1er septembre- Retour à Madina Oula où la rébellion, 25 ans après, hante toujours le développement local

il y a 3 heures 23
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En septembre 2000, la sous-préfecture de Madina Oula, située à 75 kilomètres du centre-ville de Kindia, a été le théâtre d’une rébellion violente. Cette localité frontalière de la Sierra Leone a vécu l’un des épisodes les plus sombres de son histoire récente. 25 ans plus tard, les souvenirs de ce drame restent profondément ancrés dans la mémoire collective des habitants. Les stigmates de cette période troublée se manifestent encore aujourd’hui à travers les nombreuses difficultés socio-économiques et éducatives que traverse la localité.

‘En l’an 2000, nous avons enregistré de lourdes pertes matérielles et humaines. Là où nous sommes aujourd’hui, toutes les maisons avaient été détruites. Les rebelles avaient encerclé toute la commune de Madina Oula. Mais grâce à Dieu et à la bravoure de l’armée guinéenne, ils ont été repoussés. Le bâtiment de la gendarmerie sous-préfectorale a été gravement endommagé par leurs tirs, et jusqu’à présent, il n’a jamais été réparé’’

‘’Les rebelles arrêtaient tout le monde, ils les enfermaient à Saayan. À l’époque, il y avait un responsable militaire au barrage ; ils l’ont tué avant d’attaquer le marché. Ils portaient des mouchoirs rouges sur la tête, et chacun fuyait pour sa vie’’

Ils sont nombreux, ces citoyens qui étaient présents lors de l’invasion des rebelles en septembre 2000 à Madina Oula. C’est le cas de Sernô Fanta Camara, aujourd’hui très âgée, mais qui se rappelle encore des premiers événements : « à l’époque, je n’étais pas si vieille. Quand les rebelles sont entrés à Saayan, ils ont arrêté et ligoté plusieurs personnes, dont deux de nos enfants. Heureusement, ces deux-là ont pu s’échapper pendant la nuit et se sont dirigés vers Kansêi. Nous étions restés ici. Il y avait un sacrifice prévu et ceux qui étaient partis chercher le bœuf ont croisé les deux enfants, qui ont donné la vraie information : les rebelles s’apprêtaient à attaquer Madina Oula. Ce jour-là, nos enfants étaient au barrage. Les rebelles arrêtaient tout le monde, ils les enfermaient à Saayan. À l’époque, il y avait un responsable militaire au barrage ; ils l’ont tué avant d’attaquer le marché. Ils portaient des mouchoirs rouges sur la tête, et chacun fuyait pour sa vie. Heureusement, le commandant Youssouf avait mis en place un dispositif sécuritaire pour les repousser. Ce jour-là, il y avait un grand sacrifice ici, la viande était disponible, tu venais, tu prenais ta part et tu te sauvais. C’est ainsi que nous, avec nos enfants, avons pris la direction de Simbarayah » 

‘’Ce dimanche-là, vers 10 heures, nous avons entendu des coups de feu à l’entrée du village. Mon père était assis sous un manguier. Le village a paniqué, tout le monde courait dans tous les sens, des cris partout. Le commandant Youssouf était présent. Mon père a dit, les rebelles ne vont pas nous vaincre et il y a eu une forte pluie. Après, mon père a répété, nous allons les vaincre. Il s’est mis devant les militaires pour affronter les rebelles’’

Avant cette rébellion, Madina Oula était un carrefour commercial et un lieu de refuge pour des déplacés venus de Tambakha, Kamakoué et Makeny, fuyant la guerre en Sierra Leone. Mohamed Camara, jeune à l’époque, se souvient de l’arrivée des rebelles et de la résistance menée par son défunt père.  « À l’époque, Madina Oula était très peuplé, le marché se trouvait à l’entrée du village. Des gens venaient de la Sierra Leone, de Kindia, de Conakry pour écouler leurs marchandises. Ce dimanche-là, vers 10 heures, nous avons entendu des coups de feu à l’entrée du village. Mon père était assis sous un manguier. Le village a paniqué, tout le monde courait dans tous les sens, des cris partout. Le commandant Youssouf était présent. Mon père a dit, les rebelles ne vont pas nous vaincre et il y a eu une forte pluie. Après, mon père a répété, nous allons les vaincre. Il s’est mis devant les militaires pour affronter les rebelles. Il portait un complet noir et une écharpe attachée autour du cou. Moi, j’avais peur, j’ai pris mes enfants et mon père nous a dit de partir. Nous sommes allés à Kindia. Quand je suis revenu, je lui ai dit de venir avec nous. Il m’a répondu, non, je mourrai ici. Je ne quitterai jamais Madina Oula. », ajoute-t-il. 

