
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