Guinée: paradis des hommes, enfer des femmes (Par Mariam Goepogui)

il y a 8 heures 33
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Dans un plaidoyer lancinant, Mariam Goepogui, jeune écrivaine guinéenne, exprime ses sentiments sur la situation sociale de la femme. Elle fend les cœurs les plus secs par son appel en faveur du genre, de la défense des droits de la femme. Elle fait du pied à l’Etat guinéen pour que, dans cette phase de refondation, les autorités fassent de la question du genre sa priorité en matière de justice sociale. Sans être féministe, l’auteure se révolte contre les violences faites aux femmes et invite à faire de notre pays le paradis de tous en mettant fin aux deux poids deux mesures.

Ci-dessous sa tribune !

La Guinée fait face à une réalité alarmante : les droits des femmes y restent fragiles, constamment menacés par une société qui banalise trop souvent les violences conjugales.
Récemment encore, plusieurs affaires dramatiques sont venues rappeler l’ampleur de cette injustice silencieuse.

Des affaires emblématiques… et des drames invisibles

Le cas de Djelykaba Bintou, chanteuse renommée, a mis en lumière une facette méconnue de la vie des célébrités : celle de la souffrance silencieuse.
En avril 2025, elle a révélé avoir été victime de violences conjugales de la part de son ex-mari, le chanteur Azaya.
Cette confession a libéré la parole sur les réseaux sociaux sous le hashtag #JeSuisBintou.

Pendant ce temps, d’autres tragédies se sont déroulées dans l’anonymat :

  • À Kankan, une femme a été égorgée par un homme qu’elle avait refusé d’épouser.
  • À Sanoyah, une femme a été tuée puis son corps brûlé, son mari étant soupçonné du crime. Preuve que personne n’est à l’abri de la violence conjugale, qu’on soit star adulée ou femme anonyme, la souffrance, elle, ne fait aucune distinction.

Ces drames, moins médiatisés, rappellent que derrière les projecteurs et la musique, derrière les ruelles de nos villes, de nombreuses femmes vivent et meurent dans le silence.

Vous vous rendez compte ? Alors qu’elle chantait ( La patronne ) symbole de force et d’amour, elle subissait en silence les coups derrière les murs. Ce contraste brutal montre à quel point les apparences peuvent être trompeuses : même couronnée aux yeux du monde, une femme peut cacher des blessures que personne ne veut voir.

Son clip ce n’était pas seulement pour revendiquer une force, mais pour affirmer sa place : elle était la titulaire, celle qui comptait aux yeux de son homme, l’élue de son cœur. Pourtant, derrière cette assurance proclamée, se cachaient des blessures que nul ne soupçonnait.

Une réponse institutionnelle décevante

Face à l’émotion collective, la réponse de l’État a semblé plus préoccupée par la préservation de l’image nationale que par la recherche de justice.
Dans l’affaire Djelykaba Bintou, l’intervention du ministère de la Promotion féminine ressemble davantage à une opération d’apaisement qu’à une véritable prise en compte des droits des victimes.

La polémique avait pris une telle ampleur que même dans un simple restaurant, l’affaire occupait toutes les conversations.
Je me rappelle avoir entendu les cuisiniers en débattre passionnément pendant que j’attendais ma commande. Résultat : une pizza froide et immangeable. Quand l’attention est accaparée, même la qualité du service s’effondre… Preuve que cette histoire avait littéralement paralysé la vie courante.

Mais au fond, cette intervention rapide de l’État rejoue une scène trop familière : celle où l’on vient supplier la femme de pardonner, de sauver son foyer, au nom de l’honneur familial et du calme social.
Tant qu’on privilégiera la tranquillité publique à la justice individuelle, les violences conjugales continueront d’être minimisées.

Le rôle crucial des médias

Dans cette affaire comme dans d’autres, la presse a joué un rôle fondamental.
C’est grâce à la médiatisation que l’affaire Djelykaba Bintou a éclaté au grand jour, attirant l’attention des grandes radios internationales comme RFI.
C’est grâce aux reportages et aux réseaux sociaux que des voix anonymes ont trouvé un écho.
La presse, lorsqu’elle agit avec éthique et courage, est une arme redoutable contre l’impunité. Elle révèle ce que beaucoup aimeraient garder caché.

Cependant, ce pouvoir comporte aussi des risques : la médiatisation peut exposer les victimes à davantage de pression ou de harcèlement, surtout dans des sociétés où parler est déjà une épreuve en soi.

Briser le mur du silence

Il faut comprendre que pour beaucoup de femmes guinéennes, exposer leur souffrance n’est pas seulement difficile : c’est dangereux.
Le regard des autres, la honte sociale, l’absence de soutien étatique font peser une chape de plomb sur leurs témoignages.

Même des artistes fortes et populaires, comme Djelykaba Bintou, ont longtemps chanté la puissance, l’amour tout en cachant, derrière le micro, leurs blessures profondes.
Si même ( les patronnes) les stars  souffrent en silence, que dire des anonymes, sans voix, sans réseau, sans protection ?

Vers une vraie refondation

Aujourd’hui, la Guinée parle beaucoup de (refondation) politique, économique, institutionnelle… Mais quelle refondation peut être authentique si elle oublie la moitié de la population ?
La véritable refondation dont ce pays a besoin est avant tout sociale.
Elle doit placer la dignité humaine, l’équité des sexes et la protection des plus vulnérables au cœur des priorités.

Les droits des femmes ne doivent pas être un supplément d’âme : ils doivent être la colonne vertébrale du nouveau contrat social que la Guinée entend bâtir.

Mariam GOEPOGUI

Contact : [email protected]

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