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Au moins cinq personnes ont été tuées mardi au Kenya lors de manifestations antigouvernementales qui ont viré au chaos dans la capitale Nairobi, où des protestataires ont forcé les barrages de police et pénétré dans le Parlement.
Selon un communiqué de plusieurs ONG, dont Amnesty Kenya, « moins cinq personnes ont été tuées par balles (…) Trente et une ont été blessées » lors de cette journée de mobilisation à travers le pays contre les projets de nouvelles taxes du gouvernement actuellement débattus au parlement.
Après quelques dizaines de minutes, la police a repris le contrôle de l’enceinte du Parlement. Des images de la télévision montraient des salles saccagées, tables renversées, fenêtres brisées et du mobilier fumant jonchant des jardins. Trois camions de l’armée ont acheminé des renforts pour sécuriser les abords du parlement, où des dizaines de manifestants faisaient face aux forces de police, ont constaté les journalistes de l’AFP.
A quelques centaines de mètres du parlement, la police utilisait un canon à eau pour éteindre un incendie dans les bureaux du gouverneur de Nairobi, selon des images diffusées par la chaîne Citizen TV. Un peu plus tôt, un responsable d’Amnesty International Kenya, Irungu Houghton, avait fait état dans une déclaration à l’AFP de « nombreux blessés », dénonçant le « recours croissant aux balles réelles par la police » lors de cette manifestation.
La tension était progressivement montée mardi dans le centre d’affaires (CBD) de Nairobi où se tenait la troisième manifestation en huit jours d’un mouvement baptisé « Occupy Parliament » (« Occuper le Parlement ») opposé au projet de budget 2024-25 qui prévoit l’instauration de nouvelles taxes.
« Peur de rien »
De premiers heurts ont éclaté vers la mi-journée après que des manifestants ont progressé dans une zone abritant plusieurs bâtiments officiels (Parlement, Cour Suprême, mairie de Nairobi…), avant que les manifestants ne parviennent à pénétrer dans l’enceinte du Parlement, où les députés venaient d’approuver des amendements au texte, qui doit être voté d’ici le 30 juin.
D’autres manifestations se sont tenues dans plusieurs autres villes du pays, notamment dans les fiefs de l’opposition de Mombasa (est) et Kisumu (ouest), ainsi qu’à Eldoret (ouest), grande ville de la vallée du Rift, région d’origine du président William Ruto, Nyeri (sud-ouest) et Nakuru (centre).
Le mouvement « Occupy Parliament » a été lancé sur les réseaux sociaux peu après la présentation au Parlement le 13 juin du projet de budget 2024-2025 prévoyant l’instauration de nouvelles taxes, dont une TVA de 16% sur le pain et une taxe annuelle de 2,5% sur les véhicules particuliers. Pour le gouvernement, les taxes sont nécessaires pour redonner des marges de manœuvre au pays, lourdement endetté.
Après un début de contestation, le gouvernement a annoncé le 18 juin retirer la plupart des mesures, mais les manifestants ont poursuivi leur mouvement, demandant le retrait intégral du texte. Ils dénoncent un tour de passe-passe du gouvernement qui envisage de compenser le retrait de certaines mesures fiscales par d’autres, notamment une hausse de 50% des taxes sur les carburants.
Initialement porté par la « Génération Z » (jeunes nés après 1997), le mouvement s’est transformé en une contestation plus large de la politique du président Ruto, qui s’était dit prêt à dialoguer dimanche.
Moody Kimwele, 41 ans, est venu avec son fils de 15 ans pour dénoncer le poids croissant des taxes depuis le début de la présidence Ruto en septembre 2022. « Qu’ont-ils fait avec l’argent ? Peuvent-ils rendre compte de l’argent qu’ils ont utilisé au cours du dernier exercice ? On ne voit rien de ce qu’ils ont collecté », estimait-il dans la matinée.
« Nous n’avons peur de rien », lançait Stephanie Wangari, sans-emploi de 24 ans: « Ruto n’a jamais tenu ses promesses, même de fournir du travail aux jeunes. Nous sommes fatigués. Qu’il parte ».
Enlèvements
Avant la journée de mardi, cette mobilisation avait déjà été marquée par la mort de deux personnes à Nairobi. Plusieurs dizaines d’autres ont été blessées par la police, qui a également procédé à des centaines d’arrestations.
Amnesty et l’ONG KHRC ont accusé les autorités d’enlever des militants. La porte-parole de la police, Resila Onyango, n’a pas donné suite aux sollicitations de l’AFP sur ces accusations.
Le Kenya, pays d’Afrique de l’Est d’environ 52 millions d’habitants, est une locomotive économique de la région. Il a toutefois enregistré en mai une inflation de 5,1% sur un an, avec une hausse des prix des produits alimentaires et des carburants de respectivement 6,2% et 7,8%, selon la Banque centrale.
AFP
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