PLACEZ VOS PRODUITS ICI
CONTACTEZ [email protected]
« Pour avoir un kilo de charbon, il faut calciner trois kilos de bois ».
Obtenu en carbonisant de gros troncs de bois, dans des conditions néfastes à l’écosystème, le charbon de bois est un combustible très prisé en Guinée. La commune urbaine de Labé n’en fait pas exception.
Estimé plus « économique » et plus « simple » à utiliser que les autres sources d’énergie utilisées pour la cuisson, les ménagères déboursent à l’intérieur du pays jusqu’à 40 000GNF, pour acquérir un sac qu’elles utilisent en 5 à 7 jours, dans un foyer de moyenne consommation, a constaté sur place votre quotidien électronique Guinéenews.
De par le passé, il était difficile, voire impossible de trouver un four à charbon dans la périphérie de Labé. Aujourd’hui, malheureusement, c’est devenu comme un sport de masse qui attire tout le monde. « Au début, il n’y avait que les communes périphériques de la ville de Labé qui en produisaient, pour vendre. Mais, actuellement, les communes qui se trouvent à 80 kilomètres de Labé sont en train de produire et de vendre du charbon de bois. C’est dans les cinq dernières années que ça s’est beaucoup élargi, suite à la faible rentabilité des cultures, dans les champs. C’est ce qui a amené les paysans à diversifier les revenus. Ensuite, l’augmentation de la population urbaine de Labé a accru énormément les besoins en bois de chauffe et en source d’énergie, de façon générale. C’est ce qui a favorisé la production et la vente du charbon », explique, Mamadou Kobéra Diallo, l’inspecteur régional de l’environnement a Labé.
Préféré au bois sec vendu au fagot, le sac de charbon s’achète, aujourd’hui, comme des petits pains, dans la ville de Labé. Ce, malgré que le coût du sac soit assez élevé, même en milieu rural.
Rencontré à Paraya, ville de Labé, à la descente d’une camionnette remplie de charbon, Mamadou Bente Barry, producteur de charbon de bois, a accepté de partager son expérience. « C’est effectivement mon chargement. Je viens de Sannoun, où j’essaie de me spécialiser dans la production du charbon. J’ai en tout, 26 sacs de charbon et il m’a fallu mettre en place 3 fours. Malheureusement, je ne peux pas déterminer le nombre de bois utilisé, mais le bois a été coupé dans notre champ. Au lieu de l’abandonner, j’ai préféré en faire une source de fabrique de charbon. Donc, je vais revendre aux grossistes entre 25 et 30 000 GNF. Prochainement, je vais travailler davantage pour un meilleur résultat», nous explique-t-il.
Justement, selon l’inspecteur régional de l’environnement, « de nos jours toutes les communes rurales et urbaines de la région administrative de Labé produisent du charbon de bois, en quantité. En dehors des communes qui sont dans les parcs, dans les zones humides et dans les forêts classées, toutes les autres sont en train de produire du charbon à des quantités variables. Mais, ça produit plus, dans les communes en périphérie de Labé et dans celles qui sont à 85 kilomètres, que les autres. Je veux parler des communes qui sont dans les préfectures de Tougué, Mali, Koubia et Lélouma, qui produisent du charbon et le transporte ici, à Labé, pour le vendre » déclare Mamadou Kobera Diallo.
A Labé, la commercialisation se fait à ciel ouvert, dans des kiosques de vente qui sont pratiquement, installés dans tous les quartiers et secteurs de la commune urbaine. Du grossiste aux détaillants, le charbon est devenu un business qui attire parfois de gros investisseurs qui s’impliquent dans son acheminement vers les grandes villes, comme Conakry.
En payant les taxes imposées par les autorités, les négociants du charbon de bois circulent librement, sans crainte d’une quelconque saisie, précise Mamadou Kobera Diallo, qui estime que l’État, pour mettre fin à cela, doit davantage faciliter l’accès au gaz butane.
«La production et le transport du charbon de bois en Guinée ne sont pas interdis, mais réglementés. On ne peut pas interdire les sources d’énergie qui assurent la vie de l’homme, au quotidien. Mais on conseille de ne pas en faire un abus et de limiter la production, au strict nécessaire. Si l’État avait trouvé à la place du charbon de bois, du gaz butane pour tout le monde, les choses auraient été plus simples. Si je dis du gaz pour tout le monde, je fais allusion au prix, au coup d’accessibilité. Quelqu’un qui est là, qui ne peut pas avoir dans l’année, 100 000 GNF dans sa caisse, si tu lui vends la bouteille de gaz à 80 000 GNF, alors qu’il a du mal à trouver un kilo de riz, il ne pourra pas supporter. Donc, ce n’est pas interdit, mais ça devait être limité, juste, pour la consommation locale et non à but commercial, à grande échelle » , précise-t-il.
Et de poursuivre « Deuxièmement, la réglementation recommande de choisir les espèces qu’on doit couper, pour faire le charbon. A ce niveau aussi, il y a des espèces végétales qui sont protégées et qui ne doivent pas être coupées. Avant ça ne se faisait pas, mais actuellement les charbonniers coupent tout, surtout s’ils ne trouvent pas un agent forestier à côté pour les rappeler à l’ordre. Troisièmement, si le coût d’achat n’était pas élevé, là aussi, la réglementation allait être plus facile à appliquer, pour réduire la quantité. Mais, actuellement, c’est devenu une source de revenu dans la région. »
Visiblement, ce sont les taxes imposées par l’État sur le commerce du charbon de bois qui font monter le prix du combustible. « J’ai pris un reçu de 120 000 GNF avec les agents, sur la route, mais je viens encore de payer 80 000 GNF avec d’autres agents de la protection de l’environnement qui m’ont interpellé, à ma descente du véhicule. Pourtant, j’ai montré le reçu délivré par les premiers, mais ils m’ont néanmoins fait payer encore.