‘’Beaucoup de gens ont assisté à ces événements, et jusqu’à aujourd’hui, au moindre bruit ou coup de feu, tout le monde panique et demande ce qui se passe et de nos secteurs appelé Teinkha, autrefois c’était une zone bien peuplée. Mais aujourd’hui, si vous y allez, il n’y a plus personne. Les maisons sont tombées en ruine. Ceux qui sont partis ne sont jamais revenus. Certains se sont installés à Kolenté, à Souguéta et ailleurs. Ils n’ont plus le courage de revenir’’

Du côté des femmes de Madina Oula, l’inquiétude était immense, d’autant plus que l’invasion a eu lieu à la période des récoltes. Aïssata Sylla, une habitante, se rappelle : « Les rebelles sont venus au moment où on s’apprêtait à faire les récoltes. Certains avaient déjà commencé dans les champs d’arachides. Ceux qui n’avaient encore rien récolté ont tout perdu. On avait peur d’aller dans les champs, de peur que les rebelles nous y attrapent. C’était un moment très difficile. Des maisons ont été détruites, du bétail volé. Même pour moi, j’ai perdu tous mes animaux ». 

Malgré les années écoulées, les conséquences de cette rébellion continuent d’entraver le développement de Madina Oula, comme l’explique encore Mohamed Camara : « Beaucoup de gens ont assisté à ces événements, et jusqu’à aujourd’hui, au moindre bruit ou coup de feu, tout le monde panique et demande ce qui se passe et de nos secteurs appelé Teinkha, autrefois c’était une zone bien peuplée. Mais aujourd’hui, si vous y allez, il n’y a plus personne. Les maisons sont tombées en ruine. Ceux qui sont partis ne sont jamais revenus. Certains se sont installés à Kolenté, à Souguéta et ailleurs. Ils n’ont plus le courage de revenir. Ça, c’est un premier problème. Ensuite, depuis l’arrivée des rebelles, les fonctionnaires qui avaient été affectés ici, ceux qui travaillaient, aucun n’a eu le courage de revenir s’installer et exercer son travail correctement. Le secteur de l’éducation est particulièrement touché, quand un enseignant est affecté ici, il refuse de venir. Ils disent que c’est la frontière, que c’est loin, que l’état de la route est déplorable et que nous sommes proches d’un pays en rébellion. Cette stigmatisation persiste et freine considérablement notre développement. »

‘’Cette incursion rebelle a coûté la vie à plusieurs citoyens de Madina Oula. Les coups de feu, la puissance des armes et les traumatismes de la guerre ont réduit l’espérance de vie de nombreux hommes valides et de personnes âgées. Ceux qui étaient déjà affaiblis n’ont pas pu supporter, ils sont tous décédés après les évènements’’

 

Hormis ces difficultés liées au développement local, les conséquences de la rébellion ont été dramatiques, selon l’imam ratib de Madina Oula, Elhadj Mbemba Bangoura : « En l’an 2000, nous avons enregistré de lourdes pertes matérielles et humaines. Là où nous sommes aujourd’hui, toutes les maisons avaient été détruites. Les rebelles avaient encerclé toute la commune de Madina Oula. Mais grâce à Dieu et à la bravoure de l’armée guinéenne, ils ont été repoussés. Le bâtiment de la gendarmerie sous-préfectorale a été gravement endommagé par leurs tirs, et jusqu’à présent, il n’a jamais été réparé. De nombreuses maisons ont été criblées de balles, et les impacts sont encore visibles aujourd’hui. Leur incursion a coûté la vie à plusieurs citoyens de Madina Oula. Les coups de feu, la puissance des armes et les traumatismes de la guerre ont réduit l’espérance de vie de nombreux hommes valides et de personnes âgées. Ceux qui étaient déjà affaiblis n’ont pas pu supporter, ils sont tous décédés après les événements. Du centre de Madina Oula jusqu’à Haut Tamisso, la zone a été complètement vidée de ses habitants. Plus de 300 bâtiments ont été détruits par les rebelles. À Kôlakhouré, plusieurs constructions ont été rasées. On a enregistré de nombreux cas de décès, notamment à Toumanya, à Sangoyah et partout où les rebelles sont passés. Les dégâts ont été immenses. Certaines maisons ne seront plus jamais reconstruites sans l’aide de l’État. », déclare le secrétaire général de la Ligue islamique de la commune rurale de Madina Oula.

Aboubacar Dramé, de retour à Madina Oula

+224 623 08 09 10

 

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