Donc, cela va m’amener à rehausser le prix de vente, pour gagner un bénéfice pouvant m’aider à ramener quelque chose de consistant à la maison.
J’ai deux femmes et 6 enfants à nourrir. Prochainement, je vais ajouter les taxes sur le prix de vente,» soutient Mamadou Bente Barry.
Sur la question, l’inspecteur de l’environnement est catégorique. « Tout produit issu de la forêt et destiné à la vente, doit payer une taxe qui doit aller au niveau du FECAN (fond pour l’environnement et le capital naturel). C’est cet argent qui est ramené pour financer les projets de création de parcs ; financer le suivi des projets, parce que, si le bailleur de fonds finance, il ne finance pas les missions des cadres de l’État. C’est l’argent-là qui est ramené pour le fonctionnement des services de l’environnement et pour les reboisements. En plus, il y a une clé de répartition. Une partie reste à la commune, une partie reste à la préfecture et plus de 60% vont au niveau de la direction nationale. Donc, c’est dans ce cadre-là, qu’on impose une taxe pour le charbon,» précise-t-il.
Pour tenter de freiner l’élan dévastateur de cette exploitation abusive, il faut rappeler que l’État, à travers la troisième république avait lancé un projet de subvention du gaz butane en république de Guinée. A l’époque on a assisté à la mise en place de plusieurs stations de rechargement du gaz sur toute l’étendue du territoire national. Labé a bénéficié de deux stations, avec des annonces de réduction très sensible du produit d’acquisition. Une annonce qui a réjoui à l’époque plus d’une personne, mais visiblement, la finalité est toute autre.
« Il faut reconnaître que la mise en place de ces stations de rechargement du gaz butane a beaucoup aidé, parce qu’avant, c’est au Sénégal qu’on rechargeait nos bonbonnes, tout en incluant le transport de la bouteille. On payait 5000 FCFA plus le transport pour une bouteille de 3 kilos. 5000 FCFA, soit, environ 70 000 GNF de nos jours.
Maintenant, avec ces stations, on nous vend la bouteille de 3 kilos à 80 000 GNF. Donc, ça veut dire qu’il y a toujours problème. Voilà pourquoi les gens continuent à utiliser le charbon de bois, parce qu’on n’arrive toujours pas à supporter le coût du gaz, » affirme Alpha Oumar Sow, professeur d’économie, en service à Labé.
Un point de vue, largement partagé par l’inspecteur régional de l’environnement de Labé. « Le gaz est plus économique, pour celui qui est capable de trouver la bouteille. Il développe une énergie calorifique nettement plus élevée qui permet de cuire plus rapidement les aliments. Mais, il n’y a pas où acheter une quantité de gaz à 1000 GNF. Alors qu’avec le charbon de bois, il y a un petit sachet qu’on achète à ce prix pour faire son ‘’ataya’’ (thé), ou sa cuisson.
Avec 2000 GNF, tu as préparé pour la journée, alors que pour le gaz, il faut accumuler de l’argent pour avoir une bouteille de 3 kilos. En plus, il faut savoir l’utiliser.
Les gens ne sont pas formés à l’usage du gaz. Enfin, pour avoir le gaz, il faut se déplacer loin. Dans les pays limitrophes de la Guinée, comme le Sénégal, le Mali, la Côte d’ivoire, … le gaz est accessible partout. Chez nous, c’est au centre-ville seulement.
Moi j’utilise le gaz à la maison et parfois le bois de chauffe, mais jamais le charbon. Mais pour acheter le gaz, il me faut quitter chez moi, à Donghol, pour venir au Tinkisso ou en ville. Cela fait une longue distance, pour s’en procurer. Si le gaz était à côté, ça allait être plus facile.
Donc, il y a bien le gaz, mais pas en quantité suffisante et pas à proximité » reconnaît le patron du service de l’environnement.
Enfin, Mamadou Kobera Diallo suggère : « j’ai été très touché de voir des remorques de charbon, la semaine passée à Mamou, en provenance de l’intérieur du pays. Deux remorques chargées à bloc qui se suivent en direction de Conakry. C’est regrettable. Mais je n’y pouvais rien, parce que, c’est pour la consommation de la grande ville de Conakry.
Pour ce qui est de notre région Labé, nous recommandons à ceux qui produisent et vendent le charbon, de vendre le bois sec, parce que, pour avoir un kilo de charbon, il faut calciner trois kilos de bois. Donc tu perds de l’énergie.
La quantité qu’une personne utilise en bois pour cuisiner un repas, ne peut pas cuisiner le même repas, avec du charbon.
Donc, je les conseille d’utiliser le bois, parce que, l’unique raison qui les poussent vers le charbon, c’est parce que ça chauffe plus vide que le bois, ça ne fait pas de fumée et ça ne salit pas les ustensiles. Sinon, le bois est beaucoup plus économique, » rassure l’inspecteur régional de l’environnement de Labé.
C’est vrai que la production, le transport et la commercialisation du charbon de bois ne sont pas interdits en Guinée, mais l’État devrait améliorer son projet de subvention du gaz butane, pour freiner l’élan dévastateur du charbon de bois. Ce, en réduisant encore le prix des bonbonnes, mais aussi et surtout, en rendant disponible le gaz, sur toute l’étendue du territoire national.